Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 octobre 2007 et 21 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme David A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 04VE03285 du 12 juillet 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation de l'article 3 du jugement n° 0100048 du 6 juillet 2004 du tribunal administratif de Versailles rejetant leur demande en décharge d'une partie des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1994, 1995 et 1996, et d'autre part, à la décharge de ces impositions supplémentaires ;
2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions supplémentaires en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. et Mme A,
- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. et Mme A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme David A ont fait l'objet, au titre des années 1994, 1995 et 1996, d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle ; qu'au titre de cette même période, l'administration a engagé à leur encontre une vérification de comptabilité à raison des gains de cessions de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisés notamment à l'occasion de la vente en 1994 de la participation de 6 % qu'ils détenaient dans le capital de la SA Maurepas Distribution, exploitant un supermarché sous l'enseigne "E. Leclerc" ; qu'à l'issue de ces opérations de contrôle, divers redressements leur ont été notifiés selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales en matière de revenus fonciers et de revenus de capitaux mobiliers, ainsi que de bénéfices industriels et commerciaux et de plus-values sur cessions de droits sociaux ; qu'en outre, en l'absence de justifications et d'éclaircissements de la part des contribuables, certaines sommes apparaissant au crédit de leurs comptes bancaires ont été taxées d'office au titre des années 1994 et 1996 en tant que revenus d'origine indéterminée ; que les redressements ont été assortis de la pénalité pour mauvaise foi prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; qu'après rejet de leurs réclamations contentieuses dirigées contre ces impositions supplémentaires, les contribuables ont contesté ces impositions devant la juridiction administrative ; qu'ils se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 12 juillet 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté leur requête tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement du 6 juillet 2004 du tribunal administratif de Versailles rejetant leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1994, 1995 et 1996 ;
Sur les moyens relatifs à la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : "Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. / A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal. / Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. / Cette période est prorogée du délai accordé, le cas échéant, au contribuable et, à la demande de celui-ci, pour répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications pour la partie qui excède les deux mois prévus à l'article L. 16 A. / Elle est également prorogée des trente jours prévus à l'article L. 16 A et des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration ou pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères, lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger. / La période mentionnée au troisième alinéa est portée à deux ans en cas de découverte, en cours de contrôle, d'une activité occulte. Il en est de même lorsque, dans le délai initial d'un an, les articles L. 82 C ou L. 101 ont été mis en oeuvre" ; qu'il résulte de ces dispositions que la prorogation des délais qu'elles prévoient, destinée à permettre à l'administration de réunir l'ensemble des informations sur la situation fiscale personnelle du contribuable, s'applique à l'ensemble de la procédure de contrôle ; qu'il suit de là qu'après avoir relevé dans les motifs de son arrêt qu'eu égard aux délais supplémentaires qui ont été nécessaires à l'administration pour obtenir les informations relatives aux revenus tirés par M. et Mme A de leur patrimoine immobilier situé aux Etats-Unis, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant de ces dispositions que l'administration était en droit de proroger à due concurrence la durée du contrôle sans qu'il y ait lieu d'opérer une distinction entre les redressements trouvant leur source dans les renseignements demandés aux autorités américaines et ceux n'ayant pas nécessité d'investigations d'une telle nature ;
En ce qui concerne le moyen relatif à la motivation de la notification de redressements du 22 décembre 1997 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...)" ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées ; que la cour a relevé dans les motifs de son arrêt que la notification de redressements en date du 22 décembre 1997 mentionnait les raisons pour lesquelles les cessions litigieuses relevaient des dispositions de l'article 92 K du code général des impôts et précisait le détail des calculs opérés par l'administration permettant de déterminer le montant de la plus-value imposable au titre de l'année 1994 résultant, d'une part, de la cession des titres de la SNC Jadd, d'autre part, de la cession des parts des SNC Sylvimmo, Abimau, Davimau et de la SCI Parissy ; qu'aux termes d'une appréciation souveraine exempte de dénaturation, elle a déduit de ces éléments que cette motivation permettait aux contribuables de formuler utilement leurs observations ou de faire connaître leur acceptation ; que, par suite, elle a pu, sans entacher son arrêt d'erreur de droit, écarter le moyen tiré d'une insuffisante motivation de cette notification de redressements ;
En ce qui concerne le moyen relatif au défaut de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires :
Considérant qu'en relevant que le différend opposant les contribuables à l'administration fiscale portait sur la plus-value de cession des parts détenues par M. et Mme A au sein de la SA Maurepas Distribution pour en conclure que cette matière ne figurait pas au nombre de celles relevant de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et en en déduisant que la circonstance que le vérificateur avait rayé les mentions relatives à la possibilité de saisir cette instance paritaire dans la réponse aux observations des contribuables n'avait privé ces derniers d'aucune garantie substantielle, la cour a suffisamment motivé son arrêt ;
Sur les moyens relatifs au bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le moyen relatif à l'imposition des plus-values de cession des titres de la SA Maurepas Distribution :
Considérant, en premier lieu, que l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs devenues définitives s'attache à la constatation des faits mentionnés dans les jugements et arrêts, support nécessaire du dispositif, et à leur qualification au regard de la loi pénale ; qu'en revanche elle ne s'attache pas à l'appréciation de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale, notamment en ce qui concerne l'évaluation des bases d'imposition ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêt devenu définitif en date du 12 février 2004, la cour d'appel de Versailles s'est bornée à qualifier au regard du droit des sociétés les sommes versées par la société Auchan le 24 juillet 1991, en sus de la valeur nominale des actions, en contrepartie de la cession par les actionnaires de leurs droits préférentiels de souscription d'actions, écartant la qualification de prime d'émission conférée à ces mêmes sommes par l'administration pour justifier les poursuites pénales engagées à l'encontre de M. David A ; qu'une telle qualification ne s'impose pas au juge de l'impôt ; qu'en jugeant que cet arrêt était sans incidence sur la qualification juridique des faits dans le cadre de la détermination par le juge administratif de l'assiette de calcul des plus-values réalisées, la cour n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée par la juridiction répressive ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Versailles que n'a pas été invoqué devant elle un moyen tiré de ce qu'en ne reprenant pas la qualification donnée aux faits en litige par la cour d'appel de Versailles, le tribunal administratif de Versailles aurait méconnu les articles 6 et 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré par M. et Mme A de ce que la cour administrative d'appel de Versailles aurait méconnu ces articles en ne suivant pas la qualification donnée aux faits par le juge pénal est sans incidence sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué ;
En ce qui concerne le moyen relatif à l'imposition des revenus d'origine indéterminée au titre des années 1994 et 1996 :
Considérant que la cour a relevé, par des motifs non argués de dénaturation, que M. A s'est borné à soutenir dans ses écritures d'appel que les sommes taxées d'office en tant que revenus d'origine indéterminée étaient constituées de prêts à caractère familial, sans toutefois verser aux débats des explications sur l'objet des versements ni aucune justification quant aux remboursements des avances qu'il aurait consenties à son frère M. Dominique B et à son gendre M. Cohen ; qu'elle a également relevé, sur le fondement de l'instruction, que les chèques portés au crédit de ses comptes ont été émis par son frère M. Jacques B avec lequel le requérant était en relations d'affaires au sein de la société Marly Participation ; qu'en se fondant sur cette dernière constatation, non arguée de dénaturation, pour juger que le contribuable, à qui il incombait d'établir le caractère non imposable des sommes en cause, ne pouvait se prévaloir, dans les circonstances de l'espèce, de la présomption d'existence d'un prêt familial, les juges du fond n'ont pas commis d'erreur de droit ni inversé la charge de la preuve ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme David A ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme A est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme David A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.