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07/02/2011 | FRANCE | N°346313

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 07 février 2011, 346313


Vu 1°), sous le n° 346313, la requête, enregistrée le 1er février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Ekka B, demeurant chez ... ; Mme B demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100135 du 18 janvier 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté en date du 8 juillet 2010 du préfet des Alpes-Maritimes décidant sa r

emise aux autorités polonaises ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Marit...

Vu 1°), sous le n° 346313, la requête, enregistrée le 1er février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Ekka B, demeurant chez ... ; Mme B demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100135 du 18 janvier 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté en date du 8 juillet 2010 du préfet des Alpes-Maritimes décidant sa remise aux autorités polonaises ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile dans un délai de vingt-quatrre heures à compter de la notification à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

elle soutient que la condition d'urgence est caractérisée dès lors que la décision du préfet des Alpes-Maritimes est susceptible d'être exécutée d'office ; qu'en décidant de sa réadmission vers la Pologne malgré l'expiration du délai de six mois courant à compter de l'acceptation par les autorités polonaises et sans que les conditions de dépassement de délai, prévues par le règlement n° 343/2003/CE, soient remplies, le préfet des Alpes-Maritimes a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; qu'elle n'a pas pris la fuite ; que son état de santé l'empêchait de se rendre aux convocations de la police aux frontières, comme l'attestent les certificats médicaux fournis par son mari à chaque convocation ; que le juge des référés a commis une erreur d'appréciation en retenant qu'aucun des deux époux ne s'est rendu à la convocation de la police aux frontières ; que la mesure d'éloignement, en interrompant les soins que nécessite son état de santé, lui fait courir un risque important ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 février 2011, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le délai de transfert a été porté de six à dix-huit mois car les requérants ont manifesté la volonté de se soustraire de façon intentionnelle et systématique aux injonctions de l'administration dans le seul but de faire obstacle à l'exécution de la mesure de réadmission les concernant ; que les requérants, convoqués à quatre reprises par le directeur de la réglementation et des libertés publiques, ne se sont jamais présentés à la direction départementale de la police aux frontières ; que les requérants n'ont jamais manifesté la volonté de retourner en Pologne ; que le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas entendu se prévaloir des dispositions de l'article 9-1 du règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ; que la grossesse de Mme B n'était pas considérée comme pathologique lors de la notification des décisions de remise aux autorités polonaises ; que la sage-femme n'était pas compétente pour attester de l'état pathologique de sa grossesse ; que Mme B n'a fait établir un certificat médical par un médecin généraliste qu'au mois de janvier 2011 ; que le médecin inspecteur de la santé publique a estimé que son état de santé était compatible avec un voyage en avion vers la Pologne ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 février 2011, présenté par Mme A, qui reprend les conclusions et les moyens de sa requête ; elle soutient en outre qu'elle et son époux n'ont pas tenté de se soustraire au contrôle de la police aux frontières ; que la traductrice atteste avoir accompagné M. A aux convocations du 10 septembre 2010, du 8 octobre 2010 et du 23 novembre 2010 ; que les qualités professionnelles de la sage-femme ne peuvent être mises en cause ; que les attestations produites attestent toutes que son état de santé nécessitait qu'elle reste alitée ; qu'un voyage en avion vers la Pologne était incompatible avec sa grossesse ; que le médecin inspecteur de la santé publique a établi le certificat médical sans même la rencontrer ; qu'elle n'a pas consulté de médecin spécialiste par manque de moyens financiers ;

