Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juin et 3 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST, dont le siège est 14 rue de Lourmel BP 61727 à Nantes (44017 Cedex 1), représentée par son directeur général, et pour la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, dont le siège est 26-28 rue de Madrid à Paris (75384 Cedex 08), représentée par le président de son conseil d'administration ; la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST et la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 mars 2009, notifiée le 6 avril 2009, par laquelle la Commission bancaire a décidé d'adresser une mise en garde à la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST à l'effet de se conformer à certaines règles de bonne conduite de la profession relatives, d'une part, à l'information des clients, pour certains prêts, sur les modalités de détermination du taux fixe, sur les conséquences des options qui leur sont proposées lors des révisions et sur le coût effectif du crédit et, d'autre part, aux modalités de détermination de la capacité d'endettement maximale des emprunteurs et de fixation de leur revenu résiduel minimal ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la consommation ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Josse, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST et de la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Commission bancaire,
- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST et de la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Commission bancaire ;
Considérant qu'aux termes des trois premiers alinéas de l'article L. 613-1 du code monétaire et financier, alors en vigueur : "La commission bancaire est chargée de contrôler le respect par les établissements de crédit des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables et de sanctionner les manquements constatés./ Elle examine les conditions de leur exploitation et veille à la qualité de leur situation financière./ Elle veille au respect des règles de bonne conduite de la profession. Elle veille également à ce que les entreprises soumises à son contrôle mettent en oeuvre les moyens adaptés pour se conformer aux codes de conduite homologués mentionnés à l'article L. 611-3-1." ; que selon l'article L. 613-15 du même code, alors en vigueur : "Lorsqu'un établissement de crédit a manqué aux règles de bonne conduite de la profession, la commission bancaire, après avoir mis ses dirigeants en mesure de présenter leurs explications, peut leur adresser une mise en garde" ; qu'aux termes de l'article L. 611-3-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "Le ministre chargé de l'économie peut, après avis du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières et à la demande d'une ou plusieurs organisations représentatives des professionnels du secteur financier figurant sur une liste arrêtée par le ministre, homologuer par arrêté les codes de conduite qu'elles ont élaborés en matière de commercialisation d'instruments financiers mentionnés à l'article L. 211-1, de produits d'épargne mentionnés au titre II du livre II du présent code ainsi que de contrats d'assurance individuels comportant des valeurs de rachat, de contrats de capitalisation et de contrats mentionnés à l'article L. 132-5-3 et à l'article L. 441-1 du code des assurances" ; que l'article L. 613-21, alors en vigueur, dispose qu'un établissement de crédit qui a enfreint une disposition législative ou réglementaire afférente à son activité ou qui n'a pas tenu compte d'une mise en garde peut se voir infliger une sanction disciplinaire ;
Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées des articles L. 613-1 et L. 613-15 du code monétaire et financier, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, donnent compétence à la Commission bancaire pour, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, constater, à la lumière des lois et règlements, des règles de conduite qu'un professionnel ne peut prétendre ignorer et qui s'imposent à la profession en vertu des principes de sécurité financière des établissements ainsi que de transparence et de loyauté de la relation avec le client ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que les codes de conduite visés à l'article L. 611-3-1 ne se confondent pas avec les règles de bonne conduite prévues aux articles L. 613-1 et L. 613-15 ; que pour fonder légalement sur ces règles une mise en garde, dont l'absence de mise en oeuvre est susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire, il appartient à la Commission bancaire de définir de façon suffisamment précise et explicite dans cette mise en garde les modifications que l'établissement doit apporter à ses pratiques pour respecter les règles de bonne conduite de la profession qu'il a méconnues ; qu'il suit de là que la Commission bancaire n'excède pas les limites de sa compétence lorsque, faisant application des dispositions précitées du code monétaire et financier, elle constate les règles de bonne conduite de la profession auxquelles un établissement a manqué et détermine les conséquences que ce dernier doit en tirer ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international (...)" ; qu'une mise en garde, adressée en application de l'article L. 613-15 précité, n'a pas en elle-même le caractère d'une sanction, celle-ci pouvant découler, ultérieurement, de l'inobservation de la mise en garde ; qu'ainsi, les stipulations précitées ne lui sont pas applicables ;
