Vu l'ordonnance n° 10BX01891 du 1er septembre 2010, enregistrée le 8 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour pour M. A ;
Vu le pourvoi, enregistré le 26 juillet 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, et le mémoire, enregistré le 10 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Guy A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 0702851 du 19 mai 2010 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Toulouse, après lui avoir donné acte du désistement de ses conclusions tendant au paiement de l'indemnité d'administration et de technicité (IAT) au titre de la période du 1er janvier au 31 mai 2006, a, d'une part, dit n'y avoir lieu à statuer sur les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 avril 2007 en tant que, par cet arrêté, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Garonne a abrogé l'arrêté du président du conseil général de la Haute-Garonne du 31 mai 1988 lui attribuant une indemnité compensatrice de logement à compter du 1er juin 1988 et, d'autre part, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 avril 2007 précité en tant qu'il a retiré l'arrêté du 25 juillet 2006 du président du conseil d'administration du SDIS de la Haute-Garonne lui attribuant une IAT à compter du 1er janvier 2006 et décidé de ne lui attribuer cette indemnité qu'à compter du 1er juin 2006 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes ;
3°) de mettre à la charge du SDIS de la Haute-Garonne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Odent, Poulet, avocat de M. A et de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du SDIS de la Haute-Garonne,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de M. A et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du SDIS de la Haute-Garonne,
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Toulouse que, par une délibération en date du 16 janvier 1986, la commission administrative du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Garonne a décidé d'attribuer aux sapeurs-pompiers professionnels du corps départemental ne bénéficiant pas d'un logement de fonction une indemnité compensatrice de logement ; que, par une délibération du 18 décembre 1987, prise dans le contexte de l'intégration du corps municipal de sapeurs-pompiers de la commune de Toulouse au corps départemental, la commission administrative du SDIS a décidé d'étendre le bénéfice de cette indemnité, dite prime de Toulouse , à tous les sapeurs-pompiers du corps départemental, qu'ils soient logés en casernement ou non ; que, par cinq arrêtés pris le 31 mai 1988, le président du conseil général de la Haute-Garonne a prononcé l'intégration au corps départemental de M. A, sapeur-pompier professionnel de la commune de Toulouse depuis 1975, et accordé à l'intéressé une indemnité de feu, une indemnité spéciale de conducteur de véhicule, une indemnité de logement de 10 % du traitement augmenté de l'indemnité de résidence ainsi qu'une indemnité compensatrice de logement d'un montant mensuel de 1 064 francs indexé sur l'indice du coût de la construction ; que M. A a perçu l' indemnité compensatrice de logement jusqu'au 31 mai 2006 ; que, par un arrêté du 25 juillet 2006, le président du conseil d'administration du SDIS de la Haute-Garonne lui a attribué, à compter du 1er janvier 2006, une indemnité d'administration et de technicité (IAT) au taux correspondant à son grade de sergent ; que, par un arrêté du 17 avril 2007, le président du conseil d'administration du SDIS de la Haute-Garonne a retiré son arrêté du 25 juillet 2006, décidé que l'IAT serait versée à M. A à compter du 1er juin 2006 seulement et abrogé l'arrêté n° 88/153 du 31 mai 1988 lui accordant l' indemnité compensatrice de logement ; que M. A se pourvoit en cassation contre le jugement du 19 mai 2010 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Toulouse, après lui avoir donné acte de son désistement de ses conclusions tendant au paiement de l'IAT au titre de la période du 1er janvier au 31 mai 2006, a, d'une part, dit n'y avoir lieu à statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du président du conseil d'administration du SDIS de la Haute-Garonne du 17 avril 2007 en tant qu'il a abrogé l'arrêté du 31 mai 1988 et, d'autre part, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 avril 2007 en tant qu'il a retiré l'arrêté du 25 juillet 2006 lui attribuant une IAT à compter du 1er janvier 2006 et décidé de ne lui attribuer cette indemnité qu'à compter du 1er juin 2006 ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'en jugeant que l'arrêté du 17 avril 2007 du président du conseil d'administration du SDIS de la Haute-Garonne avait été pris en exécution des seules délibérations n° 2007/001 et n° 