Vu le pourvoi, enregistré le 11 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 11NT01922 du 11 avril 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, en premier lieu, annulé le jugement n° 07-2110 du 21 juin 2011 du tribunal administratif de Rennes, en deuxième lieu, condamné l'Etat à verser à la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Saint-Malo Fougères la somme de 1 321 256,46 euros en remboursement des avances financières cumulées versées par l'organisme consulaire au 31 décembre 2006 pour contribuer au financement des déficits d'exploitation de l'aéroport de Dinard-Pleurtuit-Saint-Malo ;
2°) de rejeter l'appel de la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Saint-Malo Fougères ;
3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Saint-Malo Fougères la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laurence Marion, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Saint-Malo Fougères ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la chambre de commerce et d'industrie territoriale (CCIT) de Saint-Malo Fougères, venant aux droits de la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo, a été titulaire d'une concession pour l'exploitation de l'aérodrome de Dinard-Pleurtuit-Saint-Malo accordée par l'Etat le 29 décembre 1969 pour une durée de 40 ans ; que le 1er mars 2007, l'Etat a transféré, en application de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la propriété de cet aérodrome à la région Bretagne ; que la CCIT de Saint-Malo Fougères a demandé à l'Etat, en application de l'article 48 du cahier des charges de la convention de concession, le remboursement des avances consenties sur ses ressources propres pour contribuer au financement des déficits d'exploitation ; que le ministre de l'environnement, du développement durable et de l'énergie se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 avril 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir annulé le jugement du 21 juin 2011 du tribunal administratif de Rennes rejetant comme mal dirigée la demande de la CCIT, a condamné l'Etat à verser à cette dernière la somme de 1 321 256,46 euros en remboursement des avances financières consenties ;
2. Considérant que, dans ses écritures devant la cour administrative d'appel de Nantes, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie soutenait que la requête de la CCIT ne pouvait qu'être rejetée dès lors que celle-ci ne pouvait se prévaloir, pour contester le jugement du tribunal administratif de Rennes, des stipulations de l'article 4-2 de la convention de transfert de l'aérodrome de Dinard-Pleurtuit-Saint-Malo conclue entre l'Etat et la région Bretagne, faute d'être partie à cette convention ; que la cour administrative d'appel a fait application de ces stipulations sans répondre au moyen ainsi soulevé, lequel n'était pas inopérant ; qu'elle a ainsi entaché son arrêt d'irrégularité ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales : " I. - La propriété, l'aménagement, l'entretien et la gestion des aérodromes civils appartenant à l'Etat à la date de publication de la présente loi sont transférés, au plus tard, le 1er janvier 2007 et dans les conditions fixées au présent article, aux collectivités territoriales ou à leurs groupements dans le ressort géographique desquels sont situées ces infrastructures ; (...) / III. - Pour chaque aérodrome transféré, une convention conclue entre l'Etat et le bénéficiaire dans les conditions prévues à l'article L. 221-1 du code de l'aviation civile ou, à défaut, un arrêté du ministre chargé de l'aviation civile dresse un diagnostic de l'état de l'aérodrome, définit les modalités du transfert et fixe sa date d'entrée en vigueur. / La collectivité ou le groupement bénéficiaire du transfert succède à l'Etat dans l'ensemble des droits et obligations à l'égard des tiers. / Le transfert des biens de l'aérodrome appartenant à l'Etat s'opère à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraires. " ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le transfert par l'Etat de la propriété et de l'exploitation d'un aérodrome à une collectivité territoriale ou à un groupement emporte le transfert à cette collectivité ou à ce groupement de l'ensemble de ses droits et obligations ; que la région Bretagne, bénéficiaire du transfert de l'aérodrome de Dinard-Pleurtuit-Saint-Malo, a ainsi succédé à l'Etat dans ses obligations contractuelles à l'égard de la CCIT de Saint-Malo Fougères, nées du contrat de concession de l'exploitation de l'aéroport ; qu'elle est donc redevable du remboursement à la CCIT de Saint-Malo Fougères, prévu par l'article 48 du cahier des charges de la concession, des avances que ce concessionnaire a dû consentir pour couvrir les déficits d'exploitation ; que si l'article 4-2 de la convention conclue entre l'Etat et la région Bretagne le 28 février 2007, en application des dispositions législatives précitées, pour organiser le transfert de l'aérodrome, stipule que " pour ce qui concerne l'engagement financier lié aux avances défini à l'article 48-2 du cahier des charges de la concession d'outillage public de l'aérodrome de Dinard-Pleurtuit-Saint-Malo, accordée le 29 décembre 1969, l'Etat prend en charge la garantie au titre des avances financières versées au 31 décembre 2006 ayant contribué au financement des déficits d'exploitation (...). / Le versement correspondant se fera au profit de la Région, à l'échéance de la concession. / Les recours liés aux avances apportées par le concessionnaire avant la date du transfert resteront intégralement à la charge de l'Etat tant pour leur suivi que pour leurs conséquences ", ces stipulations, qui se bornent à prévoir le remboursement par l'Etat à la région Bretagne des sommes que celle-ci aura dû elle-même rembourser au concessionnaire en application de l'article 48 du cahier des charges de la concession, ne créent pas de droit au profit de la CCIT qui lui aurait permis de demander directement à l'Etat le remboursement des avances consenties ; que, par ailleurs, si l'article 2 de la convention de clôture de la concession de l'aérodrome conclue le 27 octobre 2010 entre la région Bretagne et la CCIT de Saint-Malo Fougères prévoit que la créance du concessionnaire sortant au titre des avances consenties avant le 1er janvier 2007 devra être présentée à l'Etat, une telle stipulation ne peut, par elle-même, créer d'obligations à l'égard de l'Etat, tiers à cette convention ; que, par suite, la CCIT de Saint-Malo Fougères n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 juin 2011, le tribunal administratif de Rennes a rejeté comme mal dirigée la demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à rembourser à la CCIT les avances consenties ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la CCIT de Saint-Malo Fougères de la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CCIT de Saint-Malo Fougères, le versement à l'Etat d'une somme de 4 500 euros, au titre de la procédure engagée devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Nantes, au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 11 avril 2013 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Saint-Malo Fougères devant la cour administrative d'appel de Nantes et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La chambre de commerce et d'industrie territoriale de Saint-Malo Fougères versera à l'Etat la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ainsi qu'à la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Saint-Malo Fougères.