Vu la requête, enregistrée le 2 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le COMITÉ D'ENTREPRISE DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'enjoindre à l'Etat de transmettre au COMITÉ D'ENTREPRISE DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI) tous les éléments d'information quant au contenu du contrat d'objectifs et de moyens à signer entre la société Audiovisuel Extérieur de la France (AEF) et l'Etat, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
2°) d'enjoindre à la société Audiovisuel Extérieur de la France (AEF) de transmettre au COMITÉ D'ENTREPRISE DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI) tous les éléments d'information quant au contenu du contrat d'objectifs et de moyens à signer entre la société AEF et l'Etat, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) d'enjoindre à la société Radio France Internationale de transmettre au COMITÉ D'ENTREPRISE DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI) tous les éléments d'information quant au contenu du contrat d'objectifs et de moyens à signer entre la société AEF et l'Etat, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre à l'Etat, à la société AEF et à la société RFI, et ce jusqu'à ce qu'une information convenable du COMITÉ D'ENTREPRISE DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI) ait été réalisée, de cesser toutes les discussions et toutes les opérations de mise en oeuvre du projet de réorganisation des services, de rédaction unique, d'une nouvelle grille des programmes et de fusion des entreprises au sein de France 24 et RFI ;
5°) d'enjoindre à l'Etat d'entreprendre les actions nécessaires à la conclusion prochaine d'un contrat d'objectifs et de moyens ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que la condition d'urgence est remplie dès lors que l'assemblée générale de la société Radio France Internationale (RFI) est convoquée le 13 février 2012 afin de voter en faveur de la fusion de RFI avec les autres sociétés de l'audiovisuel extérieur de la France, un tel vote étant susceptible d'entraîner des conséquences irréversibles pour la société et ses salariés ; que la carence de l'Etat et des sociétés Audiovisuel Extérieur de la France (AEF) et Radio France internationale (RFI), l'une et l'autre organismes de droit privé chargés de la gestion de services publics, dans l'information du COMITÉ D'ENTREPRISE DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI) est constitutive d'atteintes graves et manifestement illégales à la liberté de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion, à la liberté d'exercice d'une profession, à la liberté syndicale et à la continuité du service public ; qu'en ne prenant aucune mesure pour appliquer la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, et notamment son article 53 qui lui impose l'élaboration de contrats d'objectifs et de moyens, l'Etat a méconnu son obligation d'exécuter cette loi ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 février 2012, présenté par le ministre de la culture et de la communication ; il soutient que la requête ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative dès lors que le présent litige concerne exclusivement des rapports de droit privé qui ressortissent à la compétence du juge judiciaire ; qu'en tendant à demander au juge des référés de prendre des mesures définitives, la requête est irrecevable ; que la condition d'urgence n'est pas remplie, la conclusion du contrat d'objectifs et de moyens n'étant pas imminente et l'opération de fusion qui pourrait être votée par l'assemblée générale convoquée le 13 février étant distincte du processus d'élaboration de ce contrat ; que l'absence de transmission du contrat d'objectifs et de moyens au comité d'entreprise ne porte atteinte à aucune liberté fondamentale ; que l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 n'imposant aucun délai à l'Etat et aux sociétés nationales de programmes pour conclure les contrats d'objectifs et de moyens, l'absence de conclusion d'un tel contrat ne peut être constitutive d'une illégalité ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 février 2012, présenté pour la société AEF ; elle soutient que la requête ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative dès lors que le litige s'inscrit dans les relations entre une société de droit privé et son comité d'entreprise, régies par le code du travail, et que le litige n'est rattachable à aucune des dispositions du code de justice administrative énumérant les cas de compétence du Conseil d'Etat en premier ressort ; que les conclusions tendant à faire cesser les discussions et les opérations de mise en oeuvre des projets de réorganisation des services déjà réalisées sont dépourvues d'objet ; que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la société AEF de communiquer au requérant tous les éléments d'information du contrat d'objectifs et de moyens sont mal dirigées, et dès lors irrecevables ; qu'en sollicitant une injonction de transmettre des éléments d'information sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative alors qu'une telle demande relève de l'article L. 521-3 de ce code, la requête est mal fondée ; que le requérant ayant été régulièrement informé des négociations en cours avec l'Etat sur le contrat d'objectifs et de moyens, la condition d'urgence n'est pas remplie ; que l'absence de transmission du contrat d'objectifs et de moyens au comité d'entreprise ne porte atteinte à aucune liberté fondamentale ; qu'en tout état de cause, les négociations en cours n'ayant à ce jour abouti à aucun projet définitif, aucune gravité n'est caractérisée ; qu'il convient de mettre à la charge du comité d'entreprise le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 février 2012, présenté pour la société RFI ; elle soutient que le