Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 et 17 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Cofinfo, dont le siège est 2-4, rue de Lisbonne à Paris (75008), représentée par son président-directeur général ; la société Cofinfo demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1211529 du 20 juillet 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris (SIEMP), sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, premièrement, de ne consentir aucun bail à titre onéreux ou à titre gratuit, ou toute autre autorisation d'occuper à quelque titre que ce soit l'immeuble situé 3-5, rue Godefroy Cavaignac à Paris (75011), deuxièmement, d'ordonner que lui soit transmise une copie des éventuels baux consentis, troisièmement, de prendre toute mesure nécessaire pour empêcher l'immeuble d'être squatté ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la SIEMP le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Grosset, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la société Cofinfo et à Me Foussard, avocat de la société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris ;
Sur l'intervention de la Ville de Paris :
1. Considérant que la Ville de Paris justifie d'un intérêt suffisant au maintien de l'ordonnance attaquée ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;
Sur le pourvoi de la société Cofinfo :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais " ; qu'aux termes de l'article L. 521-3 du même code : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative " ; que l'article L. 522-3 du même code permet au juge des référés, lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, qu'elle est mal fondée, de la rejeter par une ordonnance motivée sans instruction contradictoire et sans audience publique ;
3. Considérant que pour rejeter comme manifestement mal fondée, sur ce dernier fondement, la demande de la société Cofinfo tendant à ce qu'il enjoigne à la société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris (SIEMP), au titre de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, de ne consentir aucun bail à titre onéreux ou à titre gratuit ou toute autre autorisation d'occuper à quelque titre que ce soit l'immeuble situé 3-5 rue Godefroy Cavaignac à Paris, de lui transmettre une copie des éventuels baux consentis et de prendre toute mesure nécessaire pour empêcher l'immeuble d'être occupé sans titre, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a estimé qu'il ne lui appartenait pas " d'édicter des interdictions, fût-ce à titre temporaire " ;
4. Considérant qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 521-3 l'habilitaient à prononcer toute mesure utile, dès lors qu'elle n'était pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, y compris, le cas échéant, des injonctions tendant, à titre provisoire, à ce que l'administration ou une personne privée s'abstienne de mettre en oeuvre une action déterminée, pourvu que, dans ce cas, il ne soit pas fait obstacle à l'exécution d'une décision administrative, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son ordonnance doit être annulée ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par deux arrêtés du 28 décembre 2006 et du 11 juillet 2007, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a respectivement déclaré d'utilité publique l'acquisition par la SIEMP de l'immeuble situé 3-5 rue Godefroy Cavaignac à Paris appartenant à la société Cofinfo et déclaré cet immeuble cessible ; que, par une ordonnance du 31 octobre 2007, le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Paris a prononcé l'expropriation de cet immeuble au profit de la SIEMP ;
7. Considérant, en premier lieu, que si ces deux arrêtés ont été annulés par un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 25 novembre 2011, devenu irrévocable à la suite de la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux rendue ce jour sur les pourvois dirigés contre cet arrêt, et si cette annulation permet à l'exproprié, en vertu de l'article L. 12-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, de faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale, il résulte de l'article R. 12-5-4 de ce code que la restitution du bien ne revêt pas un caractère automatique ; que, dans ces conditions, l'injonction de ne consentir aucun bail ou autre autorisation d'occuper l'immeuble dont la société Cofinfo sollicite le prononcé, qui est de nature à affecter l'exercice par la SIEMP des prérogatives que celle-ci tire de sa qualité de propriétaire, se heurte à une contestation sérieuse ;
8. Considérant, en second lieu, que l'injonction sollicitée par la société Cofinfo, tendant à ce que lui soit transmise une copie des baux consentis, est dépourvue d'utilité, ces baux ayant été produits par la Ville de Paris dans le cadre de la présente instance ; qu'il en est de même, compte tenu de la réhabilitation de l'immeuble et de la location des appartements créés, de l'injonction tendant à ce que soit prise toute mesure nécessaire pour empêcher qu'il soit occupé sans titre ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande que la société Cofinfo a présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris doit être rejetée ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SIEMP qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Cofinfo les sommes que la SIEMP et la Ville de Paris demandent à ce même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la Ville de Paris est admise.
Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 20 juillet 2012 est annulée.
Article 3 : La demande présentée par la société Cofinfo devant le tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de la SIEMP et de la Ville de Paris présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Cofinfo, à la société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris et à la Ville de Paris.
Copie en sera adressée à la ministre de l'égalité des territoires et du logement.