Vu le pourvoi, enregistré le 6 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de la défense ; le ministre de la défense demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 1er juin 2012 par lequel la cour régionale des pensions de Rennes a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 28 juin 2010 du tribunal départemental des pensions du Finistère faisant droit à la demande de M. A... B... tendant à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité à compter du 1er janvier 2003 par référence à l'indice du grade équivalent dans la marine à son grade d'adjudant-chef dans l'armée de terre ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;
Vu le décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emmanuelle Mignon, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. B...,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. B... ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Les pensions militaires prévues par le présent code sont liquidées et concédées, sous réserve de la conservation ou modification prévues à l'alinéa ci-après, par le ministre des anciens combattants et des victimes de guerre ou par les fonctionnaires qu'il délègue à cet effet.(...) /Les concessions ainsi établies sont confirmées ou modifiées par un arrêté conjoint du ministre des anciens combattants et victimes de guerre et du ministre de l'économie et des finances. La concession ne devient définitive qu'après intervention dudit arrêté. (...) Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux militaires et marins de carrière(...) pour lesquels la pension est liquidée (...) par le ministre d'Etat chargé de la défense nationale (...), la constatation de leurs droits incombant au ministre des anciens combattants et victimes de la guerre. Ces pensions sont concédées par un arrêté signé du ministre de l'économie et des finances " ; que, d'une part, en vertu de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, dans sa rédaction alors en vigueur, l'intéressé dispose d'un délai de six mois pour contester, devant le tribunal départemental des pensions, les décisions prises sur le fondement du premier ou du dernier alinéa de l'article L. 24 précité ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise./ 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces sur le vu desquels l'arrêté de concession a été rendu sont reconnues inexactes soit en ce qui concerne le grade, le décès ou le genre de mort, soit en ce qui concerne l'état des services, soit en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, soit en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits./Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai.(...) "
2. Considérant que le décalage défavorable entre l'indice de pension servie à un sous-officier de l'armée de terre, de l'armée de l'air ou de la gendarmerie et l'indice afférent au grade équivalent au sein des personnels de la marine nationale, qui ne résulte ni d'une erreur matérielle dans la liquidation de sa pension, ni d'une inexactitude entachant les informations relatives à sa personne, ne figure pas au nombre des cas permettant la révision, sans condition de délai, d'une pension militaire d'invalidité ; qu'ainsi, la demande présentée par le titulaire d'une pension militaire d'invalidité, concédée à titre temporaire ou définitif sur la base du grade que l'intéressé détenait dans l'armée de terre, l'armée de l'air ou la gendarmerie, tendant à la revalorisation de cette pension sur l'indice afférent au grade équivalent dans la marine nationale, doit être formée dans le délai de six mois ouvert au pensionné fixé par l'article 5 du décret du 20 février 1959 ; que, passé ce délai, l'intéressé ne peut demander la révision de l'arrêté lui concédant sa pension que pour l'un des motifs énumérés limitativement aux 1° et 2° de l'article L. 78 ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a demandé le 30 mars 2006 au ministre de la défense la revalorisation de la pension militaire d'invalidité qui lui avait été concédée à titre définitif par un arrêté du 3 mai 1968 en fonction de l'indice du grade équivalent, plus favorable, pratiqué pour les personnels de la marine nationale ; que, par lettre du 5 mai 2006, le ministre lui a indiqué que ses services recherchaient les moyens de donner suite à sa demande et qu'il en serait tenu informé dès que possible ; que le 9 avril 2009, il a réitéré sa demande ; que, le 4 mai 2009, le ministre lui a répondu qu'il ne pouvait être apporté de réponse définitive à sa demande car son dossier était expertisé par les instances compétentes ; que M. B... a saisi le 18 mai 2009 le tribunal départemental des pensions du Finistère d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre a rejeté sa demande de revalorisation ; que, par un jugement du 28 juin 2010, le tribunal a fait droit à la demande de M. B... tendant à obtenir la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité par référence à l'indice du grade équivalent dans la marine nationale à son grade d'adjudant-chef dans l'armée de terre à compter du 1er janvier 2003 ; que, saisie d'un appel formé au nom de l'Etat, la cour régionale des pensions de Rennes a confirmé le jugement attaqué ;
4. Considérant qu'en vertu de l'article L. 25 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, la notification des décisions prises en vertu de l'article L. 24 du même code doit mentionner que le délai de recours contentieux court à partir de cette notification ; qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle oppose au pensionné la tardiveté de son recours, de justifier devant le juge de la date à laquelle elle a notifié la décision concernée ;
5. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces produites par le ministre devant les juges du fond que l'arrêté du 3 mai 1968 concédant à M. B... sa pension militaire d'invalidité lui a été notifié ; qu'il suit de là que le délai de recours contentieux n'a pas commencé à courir ; que, par suite, la demande enregistrée le 18 mai 2009 au greffe du tribunal départemental des pensions du Finistère n'était pas tardive ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en faisant droit à la demande de M. B... tendant à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, eu égard à la date et aux conditions de notification de l'arrêté lui ayant concédé sa pension, la cour régionale des pensions de Rennes n'a pas commis d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier ; qu'il suit de là que le pourvoi du ministre de la défense ne peut qu'être rejeté ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de la défense est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et à M. A... B....