litige principal auquel se rattachent les mesures d'urgence sollicitées échappe manifestement à la compétence de la juridiction administrative ; que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que le comité d'entreprise a été régulièrement informé des négociations en cours et que, subsidiairement, l'urgence invoquée n'est due qu'au refus du comité d'entreprise et de sa secrétaire d'inscrire tel point d'information à l'ordre du jour; que l'atteinte invoquée et tirée d'une prétendue carence dans l'information du comité d'entreprise est inexistante ; que l'absence de transmission du contrat d'objectifs et de moyens au comité d'entreprise ne porte atteinte à aucune liberté fondamentale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 février 2012, présentée pour la société Radio France Internationale (RFI) et la société Audiovisuel Extérieur de la France (AEF) ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;
Vu la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le COMITE D'ENTREPRISE DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI), et, d'autre part, le ministre de la culture et de la communication ainsi que la société Radio France Internationale (RFI) et la société Audiovisuel Extérieur de la France (AEF) ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 8 février 2012 à 16 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Le Bret-Desaché, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du COMITÉ D'ENTREPRISE DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI) ;
- les représentants du COMITÉ D'ENTREPRISE DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI) ;
- les représentants du ministre de la culture et de la communication ;
- Me Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société RFI ;
- les représentants de la société RFI ;
- Me Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société AEF ;
- les représentants de la société Audiovisuel Extérieur de la France (AEF) ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ;
Considérant que la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, sans prévoir expressément la fusion, au sein de la société Audiovisuel Extérieur de la France (AEF) qu'elle a créée par son article 7 modifiant l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986, des sociétés France 24, Radio France Internationale (RFI) et Monte-Carlo Doualiya, a ouvert un mouvement de réorganisation du secteur de l'audiovisuel extérieur de la France ; que, dans ce contexte, d'une part, un processus de fusion a été engagé par le Gouvernement en 2011 entre AEF et notamment RFI et, d'autre part, des négociations ont été entreprises entre l'Etat et AEF en vue d'établir un projet de contrat d'objectifs et de moyens ; que le COMITÉ D'ENTREPRISE DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI), comme celui des autres sociétés audiovisuelles intéressées, doit être informé de la préparation de ce projet ; qu'il l'a été, notamment par les réunions en date des 28 mai, 5 juin, 19 octobre et 16 décembre 2009, 14 et 28 janvier, 19 juillet et 14 octobre 2010, et qu'il devra l'être pour la suite du processus conformément aux dispositions du code du travail ;
Considérant que le COMITÉ D'ENTREPRISE DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI) soutient qu'il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales, à la fois par le manque d'information sur le processus de fusion des sociétés et par la mise en oeuvre du projet de réorganisation des services de rédaction unique et de nouvelles grilles de programme communes à RFI et France 24 ;
Considérant, toutefois, que la continuité du service public de l'audiovisuel extérieur, n'ayant jamais été interrompue, n'est en tout état de cause, pas méconnue ; que la liberté d'exercice d'une profession ne subit pas d'atteinte grave et manifestement illégale dès lors que le cadre actuel permet la poursuite de l'activité professionnelle des journalistes et des autres personnels des entreprises de communication intéressées ; que ni le droit du personnel de participer à la détermination de ses conditions de travail, ni la liberté syndicale à travers l'activité du comité d'entreprise n'apparaissent atteints, par ce processus de rapprochement, de manière grave et manifestement illégale dans des conditions telles que prévues par l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu'il ne ressort, enfin, ni des pièces du dossier, ni des débats au cours de l'audience publique que la liberté de communication et le principe de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion, dont la garantie est notamment assurée, sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel et du juge administratif, par le cahier des charges d'AEF qui vient d'être fixé par le décret du 25 janvier 2012, subiraient des atteintes graves et manifestement illégales du fait de retard ou d'insuffisances de communication des informations au COMITÉ D'ENTREPRISE DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI) dans des conditions qui appelleraient des mesures de la nature de celles prises en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête, qui n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du Conseil d'Etat, doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées pour la société AEF au titre de ces dispositions ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête du COMITÉ D'ENTREPRISE DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI) est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées pour la société Audiovisuel Extérieur de la France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au COMITÉ D'ENTREPRISE DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI), au ministre de la culture et de la communication, à la société Radio France Internationale et à la société Audiovisuel Extérieur de la France.