2007/002 du 8 janvier 2007 du conseil d'administration de cet établissement, alors que la délibération n° 2007/001 avait seulement pour objet de définir les règles applicables au versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires et que la décision attaquée, en tant qu'elle abroge l'arrêté du 31 mai 1988, ne peut être regardée comme ayant été prise en exécution de la délibération n° 2007/02, qui avait seulement pour objet de définir le régime de versement de l'IAT aux sapeurs-pompiers professionnels de catégorie B, le tribunal administratif de Toulouse a dénaturé la portée des délibérations invoquées devant lui ; que, par suite, son jugement doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant qu'eu égard aux moyens soulevés par M. A dans ses dernières écritures devant le tribunal administratif de Toulouse et dans ses mémoires présentés devant le Conseil d'Etat, il y a lieu d'interpréter ses conclusions comme tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 avril 2007 du président du conseil d'administration du SDIS de la Haute-Garonne en tant seulement qu'il a abrogé l'arrêté n° 88/153 du 31 mai 1988 par lequel le président du conseil général de ce département lui a attribué une indemnité compensatrice de logement à compter du 1er juin 1988 ;
Sur la légalité externe de l'arrêté du 17 avril 2007 :
Considérant, en premier lieu, que l'autorité administrative compétente pour modifier, abroger ou retirer un acte administratif est celle qui, à la date de la modification, de l'abrogation ou du retrait, est compétente pour prendre cet acte et, le cas échéant, s'il s'agit d'un acte individuel, son supérieur hiérarchique ;
Considérant que la loi du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours a retiré au président du conseil général la compétence qu'il tenait de l'article 8 du décret du 6 mai 1988 relatif à l'organisation générale des services d'incendie et de secours pour assurer la gestion administrative et financière du SDIS ; qu'aux termes de l'article L. 1424-24 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le service départemental d'incendie et de secours est administré par un conseil d'administration composé de représentants du département, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de secours et de lutte contre l'incendie ; qu'aux termes de l'article L. 1424-29 du même code : Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires relatives à l'administration du service départemental d'incendie et de secours ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1424-30 du même code : Le président du conseil d'administration est chargé de l'administration du service départemental d'incendie et de secours. A ce titre, il prépare et exécute les délibérations du conseil d'administration. (...) Il nomme les personnels du service d'incendie et de secours (...) ; qu'aux termes de l'article 6-1 du décret du 25 septembre 1990 portant dispositions communes à l'ensemble des sapeurs-pompiers professionnels, dans sa rédaction alors en vigueur : Le régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels est fixé par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours dans les limites déterminées aux articles suivants. ; qu'aux termes de l'article 6-2 du même décret : Le régime indemnitaire comporte à l'exclusion de toute autre les indemnités prévues aux articles 6-3 à 6-7. / (...) / Le président du conseil d'administration du SDIS détermine le taux individuel applicable à chaque sapeur-pompier professionnel. ;
Considérant qu'à la date à laquelle il a pris son arrêté abrogeant l'arrêté n° 88/153 du 31 mai 1988 du président du conseil général de la Haute-Garonne, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours, qui tirait des dispositions de l'article L. 1424-30 du code général des collectivités territoriales compétence pour administrer le service et en nommer les personnels, était compétent pour attribuer à un sapeur-pompier professionnel appartenant au service l'une des indemnités que comporte le régime indemnitaire fixé par le conseil d'administration de cet établissement en application des dispositions citées ci-dessus du décret du 25 septembre 1990, et pour déterminer le taux de cette indemnité ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 17 avril 2007 aurait été pris par une autorité incompétente au motif que la décision du président du conseil d'administration du SDIS de la Haute-Garonne d'abroger l'arrêté du 31 mai 1988 n'a pas été précédée d'une délibération du conseil d'administration de cet établissement en ce sens ;
