Vu l'ordonnance n° 1306710 du 20 novembre 2013, enregistrée le 21 novembre 2013, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lyon, avant qu'il soit statué sur la demande de la société Fibre Excellence Tarascon, tendant à l'annulation du titre de recettes émis le 29 mars 2013 par le directeur de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse pour avoir paiement de la somme de 1 412 120 euros au titre de la redevance pour pollution non domestique de l'eau qui lui a été assignée pour l'année 2013, ainsi que de la décision du 29 juillet 2013 portant rejet de sa réclamation, et à ce qu'elle soit déchargée de l'obligation de payer cette somme, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du IV de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement ;
Vu les mémoires, enregistrés les 27 septembre, 2 octobre et 12 novembre 2013 au greffe du tribunal administratif de Lyon, présentés, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, pour la société Fibre Excellence Tarascon, dont le siège est rue du Président Saragat, à Saint-Gaudens (31800) ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 janvier 2014, présentée pour la société Fibre Excellence Tarascon ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 janvier 2014, présentée pour l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de la société Fibre Excellence Tarascon et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse ;
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant que les dispositions du IV de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement définissent les modalités de calcul de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique, soit, d'une part, pour les activités autres que l'élevage, pour chaque élément constitutif de la pollution, les paramètres du tarif de la redevance par unité géographique et le tarif maximum de la redevance ainsi que le seuil au-dessous duquel elle n'est pas due, d'autre part, pour les activités d'élevage, le taux de la redevance en fonction du nombre des unités de gros bétail et le seuil de perception de celle-ci ;
3. Considérant que la société soutient, en premier lieu, que les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au motif que les redevances pour les personnes ayant des activités d'élevage, assises sur le nombre d'unités de gros bétail, sont déterminées selon des modalités différentes et plus favorables que celles des redevables exerçant d'autres activités, qui sont assises sur le nombre d'unités d'éléments constitutifs de la pollution ; que le principe d'égalité devant la loi fiscale ne fait pas obstacle à ce que le législateur soumette à des règles différentes des titulaires de droits placés dans des situations différentes ; que tant en ce qui concerne son mode d'exercice que ses conditions économiques, l'activité d'élevage est, au regard de l'objet du texte, différente de celle des autres redevables ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions du IV de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement sont contraires à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
4. Considérant que la société requérante soutient, en deuxième lieu, que ces dispositions sont contraires au principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de cette Déclaration, en tant qu'elles ne tiennent pas compte de la faculté contributive des redevables qui n'ont pas d'activités d'élevage, notamment en ne prévoyant aucun plafonnement de la redevance due ; qu'il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les capacités contributives ; que, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que, cependant, cette appréciation ne saurait, en faisant peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs capacités contributives ou en revêtant un caractère confiscatoire, entraîner une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; qu'en fixant la redevance, pour cette catégorie de redevables, en proportion de la quantité d'éléments constitutifs de la pollution, à partir d'un seuil, par unité géographique cohérente, les dispositions contestées sont fondées sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif poursuivi de réduire la pollution de l'eau, ne revêtent pas, par elles-mêmes, de caractère confiscatoire et n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; que, par suite, le principe d'égalité devant les charges publiques n'est pas méconnu ;
5. Considérant, en troisième lieu, que les modalités particulières retenues pour le calcul de la redevance des personnes ayant des activités d'élevage ne font pas obstacle à ce que soient prévenues les atteintes qu'elles sont susceptibles de porter à l'environnement et à ce qu'elles contribuent à la réparation des dommages qu'elles causent à l'environnement ; qu'ainsi, les dispositions du IV de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement ne sont pas contraires aux articles 3 et 4 de la Charte de l'environnement ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que si la société requérante soutient que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence en s'abstenant de fixer clairement les règles de conversion des effectifs d'animaux en unités de gros bétail prévues au deuxième alinéa du IV, l'absence de telles précisions dans la loi n'est, en tout état de cause, pas de nature à affecter par elle-même un droit ou liberté que la Constitution garantit ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Lyon.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Fibre Excellence Tarascon, à l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au tribunal administratif de Lyon.