Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mai et 7 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Sylvie A, demeurant ..., agissant en sa qualité de curatrice de sa fille majeure, Mlle Priscilla B ; Mme Sylvie A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08NT03504 du 25 mars 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, sur l'appel formé par le centre hospitalier universitaire de Brest, annulé l'ordonnance n° 084654 du 10 décembre 2008 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes ordonnant une expertise médicale sur les troubles dont souffre sa fille, Mlle Priscilla B, à la suite des soins dispensés en janvier 2007 dans ce centre hospitalier ;
2°) statuant en référé, de rejeter l'appel formé par le centre hospitalier universitaire de Brest ;
3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge du centre hospitalier universitaire de Brest au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Ranquet, Maître des Requêtes,
- les observations de Me de Nervo, avocat de Mme A et de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier universitaire de Brest,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me de Nervo, avocat de Mme A et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier universitaire de Brest ;
Considérant que Mlle Priscilla B, née le 16 mars 1989, handicapée moteur depuis sa petite enfance, a présenté en janvier 2007 des céphalées et des troubles ophtalmologiques qui ont motivé son admission au centre hospitalier universitaire de Brest ; qu'en dépit de cette prise en charge médicale, elle est demeurée atteinte de graves séquelles neurologiques, dont une cécité totale et définitive ; qu'une décision du 10 mars 2008 du juge des tutelles du tribunal d'instance de Brest l'a placée sous la curatelle de sa mère, Mme Sylvie A ; que, le 17 octobre 2008, cette dernière, agissant au nom de sa fille, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes d'ordonner une expertise ; que l'ordonnance du 10 décembre 2008 accueillant cette demande a été annulée, sur appel du centre hospitalier universitaire de Brest, par un arrêt du 25 mars 2010 contre lequel Mme A se pourvoit en cassation ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ; que, pour décider que l'expertise demandée par Mme A au nom de sa fille ne présentait pas le caractère d'utilité requis par ces dispositions, les juges d'appel ont relevé que, par une décision du 4 septembre 2007, le centre hospitalier universitaire de Brest avait rejeté une demande d'indemnité présentée au nom de Mlle Priscilla B par l'assureur protection juridique familiale de cette dernière, que cette décision n'avait pas été contestée dans les deux mois de sa notification à l'intéressée et qu'ainsi cette dernière n'était plus recevable à rechercher la responsabilité de l'établissement ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-3 du code de justice administrative : (...) l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : / 1° En matière de plein contentieux (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que seule la notification d'une décision expresse du centre hospitalier universitaire de Brest rejetant une demande d'indemnité valablement présentée au nom de Mlle Priscilla B pouvait faire courir à l'encontre de cette dernière le délai pour former une action en réparation devant la juridiction administrative ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Nantes que l'assureur auprès duquel Mme Sylvie A avait souscrit un contrat de garantie locative comportant une clause de protection juridique familiale a écrit au directeur du centre hospitalier le 4 juillet 2007 puis à nouveau le 22 août suivant ; que le premier de ces courriers se bornait à demander les coordonnées de l'assureur de l'hôpital et le second à interroger le destinataire sur la prise en charge de ce dossier , sans autres précisions ; qu'eu égard aux termes dans lesquels ils étaient rédigés, la cour n'a pu, sans dénaturation, y voir des réclamations préalables présentées au nom de Mlle Priscilla B et tendant au versement d'indemnités au titre de sa prise en charge par l'hôpital ; que son arrêt doit par suite être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire en statuant sur l'appel du centre hospitalier universitaire de Brest contre la décision du juge des référés du tribunal administratif ordonnant l'expertise sollicitée par Mme A ;
Considérant que Mlle Priscilla B, majeure depuis le 16 mars 2007, n'a été placée sous curatelle de sa mère que le 10 mars 2008 ; que, par suite, la lettre adressée par Mme Sylvie A au centre hospitalier universitaire de Brest le 8 juin 2007 ne saurait, en l'absence de mandat établi par sa fille, être regardée comme une réclamation préalable valablement présentée au nom de cette dernière ; que, pour les raisons indiquées ci-dessus, les courriers adressés par l'assureur Groupama les 4 juillet et 22 août 2007 ne présentent pas le caractère d'une demande d'indemnité ; que, dès lors, et eu égard aux dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative, la notification de la décision du 4 septembre 2007 n'a pas fait courir le délai légal pour la présentation par Mlle Priscilla B d'un recours indemnitaire contre le centre hospitalier universitaire de Brest ; que ce dernier n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la mesure d'expertise sollicitée était dépourvue d'utilité et que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a accueilli la demande de Mme A en ce sens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Brest une somme de 3 850 euros au titre des frais engagés par Mme A devant la cour administrative d'appel de Nantes et le Conseil d'Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 08NT03504 du 25 mars 2010 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : La requête du centre hospitalier universitaire de Brest devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Brest versera à Mme Sylvie A une somme de 3 850 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Sylvie A, au centre hospitalier universitaire de Brest et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère-nord.