Vu le pourvoi sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 8 septembre 2009 et 9 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-Alix A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08NT00269 du 19 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 04-205 et 07-552 du 7 juin 2007 du tribunal administratif d'Orléans en tant que celui-ci n'a enjoint au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Cher de réexaminer ses droits à avancement d'échelon qu'à compter du 12 décembre 2003, ne lui a accordé que la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral, a rejeté les conclusions de ses demandes tendant à la condamnation du centre à lui rembourser l'ensemble des frais qu'elle a exposés ainsi qu'à l'indemniser des différents autres préjudices qu'elle a subis, d'autre part, à la condamnation du centre de gestion à lui verser les sommes de 581,58 euros, 198,90 euros et 363 euros au titre des divers frais bancaires qu'elle a supportés, la somme de 70 000 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis et les sommes de 58 540 euros et 1 999,40 euros en remboursement des frais de psychothérapie et de déplacements qu'elle a exposés et, à ce qu'il soit enjoint au centre de gestion, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai d'un mois, de réexaminer ses droits à avancement d'échelon à compter du 11 septembre 2000 ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit aux conclusions présentées en première instance et de faire droit à ces conclusions ;
3°) de mettre à la charge du centre de gestion le paiement de la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Masse-Dessen Thouvenin, avocat de Mme A au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Doutriaux, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A, et de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Cher,
- les conclusions de M. Frédéric Lenica, rapporteur public,
La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A, et à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Cher ;
Considérant qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions.(...)./ Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...)/ 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. (...)/ Le fonctionnaire qui a obtenu un congé de longue maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature s'il n'a pas auparavant repris l'exercice de ses fonctions pendant un an. (...)/ 4° A un congé de longue durée, en cas de (...) maladie mentale, (...) de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...)./ Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. / Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée ne peut être attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée./ Sur demande de l'intéressé, l'administration a la faculté, après avis du comité médical, de maintenir en congé de longue maladie le fonctionnaire qui peut prétendre à un congé de longue durée (...) ;
Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme A, attachée territoriale, a été recrutée en 1998 par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Cher en qualité de directrice adjointe chargée des concours et du suivi des instances paritaires ; que Mme A, souffrant d'une dépression anxio-dépressive réactionnelle après un conflit avec le directeur du centre de gestion au cours de l'année 2000, a été placée en position de congé de longue durée à plein traitement entre le 11 septembre 2000 et le 11 septembre 2003, puis à demi traitement entre le 12 septembre 2003 et le 11 décembre 2003 ; que, par une décision du 12 mai 2004, le directeur du centre de gestion a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie en cause puis a placé l'intéressée, à compter du 12 décembre 2003, en position de disponibilité d'office pour raisons de santé par un arrêté du 13 mai 2004, position renouvelée par des arrêtés ultérieurs des 12 décembre 2004, 10 novembre 2005 et 5 décembre 2006 ;
Considérant que, par jugement en date du 7 juin 2007, le tribunal administratif d'Orléans a annulé pour excès de pouvoir la décision du 12 mai 2004 du directeur du centre de gestion ainsi que les arrêtés successifs qui ont placé Mme A en disponibilité d'office, au motif que la dépression anxio-dépressive réactionnelle dont elle souffre était imputable au service ; que ce jugement, dans cette mesure, est devenu définitif ;
Considérant que Mme A a toutefois relevé appel de ce jugement en tant qu'il n'a enjoint au centre de gestion de réexaminer ses droits à avancement qu'à compter de la date de son placement en position de disponibilité d'office, qu'il a limité à la somme de 1 500 euros le montant de la réparation de ses préjudices et qu'il a rejeté les conclusions tendant à la prise en charge des frais qu'elle a exposés pour le traitement de la maladie ; que la cour administrative d'appel de Nantes, par l'arrêt attaqué, a rejeté l'appel formé, dans cette mesure, par Mme A ;
Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d'appel de Nantes, pour confirmer le jugement de première instance en tant qu'il a statué sur les conclusions à fin d'injonction, a , d'une part, relevé que Mme A avait conservé ses droits à avancement alors qu'elle était placée en position de congé de longue durée et estimé, en conséquence, qu'il n'y avait lieu d'enjoindre au centre de gestion de réexaminer les droits à avancement d'échelon qu'à compter de la date à laquelle elle a été illégalement placée en position de disponibilité d'office et, d'autre part, estimé qu'il avait été enjoint à juste titre au centre de replacer l'intéressée en congé de maladie et de longue durée en réexaminant ses droits à plein traitement et à demi traitement ; que ce faisant, la cour administrative d'appel de Nantes n'a ni dénaturé les écritures de Mme A ni omis de statuer sur des conclusions dont elle aurait été saisie et a suffisamment motivé son arrêt ;
