Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juillet et 5 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Tours, représentée par son maire ; elle demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09NT00705 du 4 mai 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit à l'appel de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Photo Josse, a annulé, d'une part, le jugement n° 0603317 du 20 janvier 2009 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de cette entreprise tendant à l'annulation de la décision implicite du maire de la commune rejetant sa demande tendant à ce que lui soit accordée l'autorisation de photographier certaines des oeuvres exposées dans le musée des beaux-arts de Tours, d'autre part, cette décision implicite ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'EURL Photo Josse ;
3°) de mettre à la charge de l'EURL Photo Josse le versement de la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code du patrimoine ;
Vu le code général de la propriété des personne publiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de l'EURL Photo Josse, et de Me Haas, avocat de la commune de Tours,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de l'EURL Photo Josse, et de Me Haas, avocat de la commune de Tours ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Photo Josse a, le 11 mai 2006, demandé au maire de la commune de Tours l'autorisation de prendre des clichés de certaines des oeuvres appartenant aux collections du musée des Beaux-Arts de la commune ; que cette demande précisait que ces photographies étaient destinées à être publiées ultérieurement dans des ouvrages scolaires ou des ouvrages d'art ou encore dans la presse ; que le maire a implicitement rejeté cette demande ; que la commune de Tours se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 mai 2010 par lequel, faisant droit à l'appel de cette entreprise, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé, d'une part, le jugement du 20 janvier 2009 par lequel le tribunal administratif d'Orléans avait rejeté la demande de l'EURL tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du refus du maire et, d'autre part, cette décision implicite ;
2. Considérant que l'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine ou à l'utiliser en vue d'y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation ou cette utilisation soit compatible avec son affectation et sa conservation ; que la décision de refuser une telle autorisation, que l'administration n'est jamais tenue d'accorder, n'est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, dont le respect implique, d'une part, que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi et, d'autre part, qu'elles ne puissent prendre elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d'un intérêt public ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, entré en vigueur à la date de la décision implicite du maire : " Sans préjudice des dispositions applicables en matière de protection des biens culturels, font partie du domaine public mobilier de la personne publique propriétaire les biens présentant un intérêt public du point de vue de l'histoire, de l'art, de l'archéologie, de la science ou de la technique, notamment : /(...) 8° Les collections des musées (...) " ;
4. Considérant que la prise de vues d'oeuvres relevant des collections d'un musée, à des fins de commercialisation des reproductions photographiques ainsi obtenues, doit être regardée comme une utilisation privative du domaine public mobilier impliquant la nécessité, pour celui qui entend y procéder, d'obtenir une autorisation ainsi que le prévoit l'article L. 2122-1 du même code ; qu'une telle autorisation peut être délivrée dès lors qu'en vertu de l'article L. 2121-1 de ce code, cette activité demeure compatible avec l'affectation des oeuvres au service public culturel et avec leur conservation ; qu'il est toutefois loisible à la collectivité publique affectataire d'oeuvres relevant de la catégorie des biens mentionnés au 8° de l'article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans le respect du principe d'égalité, de ne pas autoriser un usage privatif de ce domaine public mobilier sans que, ainsi qu'il a été dit au considérant 2, puisse utilement être opposé à ce refus aucun droit, fondé sur le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, à exercer une activité économique sur ce domaine public ;
5. Considérant que, par suite, en se fondant, pour faire droit à la requête de l'EURL Photo Josse, sur ce que la décision du maire de Tours avait opposé un refus pur et simple à la demande de l'entreprise sans examiner avec elle la possibilité d'exercer son activité dans des conditions compatibles avec les nécessités de la gestion du musée municipal et du respect de l'intégrité des oeuvres, alors que des autorisations de photographier des oeuvres de ce musée avaient auparavant, et à plusieurs reprises, été délivrées à des photographes professionnels dans le cadre de conventions particulières fixant les conditions des prises de vues et de leur utilisation, pour juger que le maire de la commune avait méconnu le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EURL Photo Josse le versement à la commune de Tours de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Tours, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'EURL Photo Josse demande au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 4 mai 2010 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'EURL Photo Josse versera à la commune de Tours la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'EURL Photo Josse présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Tours et à l'EURL Photo Josse.