Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juin et 2 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'AGENCE DE L'EAU ADOUR-GARONNE, dont le siège est 90 rue de Frérétra à Toulouse (31078 Cedex 04) ; l'AGENCE DE L'EAU ADOUR-GARONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07BX01952 du 31 mars 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur l'appel de l'EARL du Mirailh tendant à l'annulation du jugement n° 0600203 du 12 juin 2007 du tribunal administratif de Toulouse et à la réduction de la redevance pour usage destiné à l'irrigation agricole qui lui a été réclamée au titre de l'année 2004, par la voie d'un titre de recettes du 12 août 2005, a prononcé la réduction de la redevance à hauteur de 1 052,60 euros ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'EARL du Mirailh ;
3°) de mettre à la charge de l'EARL du Mirailh le versement de la somme de 4 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 ;
Vu le décret n° 66-700 du 14 septembre 1966 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Isidoro, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'AGENCE DE L'EAU ADOUR-GARONNE et de la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de l'Earl du Mirailh,
- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'AGENCE DE L'EAU ADOUR-GARONNE et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de l'Earl du Mirailh ;
Considérant que l'AGENCE DE L'EAU ADOUR-GARONNE a mis à la charge de l'EARL du Mirailh au titre de l'année 2004, par titre de recette émis le 12 août 2005, une redevance pour usage destiné à l'irrigation agricole à raison des prélèvements en eau que cette entreprise a effectués pour les besoins de son exploitation agricole ; que la cour administrative d'appel de Bordeaux a prononcé dans son arrêt du 31 mars 2009 la réduction de cette redevance, à concurrence de la somme de 1 052,60 euros ; que l'AGENCE DE L'EAU ADOUR-GARONNE se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 14 de la loi du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution, alors en vigueur : " L'agence établit et perçoit sur les personnes publiques ou privées des redevances, dans la mesure où ces personnes publiques ou privées rendent nécessaire ou utile l'intervention de l'agence ou dans la mesure où elles y trouvent leur intérêt " ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ;
Considérant qu'en jugeant qu'à supposer que le caractère lacunaire des informations portées sur sa déclaration par l'EARL du Mirailh justifiât la procédure de taxation d'office, l'AGENCE DE L'EAU ADOUR GARONNE ne pouvait substituer au volume d'eau déclaré un volume d'eau évalué forfaitairement, faute d'établir l'insuffisance des volumes d'eau prélevée mentionnés par l'EARL du Mirailh dans sa déclaration, la cour a fait supporter à l'agence la charge de la preuve en méconnaissance de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales et a ainsi commis une erreur de droit ; que, par suite, son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article 14 de la loi du 16 décembre 1964 précitée, alors en vigueur : " L'assiette et le taux de ces redevances sont fixés sur avis conforme du comité de bassin " ; qu'en vertu du III de l'article 18 du décret du 14 septembre 1966 relatif aux agences financières de bassin, alors en vigueur, toute délibération relative à l'assiette des redevances, à l'exception de celles établies au titre de la détérioration de la qualité de l'eau, ainsi que toute délibération relative aux taux des redevances, est soumise à l'avis conforme du comité de bassin ; qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des pièces versées à l'instance par l'AGENCE DE L'EAU ADOUR-GARONNE, que le comité de bassin Adour-Garonne a, par délibération du 5 décembre 2002, donné un avis favorable aux modalités d'instauration des redevances au titre du VIIIème programme d'intervention de l'agence pour la période 2003-2006, proposées par le conseil d'administration de l'agence dans sa délibération du 20 novembre 2002 et adoptées par ce dernier, au vu de l'avis du comité de bassin, dans sa séance du 5 décembre suivant ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le conseil d'administration de l'agence aurait institué la redevance contestée en méconnaissance des dispositions de l'article 18 du décret du 14 septembre 1966 doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 19 du décret du 14 septembre 1966 précité, alors en vigueur : " Tout redevable est tenu de fournir à l'agence les renseignements nécessaires à l'établissement de la redevance. L'agence est habilitée à contrôler l'exactitude de ces renseignements. / Il pourra être procédé, pour chaque redevable, au calcul des bases d'imposition au moyen d'un échantillonnage approprié ou d'estimations dressées en fonction notamment de certains éléments caractéristiques de son installation ou de son activité. Toutefois les redevables pourront exiger de l'agence l'installation à leurs frais de compteurs ou autres moyens de mesure " ; qu'il résulte de ces dispositions que les redevables d'une redevance régulièrement instituée sur le fondement de l'article 14 de la loi du 16 décembre 1964 sont tenus de fournir à l'agence les renseignements nécessaires à l'établissement de cette redevance ; que l'agence est habilitée à contrôler l'exactitude de ces renseignements et peut, en cas de défaut ou d'insuffisance de déclaration, procéder à une évaluation forfaitaire du montant de la redevance due, en fonction de certains éléments caractéristiques de l'installation ou de l'activité du redevable ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la déclaration du 30 décembre 2004 relative aux prélèvements d'eau à usage d'irrigation que l'EARL du Mirailh a déposée au titre de l'année 2004 n'était que partiellement renseignée et ne comportait notamment pas les précisions requises concernant les différents points de prélèvements qu'elle utilise sur les communes de Damazan et de Saint-Léger ; que l'EARL du Mirailh n'a pas complété sa déclaration malgré les demandes formées en ce sens les 21 avril et 14 juin 2005 par l'AGENCE DE L'EAU ADOUR-GARONNE, laquelle l'avait informée que l'absence de réponse suffisante l'exposait à ce que la redevance soit établie d'office ; que l'EARL s'est notamment bornée à mentionner un volume d'eau total prélevé de 138 640 m3 et un nombre de 3466 heures, sans indiquer le volume effectivement ponctionné en chacun des points de prélèvement, les moyens de mesure ni les relevés des compteurs, et n'a ainsi pas mis en mesure l'AGENCE DE L'EAU ADOUR-GARONNE de contrôler l'exactitude des renseignements fournis ; que, par suite, l'agence était fondée à procéder au calcul de ses bases d'imposition au moyen d'une estimation forfaitaire, fondée sur la surface irriguée et sur le type de culture ; que l'EARL du Mirailh, qui se borne à invoquer le volume d'eau mentionné dans sa déclaration, n'établit pas que la méthode forfaitaire utilisée par l'AGENCE DE L'EAU ADOUR-GARONNE aboutit à une redevance d'un montant exagéré ;
Considérant, en troisième lieu, que, hors le cas de pénalités à caractère de sanction, l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être invoqué devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EARL du Mirailh n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par un jugement qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la réduction de la redevance pour usage destiné à l'irrigation agricole qui lui a été réclamée par l'AGENCE DE L'EAU ADOUR-GARONNE au titre de l'année 2004 et, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EARL du Mirailh, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par l'AGENCE DE L'EAU ADOUR-GARONNE tant devant le Conseil d'Etat que devant la cour administrative d'appel de Bordeaux ; que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AGENCE DE L'EAU ADOUR-GARONNE la somme que l'EARL du Mirailh demande au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 31 mars 2009 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par l'EARL du Mirailh devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : L'EARL du Mirailh versera une somme de 4 000 euros à l'AGENCE DE L'EAU ADOUR-GARONNE au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'EARL du Mirailh sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'AGENCE DE L'EAU ADOUR-GARONNE et à l'EARL du Mirailh.