Vu le pourvoi et le mémoire, enregistrés les 22 août et 3 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Anne A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 05PA01582 du 12 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 16 février 2005 du tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la décision du 8 septembre 2000 du ministre des affaires étrangères refusant de l'affecter à Alger, ensemble la décision de rejet implicite de son recours gracieux et de sa réclamation tendant à être indemnisée des préjudices résultant de ces décisions, en date du 26 septembre 2000 ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ainsi que ces décisions ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 105 000 euros en réparation des préjudices pécuniaires résultant de ces décisions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 2 décembre 2010, présentée pour Mme A ;
Vu la Constitution ;
Vu le décret n° 69-697 du 18 juin 1969 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme A,
- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme A ;
Considérant que, par décision du 8 septembre 2000, le ministre des affaires étrangères a rejeté la demande d'affectation de Mme A, agent contractuel du ministère des affaires étrangères depuis le 18 avril 1983, sur un poste d'attaché de presse à l'ambassade de France à Alger au motif qu'elle avait dépassé la limite d'âge de cinquante-cinq ans fixée par le décret du 18 juin 1969 ; que Mme A a saisi le tribunal administratif de Paris de conclusions tendant à l'annulation de cette décision et à l'indemnisation du préjudice qu'elle en aurait subi ; que le tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 16 février 2005, confirmé par la cour administrative d'appel de Paris le 12 juin 2007 ; que Mme A se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 18 juin 1969 portant fixation du statut des agents contractuels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif, de nationalité française, en service à l'étranger : Les agents visés par le présent décret sont recrutés soit en France, soit à l'étranger. / L'agent recruté en France doit avoir atteint l'âge de la majorité légale et ne pas être âgé de plus de cinquante-cinq ans (...) ;
Considérant que si le principe d'égal accès aux emplois publics posé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à laquelle renvoie le Préambule de la Constitution implique en principe qu'aucune distinction, directe ou indirecte, ne soit faite pour l'accès à un emploi public en raison de l'âge des candidats, des conditions d'âge peuvent cependant être fixées notamment lorsque les caractéristiques de l'emploi les rendent nécessaires et à condition qu'elles ne soient pas manifestement disproportionnées aux buts légitimes en vue desquels elles sont instituées ;
Considérant que les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 18 juin 1969 interdisent l'accès aux emplois contractuels de l'Etat et de ses établissements publics situés à l'étranger aux personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans ; que si les caractéristiques de certains postes dans certains pays étrangers peuvent présenter des dangers auxquels une personne âgée de plus de cinquante-cinq ans serait particulièrement exposée, le pouvoir réglementaire ne pouvait légalement, sans méconnaitre le principe d'égal accès aux emplois publics, fixer, en l'absence de toute autre raison de nature à la justifier, une telle condition d'âge pour l'ensemble des postes situés à l'étranger, sans aucune distinction selon les risques qu'ils présentent ; que, par suite, Mme A est fondée à soutenir qu'en écartant le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne pouvait être légalement fondée sur ces dispositions illégales, la cour administrative d'appel, qui n'a au surplus pas motivé son arrêt sur le caractère proportionné de la différence de traitement dont elle a affirmé le caractère justifié, a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 8 septembre 2000 :
En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées par le ministre des affaires étrangères :
Considérant d'une part qu'il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que la requête présentée par Mme A devant le tribunal administratif ne serait pas timbrée manque en fait et ne peut, par suite, qu'être écarté ;
Considérant d'autre part que, contrairement à ce que soutient le ministre, la requête présentée par Mme A tendait à l'annulation de décision du ministre des affaires étrangères du 8 septembre 2000 refusant de l'affecter à Alger et de la décision du même ministre rejetant son recours gracieux ; qu'elle était, par suite, recevable ;
En ce qui concerne la légalité de la décision :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la seule circonstance que Mme A ait dépassé la limite d'âge de cinquante-cinq ans fixée par l'article 3 du décret du 18 juin 1969 pour occuper un emploi public situé à l'étranger ne pouvait légalement faire obstacle à son affectation à l'étranger ; qu'il ne ressort ni des pièces du dossier ni, plus particulièrement, des motifs de la décision contestée, que le ministre se serait fondé, pour refuser de recruter Mme A comme attachée de presse à l'ambassade de France à Alger, sur les caractéristiques de cet emploi, qui rendraient nécessaire le recrutement d'un agent âgé de moins de cinquante-cinq ans ; que, par suite, le ministre des affaires étrangères ne pouvait légalement rejeter sa candidature au seul motif qu'elle avait dépassé l'âge fixé par les dispositions précitées du décret du 18 juin 1969 ; que, dès lors, Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre des affaires étrangères en date du 8 septembre 2000 ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) ; qu'il résulte de l'instruction que les conclusions de Mme A tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices tant moraux que professionnels ne figuraient pas dans la réclamation préalable qu'elle avait adressée le 26 septembre 2000 à l'administration ; que, devant le tribunal administratif, le ministre des affaires étrangères a, à titre principal, invoqué l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de la requérante, à défaut d'une réclamation préalable ayant lié le contentieux, et n'a défendu au fond qu'à titre subsidiaire ; qu'ainsi, les conclusions susvisées étaient irrecevables ; que Mme A n'est, par suite, pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif les a rejetées ;
Sur les conclusions de Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 12 juin 2007 est annulé.
Article 2 : La décision du ministre des affaires étrangères en date du 8 septembre 2000 est annulée.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 16 février 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera à Mme A une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de Mme A est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Anne A et au ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes.