Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 novembre 2010 et 17 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Commune de Puycelsi, représentée par son maire ; la commune de Puycelsi demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09BX02801 du 28 septembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur la demande de la société OFG, d'une part, a annulé le jugement du 23 juillet 2009 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il avait rejeté les conclusions indemnitaires de cette société et, d'autre part, l'a condamnée à payer à la société OFG la somme de 7 864,60 euros en réparation du préjudice qu'a causé à cette société la fermeture illégale du débit de boissons qu'elle exploite ;
2°) de mettre à la charge de la société OFG la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 novembre 2012, présentée pour la société OFG ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu l'arrêté du 22 juin 1990 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Gounin, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Haas, avocat de la Commune de Puycelsi et de la SCP Monod, Colin, avocat de la société OFG,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Haas, avocat de la Commune de Puycelsi et à la SCP Monod, Colin, avocat de la société OFG ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de Puycelsi a, par un arrêté du 23 juillet 2004, ordonné la fermeture partielle du " Puycelsi Roc Café " exploité par la société OFG au motif que l'établissement ne disposait pas de la deuxième sortie dont les établissements recevant du public doivent être dotés en vertu des dispositions de l'article R. 123-7 du code de la construction et de l'habitation ; que la société OFG, propriétaire du Puycelsi Roc Café, a recherché la responsabilité de la commune pour la fermeture, selon elle illégale, de l'établissement entre le 23 juillet et le 20 août 2004, date à laquelle le maire a rapporté l'arrêté du 23 juillet 2004 ; que la commune de Puycelsi se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse rejetant les conclusions indemnitaires de la société OFG, la condamne à verser à celle-ci 7 864,60 euros en réparation de la fermeture litigieuse ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-7 du code de la construction et de l'habitation : " Les sorties, les éventuels espaces d'attente sécurisés et les dégagements intérieurs qui y conduisent doivent être aménagés et répartis de telle façon qu'ils permettent l'évacuation ou la mise à l'abri préalable rapide et sûre des personnes. Leur nombre et leur largeur doivent être proportionnés au nombre de personnes appelées à les utiliser. / Tout établissement doit disposer de deux sorties au moins " ; qu'il résulte des dispositions de l'article PE 11 du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, introduit dans ce règlement par l'arrêté du 22 juin 1990 visé ci-dessus, que les établissements recevant de 51 à 100 personnes doivent disposer soit de deux dégagements de 0,90 mètre, soit d'un dégagement de 1,40 mètre complété par un dégagement de 0,60 mètre ou un dégagement accessoire tel que défini à l'article CO 41 ; qu'aux termes de l'article CO 41 du même règlement : " Les dégagements accessoires peuvent être constitués par des sorties, des escaliers, des coursives, des passerelles, des passages en souterrain, ou par des chemins de circulation faciles et sûrs d'une largeur minimale de 0.60 mètre ou encore par des balcons filants, terrasses, échelles, manches d'évacuation, etc. / Lorsqu'un dégagement accessoire emprunte une propriété appartenant à un tiers, l'exploitant doit justifier d'accords contractuels sous forme d'actes authentiques (...) " ; que l'article PE 11 dispose également que les dégagements doivent permettre l'évacuation rapide et sûre de l'établissement et qu'aucun dépôt, aucun matériel, aucun objet ne doit faire obstacle à la circulation des personnes ;
3. Considérant qu'après avoir estimé que l'effectif théorique maximal du Puycelsi Roc Café était supérieur à 50 personnes et que l'établissement disposait de deux sorties, la première d'une largeur de 1,40 mètre donnant sur la rue, la seconde, d'une largeur de 0,60 mètre, débouchant, en vertu d'un acte authentique, chez un tiers, la cour a jugé que l'établissement, compte tenu de ces deux sorties, respectait les prescriptions énoncées à l'article R. 123-7 du code de la construction et de l'habitation et aux articles PE 11 et CO 41 de l'arrêté du 22 juin 1990 et que, dès lors, la fermeture de l'établissement au motif qu'il ne disposait pas d'une deuxième issue de secours était entachée d'illégalité ; que toutefois, la cour a omis de se prononcer sur le moyen non inopérant soulevé devant elle par la commune et tiré de ce que le second dégagement, qui débouchait sur la cuisine d'un appartement habité, ne permettait pas l'évacuation rapide et sûre de l'établissement ; qu'en statuant ainsi, la cour a entaché son arrêt d'insuffisance de motivation ; que, par suite, son arrêt doit être annulé ;
4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Puycelsi ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans le département " ; que le défaut de transmission d'un acte pris par une autorité communale au représentant de l'Etat est sans incidence sur sa légalité et fait seulement obstacle à ce qu'il devienne exécutoire ; qu'au reste, il résulte de l'instruction que le maire de Puycelsi a régulièrement transmis l'arrêté litigieux au préfet du Tarn le jour de sa notification au Puycelsi Roc Café le 23 juillet 2004 ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté par lequel le maire de Puycelsi a prescrit la fermeture du Puycelsi Roc Café constitue une mesure de police qui doit être motivée en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il résulte de l'instruction que l'arrêté en litige comporte l'énoncé suffisamment précis des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré de son insuffisante motivation doit par suite être écarté ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 123-52 du code de la construction et de l'habitation : " Sans préjudice de l'exercice par les autorités de police de leurs pouvoirs généraux, la fermeture des établissements exploités en infraction aux dispositions du présent chapitre peut être ordonnée par le maire, ou par le représentant de l'Etat dans le département dans les conditions fixées aux articles R. 123-27 et R. 123-28(...) " ;
8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le maire de Puycelsi a prononcé la fermeture du Puycelsi Roc Café au motif que cet établissement ne disposait pas d'une seconde issue de secours permettant, dès lors qu'elle débouchait sur une pièce habitée, l'évacuation rapide et sûre de l'établissement ; qu'il résulte de l'instruction que la seconde issue de secours débouchait sur une pièce habitée dont, au surplus, rien ne garantissait que les portes donnant sur l'extérieur ne seraient jamais verrouillées ; qu'ainsi, le maire a fait une exacte application de la réglementation sur les établissements recevant du public, notamment de l'article R. 123-7 du code de la construction et de l'habitation ainsi que des articles PE 11 et CO 41 du règlement cité ci-dessus ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société OFG n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions indemnitaires qu'elle a présentées contre la commune de Puycelsi ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Puycelsi qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société OFG, au titre des mêmes dispositions, la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Puycelsi ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 09BX02801 du 28 septembre 2010 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la société OFG devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société OFG tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La société OFG versera à la commune de Puycelsi une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Puycelsi et à la société OFG.