Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre et 6 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la Communauté d'agglomération du pays de Martigues, dont le siège est Allée Edgar Degas, Paradis Saint-Roch, à Martigues (13500) ; la Communauté d'agglomération du pays de Martigues demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09MA00154 du 4 juillet 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0604062 du 20 novembre 2008 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a annulé, à la demande du Comité d'intérêt de quartier de Saint-Pierre, commune de Martigues, l'arrêté du 18 avril 2006 du préfet des Bouches-du-Rhône ayant autorisé le stockage de déchets non ultimes au lieu-dit " Vallon du Fou ", sur le territoire de la commune de Martigues, et a enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de modifier cet arrêté ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du Comité d'intérêt de quartier de Saint-Pierre, commune de Martigues, le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de la Communauté d'agglomération du pays de Martigues et à la SCP Odent, Poulet, avocat du Comité d'intérêt de quartier de Saint-Pierre, commune de Martigues ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 18 avril 2006, le préfet des Bouches-du-Rhône a autorisé, sur le fondement de l'article L. 512-1 du code de l'environnement relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement, l'exploitation par la Communauté d'agglomération du pays de Martigues d'un centre de stockage de déchets situé au lieu-dit du " Vallon du Fou ", sur le territoire de la commune de Martigues ; que par un jugement du 20 novembre 2008, le tribunal administratif de Marseille a, à la demande du Comité d'intérêt de quartier de Saint-Pierre, commune de Martigues, annulé cet arrêté en tant qu'il autorisait le stockage de déchets non ultimes et enjoint au préfet de le modifier ; que ce dernier a pris le 9 février 2009, pour l'exécution de ce jugement, un arrêté modificatif imposant de nouvelles prescriptions ; que, par un arrêt du 4 juillet 2011, contre lequel la Communauté d'agglomération du pays de Martigues se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
2. Considérant que l'article L. 5 du code de justice administrative prévoit que " l'instruction des affaires est contradictoire " ; qu'aux termes de l'article L. 7 de ce code : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent " ;
3. Considérant que les règles applicables à l'établissement du rôle, aux avis d'audience et à la communication du sens des conclusions du rapporteur public sont fixées, pour ce qui concerne les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, par les articles R. 711-1 à R. 711-3 du code de justice administrative ; que l'article R. 711-2 indique que l'avis d'audience mentionne les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public ; que le premier alinéa de l'article R. 711-3 du même code dispose que " si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ;
4. Considérant que le principe du caractère contradictoire de l'instruction, rappelé à l'article L. 5 du code de justice administrative, qui tend à assurer l'égalité des parties devant le juge, implique la communication à chacune des parties de l'ensemble des pièces du dossier, ainsi que, le cas échéant, des moyens relevés d'office ; que ces règles sont applicables à l'ensemble de la procédure d'instruction à laquelle il est procédé sous la direction de la juridiction ;
5. Considérant que le rapporteur public, qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement ; que l'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction ; qu'il suit de là que, pas plus que la note du rapporteur ou le projet de décision, les conclusions du rapporteur public -qui peuvent d'ailleurs ne pas être écrites- n'ont à faire l'objet d'une communication préalable aux parties ; que celles-ci ont en revanche la possibilité, après leur prononcé lors de la séance publique, de présenter des observations, soit oralement à l'audience, soit au travers d'une note en délibéré ; qu'ainsi, les conclusions du rapporteur public permettent aux parties de percevoir les éléments décisifs du dossier, de connaître la lecture qu'en fait la juridiction et de saisir la réflexion de celle-ci durant son élaboration tout en disposant de l'opportunité d'y réagir avant que la juridiction ait statué ; que s'étant publiquement prononcé sur l'affaire, le rapporteur public ne peut prendre part au délibéré ; qu'ainsi, en vertu de l'article R. 732-2 du code de justice administrative, il n'assiste pas au délibéré devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel et, selon l'article R. 733-3 de ce code, il y assiste, sauf demande contraire d'une partie, sans y prendre part au Conseil d'Etat ;
6. Considérant que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions citées au point 3 de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ;
