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17/02/2012 | FRANCE | N°345150

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 17 février 2012, 345150


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 20 décembre 2010 et le 18 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTE ; le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX00444 du 19 octobre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0901064 du 17 décembre 2009 du tribunal administratif de Poitiers annulant les décisions des 12 août 2008 et 2

3 février 2009 par lesquelles le préfet de la région Poitou-Charentes ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 20 décembre 2010 et le 18 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTE ; le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX00444 du 19 octobre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0901064 du 17 décembre 2009 du tribunal administratif de Poitiers annulant les décisions des 12 août 2008 et 23 février 2009 par lesquelles le préfet de la région Poitou-Charentes a refusé d'autoriser Mme A à user du titre professionnel d'ostéopathe puis a rejeté le recours gracieux formé par celle-ci contre ce refus ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, notamment son article 75 ;

Vu le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 ;

Vu le décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 ;

Vu l'arrêté du ministre de la santé et des solidarités du 25 mars 2007 relatif à la formation en ostéopathie, à la commission d'agrément des établissements de formation et aux mesures dérogatoires ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Richard, avocat du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTE et de la SCP Didier, Pinet, avocat de Mme A,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Richard, avocat du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTE et à la SCP Didier, Pinet, avocat de Mme A ;

Considérant, d'une part, que les dispositions du premier alinéa de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé autorisent l'usage professionnel du titre d'ostéopathe aux titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie et renvoient au pouvoir réglementaire la fixation du programme et de la durée des études à l'issue desquelles ce diplôme peut être délivré ; que les dispositions de l'article 2 du décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 relatif à la formation des ostéopathes prévoient que celle-ci comporte notamment 1 225 heures d'enseignements théoriques et pratiques de l'ostéopathie et renvoient à un arrêté du ministre chargé de la santé la définition du contenu et de la durée des unités de formation qui composent ces enseignements ; qu'il résulte des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du ministre de la santé et des solidarités du 25 mars 2007 que les 1 225 heures d'enseignements théoriques et pratiques de l'ostéopathie comportent trois unités de formation dont une Unité de formation C : applications des techniques de l'ostéopathie au système musculo-squelettique et myofascial (700 heures) ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions transitoires figurant au troisième alinéa de l'article 75 de la même loi du 4 mars 2002 prévoient que : Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi, peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe (...) s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces conditions sont déterminées par décret (...) et qu'aux termes de l'article 16 du décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie, dans sa rédaction résultant du décret du 2 novembre 2007 : I. - A titre transitoire (...), l'autorisation d'user du titre professionnel d'ostéopathe est délivrée (...) / 1° Par le préfet de région du lieu d'exercice de leur activité, aux praticiens en exercice à la date de publication du présent décret justifiant de conditions de formation équivalentes à celles prévues à l'article 2 du décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 (...) ; qu'il résulte de ces dispositions transitoires que la personne qui demande à en bénéficier doit justifier avoir suivi une formation équivalente, dans chacune des trois unités de formation et dans une proportion prévue par l'article 3 de l'arrêté ministériel du 25 mars 2007, à celle exigée pour la délivrance des autorisations prévues par le premier alinéa de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 12 août 2008, confirmée sur recours gracieux de l'intéressée par une seconde décision du 23 février 2009, le préfet de la région Poitou-Charentes a, sur le fondement du troisième alinéa de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 et du 1° du I de l'article 16 du décret n° 2007-435 du 25 mars 2007, refusé d'autoriser Mme A, masseur-kinésithérapeute, à user du titre professionnel d'ostéopathe ; que, par un arrêt du 19 octobre 2010 contre lequel le ministre du travail de l'emploi et de la santé se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé l'annulation de ces deux décisions, qui avait été prononcée par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 décembre 2009 ;

Considérant que pour écarter le moyen soulevé par le ministre chargé de la santé , la cour s'est bornée à répondre que la formation suivie par Mme A à l'Ecole d'ostéopathie de Genève peut être regardée comme équivalente aux 1 225 heures de formation telles que définies par les dispositions applicables, sans rechercher si l'intéressée avait suivi une formation équivalente à celle dispensée dans l'unité de formation C prévue par l'article 3 de l'arrêté ministériel du 27 mars 2007 ; que la cour a ainsi commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 19 octobre 2010 ;

Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la régularité du jugement attaqué ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; que l'expédition de ce jugement adressée au ministre de la santé et des sports est régulièrement revêtue de la seule signature du greffier du tribunal administratif, conformément à l'article R. 751-2 de ce code ; que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, faute de comporter les signatures prévues par le code de justice administrative, manque en fait ;

