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16/04/2012 | FRANCE | N°320571

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 16 avril 2012, 320571


Vu la décision du 24 novembre 2010 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a ordonné avant dire droit, après avoir annulé, sur demande du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, le jugement du tribunal administratif de Paris du 11 juillet 2008, la production par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE à la dixième sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat, de l'avis qu'il a émis préalablement à la conclusion du bail conclu le 8 novembre 2004 entre la société ISDH et l'établissement public Cit

é de la Musique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la...

Vu la décision du 24 novembre 2010 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a ordonné avant dire droit, après avoir annulé, sur demande du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, le jugement du tribunal administratif de Paris du 11 juillet 2008, la production par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE à la dixième sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat, de l'avis qu'il a émis préalablement à la conclusion du bail conclu le 8 novembre 2004 entre la société ISDH et l'établissement public Cité de la Musique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Rousseau, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Marie-Christine A, qui a intenté une action devant le tribunal de grande instance de Paris le 10 octobre 2006 pour obtenir l'annulation du bail portant sur une partie de l'immeuble Pleyel, conclu le 8 novembre 2004 entre la société ISDH et l'établissement public Cité de la Musique, a demandé au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE la communication de l'avis qu'il a émis préalablement à la conclusion du bail et de l'ensemble des documents afférents à cet avis ; qu'à la suite du refus implicite que lui a opposé le ministre, Mme A a saisi la commission d'accès aux documents administratifs qui a rendu le 5 juillet 2007 un avis défavorable à la communication de ces documents ; que par jugement du 11 juillet 2008, le tribunal administratif de Paris, saisi par Mme A, a fait droit à sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre refusant de lui communiquer l'avis émis préalablement à la conclusion du bail et a enjoint au ministre de communiquer à Mme A l'avis demandé, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ; que par sa décision du 24 novembre 2010, le Conseil d'Etat, saisi par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, après avoir annulé le jugement attaqué du 11 juillet 2008 a, pour statuer au fond sur les conclusions de Mme A, ordonné avant dire droit la production de l'avis en cause à la dixième sous-section de la section du contentieux chargée de l'instruction de l'affaire, sans que communication de ces pièces soit donnée à Mme A ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus du ministre de communiquer l'avis en cause :

Considérant que l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal dispose : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les autorités mentionnées à l'article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent titre (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de la même loi, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " I. Ne sont pas communicables les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : (...) / au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente (...) " ; qu'une communication de document qui empièterait sur les compétences et prérogatives du juge dans la conduite d'une procédure porterait atteinte au déroulement de celle-ci ; qu'en revanche, eu égard aux principes régissant la transparence que la loi du 17 juillet 1978 a imposée aux personnes publiques, qui ne subordonne pas le droit d'accès à un intérêt établi, la seule circonstance qu'une communication de document administratif soit de nature à affecter les intérêts d'une partie à une procédure, qu'il s'agisse d'une personne publique ou de tout autre personne, ne constitue pas une telle atteinte ;

Considérant, que la seule circonstance que l'avis qu'a émis le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE préalablement à la conclusion du bail conclu le 8 novembre 2004 entre la société ISDH et l'établissement public Cité de la Musique est susceptible d'être utilisé dans la procédure juridictionnelle engagée par Mme A devant le tribunal de grande instance de Paris ne saurait par elle-même l'autoriser à en refuser la communication ; qu'en se bornant à soutenir que cette communication serait de nature à altérer l'égalité des armes entre les parties au procès engagé devant le tribunal de grande instance de Paris, le ministre ne fonde pas légalement sa décision de refus ; qu'il résulte enfin de l'examen des documents constituant l'avis en litige auquel s'est livré le Conseil d'Etat en application de sa décision du 24 novembre 2010 qu'au vu de leur contenu, la communication à Mme A des avis du service des domaines relatifs à la conclusion d'un bail entre l'établissement public Cité de la Musique et une société privée pour la prise à bail de la salle Pleyel est dénuée de toute incidence sur la conduite, par la juridiction qui en est saisie, de la procédure engagée ; que dès lors, Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle le ministre a refusé de lui communiquer cet avis ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus du ministre de communiquer l'ensemble des documents relatifs à l'avis :