Vu 2°), sous le n° 346315, la requête, enregistrée le 1er février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ali A, demeurant chez ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100134 du 18 janvier 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté en date du 8 juillet 2010 du préfet des Alpes-Maritimes décidant sa remise aux autorités polonaises ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que la condition d'urgence est caractérisée dès lors que la décision du préfet des Alpes-Maritimes est susceptible d'être exécutée d'office ; qu'en décidant de sa réadmission vers la Pologne, malgré l'expiration du délai de six mois courant à compter de l'acceptation par les autorités polonaises et sans que les conditions de dépassement de délai, prévues par le règlement n° 343/2003/CE, soient remplies, le préfet des Alpes-Maritimes a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; qu'il n'a pas pris la fuite ; qu'il s'est présenté à toutes les convocations de la police aux frontières et a présenté les certificats médicaux de son épouse attestant de son état de santé ; que le juge des référés a commis une erreur d'appréciation en retenant qu'aucun des deux époux ne s'est rendu à la convocation de la police aux frontières ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 février 2011, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui conclut au rejet de la requête, pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n° 346313 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 février 2011, présenté par M. A, qui reprend les conclusions et les moyens de sa requête ; il soutient en outre que lui et son épouse n'ont pas tenté de se soustraire au contrôle de la police aux frontières ; que la traductrice atteste l'avoir accompagné aux convocations du 10 septembre 2010, du 8 octobre 2010 et du 23 novembre 2010 ; que les qualités professionnelles de la sage-femme ne peuvent être mises en cause ; que les attestations produites attestent toutes que l'état de santé de Mme B nécessitait qu'elle reste alitée ; qu'un voyage en avion vers la Pologne était incompatible avec l'état de santé de son épouse ; que le médecin inspecteur de la santé publique a établi le certificat médical sans même rencontrer Mme B ; que son épouse n'a pas consulté de médecin spécialiste par manque de moyens financiers ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, pris pour son application ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. et Mme A, et, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 4 février 2011 à 11 heures, au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme A ;

- les représentants du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;

Considérant que les requêtes de M. et Mme A présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ;

Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que l'article 19 de ce règlement prévoit que le transfert du demandeur d'asile vers le pays de réadmission doit se faire dans les six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge et que ce délai peut être porté à dix-huit mois si l'intéressé prend la fuite ; que la notion de fuite au sens de ce texte doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant ; qu'aux termes enfin des dispositions du paragraphe 1 de l'article 3 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l'accueil des demandeurs d'asile : La présente directive s'applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d'asile à la frontière ou sur le territoire d'un Etat membre tant qu'ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d'asile, ainsi qu'aux membres de leur famille, s'ils sont couverts par cette demande d'asile conformément au droit national ;

Considérant que, par les ordonnances attaquées, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, rejeté les requêtes de M. et Mme A tendant à la suspension de l'exécution des arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes décidant la remise des intéressés aux autorités polonaises ; que M. et Mme A font appel de ces ordonnances ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A, de nationalité géorgienne, ont sollicité l'asile le 18 mai 2010 auprès des services de la préfecture des Alpes-Maritimes ; que le préfet de ce département a toutefois refusé de leur délivrer un document provisoire de séjour au motif que leur demande relevait de la compétence de la Pologne ; que les autorités polonaises ont donné, le 7 juin 2010, leur accord à la réadmission des intéressés ; que le préfet a pris, en conséquence, le 8 juillet 2010, deux décisions de réadmission de M. et Mme A vers la Pologne, tout en laissant aux intéressés un délai d'un mois pour y déférer ; que M. et Mme A n'ont pas tenu compte de la notification de ces décisions et se sont maintenus sur le territoire français au-delà de ce délai ; que, convoqués à plusieurs reprises, M. et Mme A ne se sont pas présentés aux autorités administratives avec leurs enfants dans des conditions permettant d'assurer leur départ avec ceux-ci vers la Pologne ; qu'en effet, M. et Mme A ont été convoqués à quatre reprises le 10 septembre, le 8 puis le 13 octobre et le 23 novembre 2010 ; que M. A s'est présenté seul à seulement deux de ces convocations, alors qu'il était expressément mentionné dans les convocations que l'ensemble de la famille devait se présenter afin d'assurer le départ de tous ses membres vers la Pologne ; qu'en dépit de plusieurs déplacements à l'hôtel où ils étaient hébergés, les fonctionnaires de la préfecture n'ont pu entrer en contact avec les intéressés pour déterminer les conditions de leur départ ; que, dès lors, les requérants ont pu, sans illégalité manifeste, être regardés comme s'étant soustraits de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative afin de faire obstacle à la mesure d'éloignement les concernant ; que, dans ces conditions, le préfet a pu, le 24 novembre 2010, fixer à dix-huit mois le délai de réadmission sans porter d'atteinte grave et manifestement illégale aux garanties qu'implique le respect du droit d'asile ; que, par suite, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les ordonnances attaquées, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté leurs requêtes ; qu'ainsi, sans qu'il y ait lieu de leur accorder l'aide juridictionnelle à titre provisoire, leurs appels doivent être rejetés ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A sont rejetées.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Ekka B, à M. Ali A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 346313
Date de la décision : 07/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 fév. 2011, n° 346313
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:346313.20110207
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