Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 avril et 1er juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société Abattoirs de Provence PVH Abattoirs Méditerranéens, dont le siège est 130, chemin de la Madrague à Marseille (13015) ; la société susvisée demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08MA03065 du 3 février 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 21 avril 2008 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée, d'une part, contre l'amende fiscale qui lui a été infligée sur le fondement des dispositions de l'articles 1840 N sexies du code général des impôts et tendant, d'autre part, à la décharge de l'amende fiscale qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1740 ter du code général des impôts ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Loloum, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Capron, Capron, avocat de la Société Abattoirs de Provence PVH Abattoirs Méditerranéens,
- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Capron, Capron, avocat de la Société Abattoirs de Provence PVH Abattoirs Méditerranéens ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de sa comptabilité, portant sur les années 2001, 2002 et 2003, la Société Abattoirs de Provence PVH Abattoirs méditerranéens s'est vu infliger les amendes prévues par les articles 1840 N sexies et 1740 ter, devenus respectivement 1840 J et 1737 du code général des impôts ; qu'elle demande l'annulation de l'arrêt du 3 février 2011par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 21 avril 2008 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision de lui infliger l'amende prévue par l'article 1840 N sexies, formalisée par l'avis de mise en recouvrement du 8 décembre 2004 émis par la recette des impôts du 15ème arrondissement de Marseille, et d'autre part à la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1740 ter du code général des impôts ;
2. Considérant d'une part qu'il ressort de l'examen des conclusions de la société requérante devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de la décision lui infligeant l'amende fiscale prévue par l'article 1940 N sexiès, dans sa rédaction alors en vigueur, que celles-ci ne contenaient l'exposé d'aucun moyen sur lequel la société entendait se fonder ; que ces conclusions, qui n'ont pas été régularisées en cours d'instance, étaient, par suite, irrecevables ; que dans sa requête d'appel, la société ne contestait pas l'irrecevabilité qui lui a été opposée par les premiers juges ; que la circonstance qu'un moyen d'ordre public était susceptible d'être soulevé d'office en première instance à l'encontre de la décision attaquée est sans influence sur la recevabilité de la demande présentée par la société ; que, par suite, en ne soulevant pas d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que le tribunal administratif de Marseille avait omis d'appliquer immédiatement d'office les dispositions de la loi nouvelle instituant des peines moins sévères que la loi antérieure, et en ne soulevant pas d'office elle-même ce moyen, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit, ni dénaturé les écritures d'appel de la société ;
3. Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article 1740 ter du code général des impôts, alors en vigueur : " Lorsqu'il est établi qu'une personne, à l'occasion de l'exercice de ses activités professionnelles a travesti ou dissimulé l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, ou sciemment accepté l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom, elle est redevable d'une amende fiscale égale à 50 % des sommes versées ou reçues au titre de ces opérations. Il en est de même lorsque l'infraction porte sur les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles. (...) Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux ventes au détail et aux prestations de services faites ou fournies à des particuliers. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle envisage de mettre en recouvrement une amende fiscale sur le fondement de l'article 1740 ter du code général des impôts, d'apporter la preuve que les faits retenus à l'encontre du redevable entrent bien dans les prévisions de cet article et notamment de rechercher si les insuffisances constatées sur les factures avaient pour objet de dissimuler l'identité véritable de ses clients ;
4. Considérant qu'en relevant que la société avait établi des factures au nom d'un client dénommé " Ageri " sans précision sur la nature morale ou physique de la personne concernée et que ce libellé correspondait à un compte client fictif regroupant plusieurs dizaines de clients différents, et en constatant ensuite que les bons de livraison établis au nom des clients se dissimulant derrière le client dénommé " Ageri " avaient été produites tardivement et présentaient un caractère incomplet et sommaire, la cour, qui n'a pas dénaturé les documents fournis par la société requérante, s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce insusceptible d'être discutée devant le juge de cassation ; qu'en en déduisant, sans tenir compte de ce que ces ventes étaient enregistrées dans la comptabilité de la société, que l'administration devait être regardée comme apportant la preuve, s'agissant de faits qui entraient dans les prévisions du premier alinéa de l'article 1740 ter du code général des impôts, de l'intention de la société de dissimuler l'identité réelle de ses clients, la cour n'a commis aucune erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits de l'espèce ;
5. Considérant que si la société requérante soutient que l'administration s'est à tort abstenue de vérifier que les opérations en litige n'entraient pas dans la catégorie des " ventes au détail ou des prestations de services faites ou fournies à des particuliers " pour lesquelles ne s'applique pas l'amende prévue au 1er alinéa de l'article 1740 ter, un tel moyen qui n'a pas été soulevé devant les juges du fond, ne saurait l'être pour la première fois devant le juge de cassation ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société Abattoirs de Provence PVH Abattoirs méditerranéens n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la Société Abattoirs de Provence PVH Abattoirs méditerranéens est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société Abattoirs de Provence PVH Abattoirs méditerranéens et au ministre de l'économie et des finances.