Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 janvier et 20 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES ENTREPRISES ET DE L'EXPANSION DE LA PROFESSION DU BATIMENT, dont le siège est 16 rue des 400 Couverts à Grenoble (38000) ; l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES ENTREPRISES ET DE L'EXPANSION DE LA PROFESSION DU BATIMENT (ADEF) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n°08MA00375 du 18 novembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir annulé le jugement n° 9501026 du 16 mars 2000 du tribunal administratif de Marseille, a rejeté sa demande présentée devant ce tribunal tendant à la restitution de la somme de 975 760,55 francs versée à la recette des impôts d'Embrun par la Banque Nationale de Paris, en sa qualité de caution bancaire de la Société Embrunaise de Construction (SEC), d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 148 753,74 euros, augmentée des intérêts de droit à compter de la réclamation ;
2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Etat à lui restituer la somme de 148 753,74 euros avec capitalisation des intérêts à compter de sa réclamation du 26 août 1994 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et notamment son annexe II ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Françoise Lemaître, chargée des fonctions de Maître des Requêtes ;
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'ASSOCIATION DE DÉFENSE DES ENTREPRISES ET DE L'EXPANSION DE LA PROFESSION DU BATIMENT ;
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'ASSOCIATION DE DÉFENSE DES ENTREPRISES ET DE L'EXPANSION DE LA PROFESSION DU BATIMENT ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Société Embrunaise de Construction (SEC) a obtenu, en 1982, un remboursement de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 975 760,65 F, remboursement subordonné à la constitution d'une caution solidaire en application des dispositions alors applicables de l'article 242-0 J de l'annexe II au code général des impôts ; que la Banque nationale de Paris a constitué cette caution par un acte du 18 janvier 1983 ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 1978 au 30 septembre 1982, l'administration a notifié à la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant total en droits et pénalités de 1 698 785 francs ; qu'à la suite de la mise en recouvrement de cette somme, le comptable a adressé une mise en demeure à la banque le 2 octobre 1987 ; que la Société embrunaise de construction ayant contesté ces rappels devant le tribunal administratif de Marseille, la caution a été appelée en garantie de sursis de paiement, à la demande de la Banque nationale de Paris, en 1988 ; qu'à la suite de l'intervention du jugement du tribunal administratif du 23 juin 1992 rejetant la demande de la société tendant au dégrèvement de la taxe sur la valeur ajoutée en litige, la Banque nationale de Paris a procédé au paiement de la somme de 975 760,65 francs en qualité de caution ; que la Banque nationale de Paris, par une convention en date du 7 octobre 1993, a cédé la créance qu'elle détenait sur la Société Embrunaise de Construction à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES ENTREPRISES ET DE L'EXPANSION DE LA PROFESSION DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS ( ADEF), laquelle a demandé à l'administration, le 22 août 1994, la restitution des sommes versées par la Banque nationale de Paris ; qu'elle s'est heurtée, le 28 octobre 1994, à une décision de rejet ; que l'ADEF se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Marseille rejetant la demande dont elle l'avait saisie ;
Considérant qu'aux termes du 3 du I de l'article 271 du code général des impôts : "La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance" ; qu'aux termes du IV du même article : " La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat " ; que selon l'article 242-O-A de l'annexe II au code général des impôts : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée doit faire l'objet d'une demande des assujettis. Le remboursement porte sur le crédit de taxe déductible constaté au terme de chaque année civile " ; qu'aux termes de l'article 242-O E de la même annexe : " Le crédit de taxe non déductible dont le remboursement a été demandé ne peut donner lieu à imputation " et " est annulé lors du remboursement " ; qu'enfin l'article 242-O-J de la même annexe II prévoit que : " toute personne qui demande le bénéfice des dispositions des articles 242-O-A à 242-O-K peut, à la demande de l'administration, être tenue de présenter une caution solvable qui s'engage, solidairement, avec elle, à reverser les sommes dont elle aurait obtenu indûment le remboursement. " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, d'une part, que la demande de présentation d'une caution, en application de l'article 242-O-J de l'annexe II au code général des impôts, constitue l'ouverture d'une procédure provisoire, engagée dans l'attente de la décision que l'administration fiscale devra prendre, à l'issue notamment de vérifications et de redressements opérés en matière de TVA, sur l'existence et le montant exact du droit à remboursement du contribuable, et permettant à celui-ci de bénéficier, malgré les doutes de l'administration sur ce droit à remboursement, des sommes demandées sous réserve qu'une caution soit constituée, d'autre part que la détermination du montant exact de ce droit à remboursement peut procéder de vérifications et de redressements opérés en matière de TVA par l'administration fiscale au titre de la même période vérifiée et non prescrite que celle à l'issue de laquelle un remboursement de taxe a été obtenu par le contribuable, mais effectués postérieurement à la constitution de la caution ;
Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir rappelé à juste titre que le crédit de taxe dont est susceptible de se prévaloir un assujetti résulte, à raison de l'ensemble des opérations réalisées par lui, de la différence entre le montant de la taxe collectée par ses soins et celui de la taxe déductible sur les biens et services ayant concouru à l'exploitation, un tel crédit étant constitué lorsque le premier terme se trouve être inférieur au second, n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant des dispositions de l'article 242-O-E de l'annexe II au code général des impôts que le remboursement effectué par l'Etat le 21 octobre 1982 a effacé la créance que détenait la société SEC sur le Trésor public au titre de la taxe sur la valeur ajoutée déclarée sur la période considérée ;
Considérant, en deuxième lieu, que la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'acte de caution souscrit par la BNP en vue de permettre à la SEC d'obtenir le remboursement de la somme en litige devait être regardé comme portant, dans la limite des sommes qui y étaient stipulées, sur les obligations susceptibles de peser sur la société à raison de la taxe sur la valeur ajoutée collectée par ses soins au titre de la période considérée, c'est-à-dire celle correspondant à la détermination du crédit de taxe, ces obligations comportant nécessairement l'incorporation des effets, sur le crédit de la période considérée, de redressements portant sur la déclaration par la société des opérations de taxe sur la valeur ajoutée des années contrôlées et non prescrites ;
Considérant, enfin, que la cour administrative d'appel de Marseille, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a pas dénaturé les pièces du dossier en ce qui concerne la nature et la portée de l'engagement de la caution souscrit par la BNP en faveur de la société SEC ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ADEF n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'ADEF au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES ENTREPRISES ET DE L'EXPANSION DE LA PROFESSION DU BATIMENT est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES ENTREPRISES ET DE L'EXPANSION DE LA PROFESSION DU BATIMENT et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.