Considérant qu'il résulte de l'examen des pièces produites que l'avis en cause était en fait composé de trois notes successives des 18 février, 21 juillet et 6 novembre 2004 transmises par le service des domaines au ministère de la culture ; que dès lors que ces notes contenaient pour partie des informations totalement similaires, les écritures de Mme A doivent être regardées comme tendant à la communication de ces trois documents, qui constituent l'avis dont elle demandait communication ; que si Mme A demande également que lui soit communiqué l'ensemble des documents relatifs à l'avis demandé, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre disposerait d'autres documents relatifs à cet avis ; que, dans ces conditions le ministre a pu, à bon droit, refuser de donner suite à la demande dans cette mesure ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que l'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions dans ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

Considérant que, eu égard aux motifs de la présente décision, l'exécution de celle-ci implique nécessairement qu'il soit enjoint au ministre de communiquer à Mme A l'avis qu'il a émis préalablement à la conclusion du bail conclu le 8 novembre 2004 entre la société ISDH et l'établissement public Cité de la Musique ; qu'il y a lieu de prescrire au ministre de communiquer à Mme A l'avis demandé dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de ces dispositions, le versement d'une somme de 2 000 euros à Mme A au titre des frais exposés par elle devant le Conseil d'Etat et le tribunal administratif de Paris et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision implicite par laquelle le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE a refusé de communiquer à Mme A les avis qu'il a émis préalablement à la conclusion du bail conclu le 8 novembre 2004 entre la société ISDH et l'établissement public Cité de la Musique est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE de communiquer à Mme A les notes du service des domaines des 18 février, 21 juillet et 6 novembre 2004 constituant l'avis qu'il a émis préalablement à la conclusion du bail conclu le 8 novembre 2004 entre la société ISDH et l'établissement public Cité de la Musique, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Paris est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à Mme Marie-Christine A.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 320571
Date de la décision : 16/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-06-01-02 DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS. ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS. ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS AU TITRE DE LA LOI DU 17 JUILLET 1978. DROIT À LA COMMUNICATION. - NOTION D'ATTEINTE AU DÉROULEMENT D'UNE PROCÉDURE JURIDICTIONNELLE JUSTIFIANT LE REFUS DE COMMUNICATION - PORTÉE - SEULE CIRCONSTANCE QUE LA COMMUNICATION SOIT DE NATURE À AFFECTER LES INTÉRÊTS D'UNE PARTIE À UNE TELLE PROCÉDURE - EXCLUSION.

26-06-01-02 Si une communication de document qui empièterait sur les compétences et prérogatives du juge dans la conduite d'une procédure porterait atteinte au déroulement de celle-ci, en revanche, eu égard aux principes régissant la transparence que la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 a imposée aux personnes publiques, qui ne subordonne pas le droit d'accès à un intérêt établi, la seule circonstance qu'une communication de document administratif soit de nature à affecter les intérêts d'une partie à une procédure, qu'il s'agisse d'une personne publique ou de tout autre personne, ne constitue pas une telle atteinte. En particulier, la seule circonstance qu'un document soit susceptible d'être utilisé dans la procédure juridictionnelle engagée par le demandeur ne saurait par elle-même autoriser l'administration à en refuser la communication. Il en va de même de la seule allégation que cette communication serait de nature à altérer l'égalité des armes entre les parties au procès.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 5 mai 2008, Société anonyme Baudin Châteauneuf, n° 309518, p. 177.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 avr. 2012, n° 320571
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. Aurélien Rousseau
Rapporteur public ?: M. Julien Boucher
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:320571.20120416
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