Vu le pourvoi, enregistré le 11 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Joël Todivelo A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 05039873 du 22 juillet 2010 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 novembre 2005 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'admission au statut de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de lui reconnaître la qualité de réfugié ;
3°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Moreau, chargée des fonctions de Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,
La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Roger, Sevaux, avocat de M. A ;
Considérant qu'aux termes du paragraphe F de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés : " Les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura de sérieuses raisons de penser : (...) c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et principes des Nations-Unies " ;
Considérant que, pour juger que M. A, de nationalité malgache, ne pouvait, en application des stipulations précitées, bénéficier du statut de réfugié, la Cour nationale du droit d'asile s'est fondée sur le fait que l'intéressé avait, lors des troubles ayant suivi l'élection présidentielle de décembre 2001, tenu un " barrage anti-économique " au premier trimestre de l'année 2002, consistant en un conteneur barrant une route à la sortie de Mahajanga ; qu'elle a estimé que ce barrage, mis en place en février 2002 et maintenu après le départ de l'intéressé le 12 avril 2002, avait contribué, même si son fonctionnement n'avait pas été permanent ni entièrement hermétique, à créer, avec les différents autres barrages établis à Madagascar, une situation de blocus qui a compromis fortement l'approvisionnement en vivres, médicaments, vaccins et vitamines de la capitale du pays au cours de la première moitié de l'année 2002 ;
Considérant qu'en déduisant de la seule participation de M. A à l'organisation et à la tenue d'un de ces barrages, sans lui imputer de responsabilité particulière dans la conception, l'organisation ou l'exécution du blocus de la capitale de Madagascar, ni lui imputer personnellement aucun crime ou acte de violence, qu'il existait des raisons sérieuses de penser que l'intéressé s'était lui-même rendu coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations-Unies justifiant l'application de la clause d'exclusion prévue par le c) du F de l'article 1er de la convention de Genève, la Cour a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le versement de la somme de 3 000 euros demandée par M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 22 juillet 2010 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : L'Office français de protection des réfugiés et apatrides versera M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Joël Todivelo A et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.