7. Considérant, par ailleurs, que, pour l'application de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs, mentionnés au point 6, de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir ; que la communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision ;
8. Considérant que, dans le cas mentionné au point 6 comme dans celui indiqué au point 7, le rapporteur public qui, après avoir communiqué le sens de ses conclusions, envisage de modifier sa position doit, à peine d'irrégularité de la décision, mettre les parties à même de connaître ce changement ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Communauté d'agglomération du pays de Martigues n'est pas fondée à soutenir que l'arrêt attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le rapporteur public, qui a mis les parties en mesure de connaître avant l'audience le sens de ces conclusions, de les avoir informées des motifs qui l'ont conduit à proposer le rejet de sa requête d'appel ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
10. Considérant qu'en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, les autorisations délivrées aux installations classées pour la protection de l'environnement sur le fondement de l'article L. 512-1 du même code sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ;
11. Considérant qu'il appartient au juge de plein contentieux des installations classées de se prononcer sur l'étendue des obligations mises à la charge des exploitants par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue ; qu'il doit, à ce titre, prendre en compte tout acte intervenant en cours d'instance ayant pour objet de modifier ou compléter l'arrêté autorisant l'installation ;
12. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que la cour se soit référée aux dispositions des articles L. 541-1 et L. 541-24 du code de l'environnement, transférées en vertu des articles 2 et 17 de l'ordonnance du 17 décembre 2010 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des déchets à l'article L. 512-2-1 du même code, applicable à la date de l'arrêt attaqué, est, en raison du contenu identique des dispositions en cause, sans incidence sur le bien-fondé du raisonnement de la cour, non plus que sur la régularité de son arrêt ;
13. Considérant, en deuxième lieu, que l'objet du litige sur lequel la cour administrative d'appel devait statuer portait sur le bien-fondé de l'annulation par le tribunal administratif de Marseille de l'arrêté du 18 avril 2006 en tant qu'il autorisait le stockage de déchets non ultimes ; que l'arrêté modificatif du 9 février 2009 a été pris en exécution du jugement du tribunal administratif ; que, dès lors, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en ne tenant pas compte de l'arrêté modificatif de 2009, dont l'existence était d'ailleurs simplement mentionnée dans les écritures du ministre de l'écologie, pour statuer sur l'appel contre le jugement du tribunal administratif ;
14. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 542-24 du code de l'environnement, applicable à la date de l'arrêté litigieux et dont les dispositions ont été reprises au II de l'article L. 541-2-1 du même code, les producteurs ou les détenteurs de déchets ne peuvent éliminer ou faire éliminer dans des installations de stockage de déchets que des déchets ultimes ; que doit être regardé comme ultime, au sens de ces dispositions, un déchet qui n'est plus susceptible d'être réutilisé ou valorisé dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction de son caractère polluant ou dangereux ;
15. Considérant que l'arrêté autorisant l'exploitation d'une installation de stockage de déchets doit être assorti de prescriptions permettant de garantir que ne seront effectivement stockés dans celle-ci que des déchets devant être regardés comme ultimes en application des dispositions précitées ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il appartient au préfet de préciser les restrictions qui s'en déduisent, le cas échéant, pour l'installation en cause, sans pouvoir autoriser tous les déchets ménagers et assimilés sous la seule réserve d'une référence aux conditions posées par la loi ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Communauté d'agglomération du pays de Martigues n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que le Comité d'intérêt de quartier de Saint-Pierre, commune de Martigues a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Odent, Poulet, avocat du Comité d'intérêt de quartier de Saint-Pierre, commune de Martigues, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de la Communauté d'agglomération du pays de Martigues la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Odent, Poulet ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la Communauté d'agglomération du pays de Martigues est rejeté.
Article 2 : La Communauté d'agglomération du pays de Martigues versera à la SCP Odent, Poulet, avocat du Comité d'intérêt de quartier de Saint-Pierre, commune de Martigues, une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Communauté d'agglomération du pays de Martigues, au Comité d'intérêt de quartier de Saint-Pierre, commune de Martigues et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.