Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 septembre et 18 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Saint-Agnant, représentée par son maire ; la commune de Saint-Agnant demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 11BX00271 du 13 juillet 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, annulé le jugement n° 0901083 du 2 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M. Pascal A tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 18 février 2008 par lequel le maire de la commune a décidé de préempter la parcelle cadastrée section AA n° 244 ainsi que de la décision du 11 août 2008 rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté et, d'autre part, annulé pour excès de pouvoir ces décisions ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A ;
3°) de mettre à la charge de M. A le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Haas, avocat de la commune de Saint-Agnant et de la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Haas, avocat de la commune de Saint-Agnant et à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M. A ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A :
1. Considérant que, par une délibération du 23 mars 2008, le conseil municipal de la commune de Saint-Agnant a délégué au maire les compétences prévues à l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales ; qu'il lui a ainsi donné une compétence générale pour ester en justice au nom de la commune pendant toute la durée du mandat ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. A et tirée de l'absence de qualité du maire de Saint-Agnant pour introduire un pourvoi en cassation au nom de sa commune doit être écartée ;
Sur l'arrêt attaqué :
2. Considérant, d'une part, que le juge d'appel, auquel est déféré un jugement par lequel le juge de premier degré a rejeté au fond des conclusions sans avoir eu besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées devant lui, ne peut faire droit à ces conclusions qu'après avoir écarté expressément ces fins de non-recevoir, alors même que le défendeur, sans pour autant les abandonner, ne les aurait pas reprises en appel ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces soumises aux juges du fond que la commune de Saint-Agnant avait soulevé devant le tribunal administratif de Poitiers une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance de M. A ; qu'en faisant droit aux conclusions de M. A sans avoir au préalable expressément écarté cette fin de non-recevoir qui, même non reprise en appel, n'avait pas été abandonnée par la commune, la cour administrative d'appel de Bordeaux a méconnu son office ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ;
5. Considérant que, pour annuler la décision de préemption du 17 février 2008 du maire de Saint-Agnant ainsi que la décision du 11 août 2008 rejetant le recours gracieux formé contre celle-ci, la cour administrative d'appel a notamment estimé que si les projets de création d'un parc public de stationnement et d'un chemin piétonnier étaient mentionnés dans une délibération du conseil municipal du 7 février 2008, celle-ci était dépourvue de précisions suffisantes, et qu'ainsi la commune ne justifiait pas, à la date à laquelle elle a exercé son droit de préemption, de l'existence d'un projet suffisamment précis et certain ; qu'en subordonnant la légalité de la décision de préemption à la condition que la commune justifie d'un projet précis à la date de cette décision, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, pour les deux motifs énoncés ci-dessus, l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Bordeaux doit être annulé ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A le versement à la commune de Saint-Agnant de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions présentées par M. A au titre des mêmes dispositions ne peuvent, en revanche, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 13 juillet 2011 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : M. A versera à la commune de Saint-Agnant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Agnant et à M. Pascal A.