Considérant en second lieu que l'arrêté attaqué doit être regardé comme abrogeant une décision créatrice de droits au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, dès lors qu'il abroge l'arrêté n° 88/153 du 31 mai 1988 par lequel le président du conseil général de la Haute-Garonne avait attribué à M. A une indemnité compensatrice de logement à compter du 1er juin 1988 ; qu'il a été pris au visa des délibérations des 27 juillet 1999 et 31 mai 2006 par lesquelles le conseil d'administration du SDIS de la Haute-Garonne a, d'une part, mis en conformité le régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels du service avec les dispositions du décret du 5 juin 1998 et, d'autre part, abrogé la délibération du 16 janvier 1986 de la commission administrative du SDIS créant la prime de Toulouse ; qu'il doit dès lors être regardé, dans les circonstances particulières de l'espèce, et compte tenu de l'ancienneté du projet de suppression de la prime de Toulouse et de la large publicité qui en a été faite auprès des personnels et de leurs organisations représentatives, comme comportant, en se référant aux délibérations précitées, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré de son insuffisante motivation doit par suite, dans ces conditions, être écarté ;
Sur la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle a été pris l'arrêté du 31 mai 1988 par lequel le président du conseil général de la Haute-Garonne a accordé à M. A l' indemnité compensatrice de logement litigieuse, le régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels était fixé par les dispositions d'un arrêté du 14 octobre 1968 du ministre de l'intérieur, pris en application des articles R. 353-27 et R. 353-28 du code des communes ; qu'aux termes de l'article 1er de cet arrêté dans sa rédaction alors en vigueur : Les fonctionnaires des corps professionnels de protection contre l'incendie non logés dans des casernements pourront percevoir une indemnité en espèces au maximum égale annuellement à 10 % du traitement augmenté de l'indemnité de résidence ; qu'en complément de cette indemnité réservée aux personnels non logés, les sapeurs-pompiers professionnels pouvaient bénéficier, en application des articles 2, 3, 3 bis, 3 ter, 3 quater et 3 quinquies de cet arrêté, d'indemnités liées à l'exercice de fonctions de conducteur de véhicules de lutte contre l'incendie, de mécanicien, de secrétaire comptable, d'instructeur d'entraînement physique, de moniteur de secourisme et de moniteur de plongée subaquatique ; qu'il en résulte qu'à la date du 31 mai 1988, le président du conseil général de la Haute-Garonne ne pouvait légalement décider d'attribuer à M. A, en complément de l'indemnité de logement de 10 % du traitement augmenté de l'indemnité de résidence prévue par l'article 1er de l'arrêté du 14 octobre 1968 qu'il lui a accordée, une indemnité compensatrice de logement qui n'était prévue par aucun texte statutaire alors en vigueur et à laquelle les stipulations de la convention conclue le 6 mai 1988 entre le SDIS de la Haute-Garonne et la commune de Toulouse ne pouvaient avoir donné un fondement légal ; qu'en tout état de cause, l' indemnité compensatrice de logement ne figure parmi au nombre des indemnités limitativement énumérées par le décret du 5 juin 1998 précité portant réforme du régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels ;
Considérant, dès lors, que le président du conseil d'administration du SDIS de la Haute-Garonne pouvait légalement abroger, à tout moment, la décision du 31 mai 1988 par laquelle le président du conseil général de la Haute-Garonne avait accordé au requérant cette indemnité compensatrice de logement ;
Considérant, en second lieu, que la circonstance que seize officiers appartenant au service départemental ont continué à percevoir l' indemnité compensatrice de logement est sans incidence sur la légalité de la décision abrogeant l'arrêté accordant cet avantage au requérant ; que le moyen tiré de la rupture d'égalité entre agents publics doit par conséquent être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 17 avril 2007 en tant qu'il abroge l'arrêté du 31 mai 1988 du président du conseil général de la Haute-Garonne ; que ses conclusions à fins d'injonction ainsi que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tant devant le tribunal administratif de Toulouse que devant le Conseil d'Etat ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ; qu'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme de 2 000 euros à verser au SDIS de la Haute-Garonne au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 mai 2010 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : M. A versera au SDIS de la Haute-Garonne une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Guy A, au service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Garonne et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.