Considérant, en troisième lieu, que sur le fondement de l'article L. 613-15 du code monétaire et financier, la Commission bancaire a décidé, dans sa séance du 9 mars 2009, de mettre en garde la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST aux fins de s'assurer que les modalités de détermination du taux fixe proposé lors de la révision du taux d'intérêt du prêt "rendez-vous" soient définies par le contrat initial de prêt, d'améliorer l'information des clients lors de la révision d'un tel prêt, en raison du caractère irréversible de certaines des options proposées et des conséquences d'un choix tardif par l'emprunteur, de veiller à l'exactitude et à la clarté des informations données sur les mensualités et le calcul du taux effectif global, de veiller à ce que les modalités d'octroi des prêts ne conduisent pas à laisser à des emprunteurs un revenu résiduel minimal inférieur à celui pouvant être laissé par les commissions de surendettement des particuliers et, enfin, d'exclure des revenus de l'emprunteur les pensions versées par ce dernier pour l'appréciation de sa capacité d'endettement ;
Considérant que figurent au nombre des règles de bonne conduite de la profession, s'imposant à ce titre à l'ensemble des établissements de crédit, le devoir d'informer complètement l'emprunteur du coût effectif du prêt, des options qu'il comporte et des conséquences des choix qui lui sont proposés, s'agissant d'un prêt à taux révisable, ainsi que celui de définir, dans le contrat de prêt initial, les modalités de détermination des taux qui pourront être proposés lors de la révision du taux d'intérêt du prêt ; que la Commission bancaire pouvait légalement estimer, en se fondant sur les résultats d'une mission réalisée entre octobre 2007 et mars 2008, que la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST avait manqué à ces règles et, par suite, la mettre en garde de les respecter, alors même que la Fédération bancaire française et l'Association française des sociétés financières n'ont pris qu'en mai 2008, sous l'égide de l'Association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, des engagements au nom de la profession dans ce domaine ;
Considérant que, de même, figurent au nombre des règles de bonne conduite de la profession le devoir d'apprécier de façon sincère la capacité d'endettement de l'emprunteur et de pas accorder à un emprunteur non averti un prêt excessif au regard de ses capacités à le rembourser ; que, toutefois, s'agissant de cette dernière règle, la Commission bancaire a mis en garde la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST de veiller à ce que les modalités d'octroi des prêts ne conduisent pas à laisser aux emprunteurs, après paiement des échéances de leur emprunt, un revenu résiduel inférieur à celui pouvant être laissé par les commissions de surendettement des particuliers ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 331-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "Le montant des remboursements (...) est fixé (...) de manière à ce qu'une partie des ressources nécessaire aux dépenses courantes du ménage lui soit réservée par priorité. Cette part de ressources, qui ne peut être inférieure à un montant égal au revenu minimum d'insertion dont disposerait le ménage, intègre le montant des dépenses de logement, d'électricité, de gaz, de chauffage, d'eau, de nourriture et de scolarité, dans la limite d'un plafond, selon des modalités définies par décret. Elle est fixée par la commission après avis de la personne justifiant d'une expérience dans le domaine de l'économie sociale et familiale (...)" ; qu'en l'absence de décret définissant les règles de plafonnement des dépenses à prendre en considération, les modalités de détermination de la part de ressources devant être réservée aux dépenses courantes du ménage pouvaient varier selon les commissions de surendettement des particuliers ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que celles-ci regardaient ces modalités comme confidentielles ; que, par suite, les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que, faute d'avoir permis à la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST de savoir précisément quel comportement elle devait adopter, la Commission bancaire n'a pas légalement fondé sa mise en garde sur ce point ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont fondées à demander l'annulation de la décision du 9 mars 2009 qu'en tant qu'elle met en garde la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST de veiller à ce que les modalités d'octroi des prêts ne conduisent pas à laisser aux emprunteurs, après paiement des échéances de leur emprunt, un revenu résiduel inférieur à celui qui pourrait leur être laissé par les commissions de surendettement des particuliers ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat un versement aux sociétés CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST et CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'un versement soit mis à la charge des sociétés CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST et CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, qui ne sont pas la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 9 mars 2009 de la Commission bancaire est annulée en tant qu'elle met en garde la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST de veiller à ce que les modalités d'octroi des prêts ne conduisent pas à laisser aux emprunteurs, après paiement des échéances de leur emprunt, un revenu résiduel inférieur à celui qui pourrait leur être laissé par les commissions de surendettement des particuliers.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Les conclusions tendant à ce que soit mis à la charge des sociétés CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST et CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT le versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST, à la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à l'Autorité de contrôle prudentiel.