Vu, enregistré le 22 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'arrêt n° 11BX00046 du 21 décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, avant de statuer sur la requête de L'OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES (OFPRA) tendant, d'une part, à l'annulation de l'ordonnance n° 1001556 du 17 décembre 2010 par laquelle le président du tribunal administratif de Limoges statuant en référé, l'a condamné à verser à Mlle Suzan A une provision d'un montant de 4 500 euros, soit 3 000 euros à titre personnel et 1 500 euros pour son fils mineur, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande d'indemnité du 15 septembre 2010, d'autre part au rejet de la demande présentée par Mlle A devant le juge des référés de première instance, a saisi le Conseil d'Etat, en vertu des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, des questions de savoir, en premier lieu, si l'action par laquelle une personne recherche la responsabilité de l'OFPRA en invoquant l'appréciation erronée que cet établissement public aurait portée sur sa demande d'asile ou une faute que cet établissement public aurait commise dans sa mission d'instruction des demandes d'asile relève de la compétence de la Cour nationale du droit d'asile ou de celle de la juridiction administrative de droit commun ; en second lieu, dans l'hypothèse où la juridiction administrative de droit commun serait compétente pour connaître d'une telle action, si le fait que la Cour nationale du droit d'asile a annulé une décision de l'OFPRA rejetant comme infondée une demande d'asile et a reconnu au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire révèle, en l'absence de tout élément permettant de penser que les données soumises à l'appréciation de cette juridiction étaient différentes de celles soumises à l'appréciation de l'OFPRA, une erreur d'appréciation de la part de cet établissement public de nature à engager sa responsabilité ;
Vu, enregistrées le 2 février 2012, les observations présentées par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;
Vu, enregistrées le 3 février 2012, les observations présentées pour l'OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES ;
Vu, enregistrées le 30 mars 2012, les observations présentées pour Mlle A ;
Vu, enregistrées le 16 mai 2012, les observations présentées pour l'OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;
REND L'AVIS SUIVANT :
1. Sur la première question : " L'action par laquelle une personne recherche la responsabilité de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en invoquant l'appréciation erronée que cet établissement public aurait portée sur sa demande d'asile ou une faute que cet établissement public aurait commise dans sa mission d'instruction des demandes d'asile relève-t-elle de la compétence de la Cour nationale du droit d'asile ou de celle de la juridiction administrative de droit commun ' ".
2. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de justice administrative, " les tribunaux administratifs sont, en premier ressort et sous réserve des compétences attribuées au Conseil d'Etat, juges de droit commun du contentieux administratif. ".
3. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La Cour nationale du droit d'asile est une juridiction administrative, placée sous l'autorité d'un président, membre du Conseil d'Etat, désigné par le vice-président du Conseil d'Etat. " L'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que la Cour nationale du droit d'asile statue sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), prises en application des articles L. 711-1, s'agissant des demandes d'accès au statut de réfugié, L. 712-1 à L. 712-3 pour ce qui concerne la protection subsidiaire, et L. 723-1 à L. 723-3 relatives aux demandes d'asile dont l'OFPRA est saisi.
4. Il résulte de ces dispositions que la Cour nationale du droit d'asile est une juridiction administrative spécialisée, dont la compétence d'attribution ne porte que sur les recours dirigés contre les décisions de l'OFPRA. Il appartient en conséquence au tribunal administratif, juge de droit commun du contentieux administratif, de connaître d'une action en indemnité introduite à la suite de l'annulation d'une décision de l'OFPRA.
5. Sur la seconde question : " Le fait que la Cour nationale du droit d'asile a annulé une décision de l'OFPRA rejetant comme infondée une demande d'asile et a reconnu au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire révèle-t-il, en l'absence de tout élément permettant de penser que les données soumises à l'appréciation de cette juridiction étaient différentes de celles soumises l'appréciation de l'OFPRA, une erreur d'appréciation de la part de cet établissement public de nature à engager sa responsabilité ' ".
6. Saisie à la suite d'une décision de rejet de l'OFPRA, la Cour nationale du droit d'asile se prononce, en qualité de juge de plein contentieux, sur la reconnaissance à l'intéressé de la qualité de réfugié. Elle apprécie les faits à la date à laquelle elle statue, au vu du dossier qui lui est présenté et compte-tenu des débats qui se déroulent à l'audience organisée devant elle. Il en résulte que la décision par laquelle elle reconnaît la qualité de réfugié à une personne à laquelle l'OFPRA avait opposé un refus n'implique d'aucune manière que la décision prise par cet établissement, au vu du dossier dont il disposait, aurait constitué une faute de nature à ouvrir droit à réparation.
7. Dans l'hypothèse où le refus opposé par l'OFPRA apparaîtrait, au regard des éléments dont disposait l'établissement pour se prononcer sur la demande d'asile, comme fautif, il appartiendrait au tribunal administratif saisi d'une demande d'indemnité d'apprécier l'existence d'un préjudice réparable ainsi que l'établissement d'un lien direct et certain de causalité entre un tel préjudice et la faute commise. Ni l'existence d'un préjudice ouvrant droit à réparation, ni la reconnaissance d'un lien direct de causalité entre celui-ci et la décision de refus de l'OFPRA ne peuvent résulter de la seule reconnaissance ultérieure par la Cour nationale du droit d'asile de la qualité de réfugié à l'intéressé.
8. Il résulte de ce qui précède que, par elle-même, la reconnaissance par la Cour nationale du droit d'asile de la qualité de réfugié ne permet pas à l'intéressé de se prévaloir devant le juge du référé provision d'une créance qui ne serait pas sérieusement contestable. Devant le tribunal administratif statuant au fond, la mise en cause de la responsabilité de la puissance publique est subordonnée à l'établissement, au regard des circonstances de chaque espèce, d'une part, d'une faute de l'OFPRA, laquelle, ainsi qu'il a été dit précédemment, ne découle pas de la seule attribution ultérieure de la qualité de réfugié par la Cour nationale du droit d'asile, d'autre part de l'existence d'un préjudice de nature à ouvrir droit à réparation, enfin d'un lien direct de causalité entre la faute imputée à l'OFPRA et le préjudice invoqué.
Le présent avis sera notifié à la cour administrative d'appel de Bordeaux, à l'OFFICE FRANCAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES, à Mlle Suzan A et au ministre de l'intérieur.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.