Vu la requête, enregistrée le 12 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le CABINET FROMENT-MEURICE et ASSOCIES, dont le siège est 91 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris (75008) ; le CABINET FROMENT-MEURICE et ASSOCIES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à la modification du décret n° 2008-1334 du 17 décembre 2008 modifiant diverses dispositions régissant les marchés soumis au code des marchés publics et aux décrets pris pour l'application de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre de modifier, dans un délai de deux mois, les dispositions du code des marchés publics en vue d'interdire aux acheteurs publics de recourir à la seule publicité de leurs avis de marchés sur leur profil d'acheteur pour les marchés passés en procédure adaptée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007 ;
Vu le décret n° 2008-1334 du 17 décembre 2008 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fabrice Aubert, Auditeur,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;
Considérant que le CABINET FROMENT-MEURICE et ASSOCIES a, par courrier du 18 juillet 2011, saisi le Premier ministre d'une demande tendant à la modification du décret du 17 décembre 2008 modifiant le code des marchés publics, afin d'empêcher les pouvoirs adjudicateurs de recourir à la seule publication des avis d'appel public à la concurrence sur leur " profil d'acheteur ", c'est-à-dire sur le site dématérialisé auquel ils peuvent avoir recours pour passer des marchés publics, et notamment des marchés relevant de la procédure adaptée prévue par l'article 28 de ce code ; que le CABINET FROMENT-MEURICE et ASSOCIES demande l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur cette demande ;
Considérant qu'aux termes de l'article 28 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils mentionnés au II de l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat. (...) Le pouvoir adjudicateur peut décider que le marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalables si les circonstances le justifient, ou si son montant estimé est inférieur à 4 000 euros HT ou dans les situations décrites au II de l'article 35 " ; qu'aux termes de l'article 30 du même code : " I. - Les marchés et les accords-cadres ayant pour objet des prestations de services qui ne sont pas mentionnées à l'article 29 peuvent être passés, quel que soit leur montant, selon une procédure adaptée, dans les conditions prévues par l'article 28 " ; qu'enfin, aux termes de l'article 40 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - En dehors des exceptions prévues au quatrième alinéa de l'article 28 ainsi qu'au II de l'article 35, tout marché ou accord-cadre d'un montant égal ou supérieur à 20 000 euros HT est précédé d'une publicité, dans les conditions définies ci-après. / II. - Pour les achats de fournitures, de services et de travaux d'un montant compris entre 20 000 euros HT et 90 000 euros HT, ainsi que pour les achats de services relevant du I de l'article 30 d'un montant égal ou supérieur à 15 000 euros hors taxe, le pouvoir adjudicateur choisit librement les modalités de publicité adaptées en fonction des caractéristiques du marché, notamment le montant et la nature des travaux, des fournitures ou des services en cause " ;
Considérant, en premier lieu, que les marchés passés selon la procédure adaptée prévue à l'article 28 du code des marchés publics sont soumis, quel que soit leur montant, aux principes fondamentaux rappelés au deuxième alinéa du I de l'article 1er du même code, selon lequel " les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures " ; que, dès lors, si la personne publique est libre, lorsqu'elle décide de recourir à la procédure adaptée pour un marché dont le montant estimé est inférieur aux seuils définis par l'article 26 du code des marchés publics ou qui relève des dispositions du I de l'article 30 de ce code, de déterminer les modalités de publicité appropriées aux caractéristiques de ce marché, et notamment à son objet, à son montant, au degré de concurrence entre les entreprises concernées et aux conditions dans lesquelles il est passé, ce choix doit toutefois, sous réserve d'exceptions expressément prévues par ce même code, lui permettre de respecter les principes fondamentaux de la commande publique, qui s'imposent à elle ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient le CABINET FROMENT-MEURICE et ASSOCIES, les dispositions du code des marchés publics issues du décret du 17 décembre 2008 ne sauraient être interprétées comme autorisant les pouvoirs adjudicateurs à limiter systématiquement les mesures de publicité entreprises pour la passation d'un marché à une publication sur leur " profil d'acheteur " ;
Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient le CABINET FROMENT-MEURICE et ASSOCIES, le décret litigieux, qui vise à proportionner les mesures de publicité au montant et à la nature des marchés passés par les personnes publiques, n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le droit au recours des tiers contre les procédures de passation de ces marchés ; que, par suite, le CABINET FROMENT-MEURICE et ASSOCIES n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions méconnaîtraient le droit au recours effectif au sens de la directive du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007 modifiant les directives 89/665/CEE et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concerne l'amélioration de l'efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que le CABINET FROMENT-MEURICE et ASSOCIES n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à la modification du décret du 17 décembre 2008 ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en conséquence, être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du CABINET FROMENT-MEURICE et ASSOCIES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au CABINET FROMENT-MEURICE et ASSOCIES, au Premier ministre et au ministre de l'économie et des finances.