Considérant, en deuxième lieu, que pour confirmer le jugement en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'indemnisation des différents préjudices allégués par Mme A, la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que l'existence d'un lien de causalité directe entre l'illégalité des décisions annulées et les préjudices allégués n'était pas établie et que le règlement du conflit ayant opposé Mme A et le directeur du centre de gestion n'avait pas été fautif ; que la cour s'est ainsi prononcée, par un arrêt qui est suffisamment motivé, sur l'ensemble des demandes indemnitaires de Mme A et n'a pas, en l'état de ses constatations souveraines, inexactement qualifié les faits de la cause ;
Considérant toutefois, en troisième lieu, que pour confirmer le jugement en tant qu'il a refusé la prise en charge des frais exposés pour le traitement de l'affection dont souffre Mme A, la cour administrative d'appel de Nantes s'est bornée à relever que l'intéressée ne justifiait pas que les frais de thérapie engagés à compter du mois de septembre 2000 constituent une dépense directement entraînée par la maladie ; qu'en statuant ainsi, alors que Mme A faisait valoir qu'elle n'avait aucun antécédent antérieur à septembre 2000 et avait produit plusieurs documents émanant de son médecin traitant et de psychiatres attestant que la psychothérapie avait été suivie pour traiter l'affection dont elle souffre et des justificatifs des dépenses engagées, la cour administrative d'appel de Nantes a insuffisamment motivé son arrêt ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi soulevés à cette fin, l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à ce que le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Cher prenne en charge les frais de psychothérapie et de déplacements afférents exposés par Mme A ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821 2 du code de justice administrative ;
Considérant que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 comportent, pour les fonctionnaires territoriaux, le droit au remboursement non seulement des honoraires médicaux mais encore de l'ensemble des frais réels par eux exposés et directement entraînés par une maladie reconnue imputable au service ; qu'il appartient aux intéressés de justifier tant du montant de ces frais que du caractère d'utilité directe que ceux-ci ont présenté pour parer aux conséquences de la maladie dont ils souffrent ;
Considérant que l'imputabilité au service de l'affection dont souffre Mme A a été établie par le jugement, définitif sur ce point, rendu par le tribunal administratif d'Orléans le 7 juin 2007 ; que, d'une part, il résulte de l'instruction que Mme A n'avait suivi aucune psychothérapie avant le mois de septembre 2000 ; que le suivi d'une telle psychothérapie a été jugé nécessaire par le médecin traitant de l'intéressée, à partir de 2000 et à plusieurs reprises au cours des années suivantes ainsi qu'en attestent différents certificats médicaux de son médecin traitant et de plusieurs médecins psychiatres, pour le traitement de l'affection dont elle souffre depuis le mois de septembre 2000 ; que le rapport circonstancié rédigé en 2005 par le médecin contrôleur départemental commis à fin d'expertise par la Caisse nationale de prévoyance, qui n'a pas été contesté par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Cher, estime que le traitement de la maladie nécessitait la poursuite des soins psychiatriques engagés ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, les frais exposés par Mme A pour suivre une psychothérapie entre 2000 et 2007 doivent être regardés comme présentant un caractère d'utilité directe pour traiter l'affection reconnue imputable au service ; que, d'autre part, Mme A justifie de dépenses de psychothérapie d'un montant de 58 540 euros entre septembre 2000 et août 2007 et de frais de déplacement exposés pour suivre cette thérapie ; qu'il sera fait une juste appréciation du montant de ces frais exposés pour le traitement de la maladie imputable au service en condamnant le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Cher à verser à Mme A une indemnité de 60 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à ce que les frais exposés pour le traitement de la maladie soient pris en charge par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Cher ;
Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Masse-Dessen Thouvenin, avocat de Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Cher le versement à la SCP Masse- Dessen Thouvenin de la somme de 3 000 euros ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 19 décembre 2008 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A tendant à ce que le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Cher soit condamné à prendre en charge les frais de psychothérapie et de déplacement exposés pour le traitement de l'affection reconnue imputable au service.
Article 2 : Le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Cher versera à Mme A la somme de 60 000 euros en remboursement des frais de psychothérapie et de déplacement exposés.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 juin 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Cher versera à la SCP Masse-Dessen Thouvenin, avocat de Mme A, une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Alix A et au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Cher.