Sur la légalité des décisions du préfet de la région Poitou-Charentes :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme A devait justifier, pour que l'autorisation prévue par les dispositions transitoires du troisième alinéa de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 puisse lui être délivrée, d'une formation équivalente à celle dispensée dans chacune des trois unités de formation définies par l'article 3 de l'arrêté ministériel du 25 mars 2007 ; que c'est dès lors à tort que le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur la seule circonstance que Mme A justifierait avoir suivi un total de 1 272 heures d'enseignements théoriques et pratiques de l'ostéopathie, soit un nombre supérieur aux 1 225 heures prévues par l'article 2 du décret n° 2007-437 du 25 mars 2007, pour annuler les décisions du préfet de la région Poitou-Charentes des 12 août 2008 et 23 février 2009 ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A devant le tribunal administratif de Poitiers ;

Considérant en premier lieu qu'il ressort de la motivation de la décision préfectorale du 12 août 2008 complétée par celle du 23 février 2009 que le refus d'autorisation opposé par le préfet de région est fondé sur le motif que la formation en approche du viscéral et du crânio-sacré suivie par Mme A à l'Ecole d'ostéopathie de Genève ne peut être prise en compte pour apprécier si l'intéressée remplit la condition de formation équivalente posée par les dispositions transitoires mentionnées ci-dessus et qu'il en résulte que l'intéressée ne justifie que de 543 heures d'enseignements théoriques et pratiques correspondant à ceux de l'unité de formation C prévue par les dispositions de l'article 3 de l'arrêté ministériel du 25 mars 2007 au lieu des 700 heures exigées par ces dispositions ;

Considérant que, si le dernier alinéa de l'article 3 de l'arrêté ministériel du 25 mars 2007 disposait que Tout enseignement relatif à une approche viscérale ou crânio-sacrée (...) est strictement exclu de la formation , cette disposition a été annulée par une décision du Conseil d'Etat du 23 janvier 2008 ; que, contrairement à ce qui est soutenu, cet enseignement, qui était mentionné dans les dispositions de l'article 3 de cet arrêté, qui sont relatives aux enseignements théoriques et pratiques de l'ostéopathie et non dans celles de l'article 2 du même arrêté, qui sont relatives aux enseignements théoriques des sciences fondamentales et de biologie humaine, doit être pris en compte pour apprécier la condition d'équivalence au regard des enseignements prévus par l'article 3 et non des enseignements prévus par l'article 2 ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de la décision préfectorale du 12 août 2008, d'une part, que l'enseignement en approche du viscéral et du crânio-sacré suivi par Mme A se rattache, au sein des enseignements théoriques et pratiques de l'ostéopathie prévus par les dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 25 mars 2007, à l'unité de formation C décrite par ces dispositions et, d'autre part, que la prise en compte de cet enseignement permet à l'intéressé de justifier d'une formation d'au moins 700 heures dans les enseignements correspondant à cette unité de formation ; qu'il en résulte que le motif sur lequel s'est fondé le préfet de la région Poitou-Charentes pour refuser d'autoriser Mme A à user du titre professionnel d'ostéopathe est entaché d'erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

Considérant que, pour établir que les décisions attaquées étaient légales, le ministre chargé de la santé invoque devant la cour administrative d'appel un motif, différent de celui sur lequel sont fondées ces décisions, tiré de ce que les documents produits par Mme A à l'appui de sa demande d'autorisation seraient insuffisamment précis et probants pour établir qu'elle avait réellement suivi les enseignements dont elle se prévalait ; que, toutefois, l'intéressée a produit deux documents établis par l'Ecole d'ostéopathie de Genève, d'une part, une attestation certifiant qu'elle avait suivi l'intégralité de la formation en ostéopathie dispensée dans cet établissement et que ses études avaient été validées par l'obtention du certificat de fin d'études et, d'autre part, la description détaillée des divers enseignements que comportait cette formation ainsi que le nombre d'heures que comportait chacun de ces enseignements ; que ces documents, dont la valeur n'avait d'ailleurs été mise en cause par l'administration ni lors de l'instruction de la demande d'autorisation, ni dans les mémoires produits en première instance, sont suffisamment probants et précis pour être pris en compte pour apprécier si l'intéressée justifiait d'une formation équivalente à celle dispensée dans chacune des trois unités de formation définies par l'article 3 de l'arrêté ministériel du 25 mars 2007 ; que le ministre chargé de la santé n'est par suite pas fondé à soutenir que la demande d'autorisation présentée par Mme A devait être rejetée au motif que celle-ci ne produisait pas de documents suffisamment probants et précis pour justifier qu'elle remplissait la condition d'équivalence de formation posée par les dispositions transitoires figurant au troisième alinéa de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la santé et des sports n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les décisions du préfet de la région Poitou-Charentes des 12 août 2008 et 23 février 2009 ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A la somme que demande le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTE au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de ces dispositions, la somme de 5 000 euros à verser à Mme A au titre des frais exposés par elle devant la cour administrative d'appel et devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 19 octobre 2010 est annulé.

Article 2 : L'appel présenté par le ministre de la santé et des sports devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejeté.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTE est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTE et à Mme Nathalie A.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 345150
Date de la décision : 17/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 fév. 2012, n° 345150
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Avocat(s) : SCP RICHARD ; SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:345150.20120217
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