Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Le président du conseil général du département de la Seine-Saint-Denis a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil d'ordonner l'expulsion, au besoin avec le concours de la force publique, de MM. U...L..., D...E..., K...S..., R...J..., H...O...et I...G...et W...MmesB...N..., P...T..., F...V...et A...Q..., ainsi que des autres occupants sans droit ni titre installés dans un immeuble anciennement occupé par un casernement de la gendarmerie nationale situé 2, rue Lakanal à Pantin (93 500).
Par une ordonnance n° 1311846 du 18 décembre 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, a enjoint à tous ces occupants d'évacuer sans délai les lieux, faute de quoi il pourrait être procédé à leur expulsion, au besoin avec le concours de la force publique.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un pourvoi enregistré le 27 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MM.L..., E..., S..., J..., O...etG..., et MmesN..., T..., V...et Q...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 18 décembre 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la demande du département de la Seine-Saint-Denis ;
3°) de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat de M. U...L..., de Mme B...N..., de M. D...E..., de M. K...S..., de M. R...J..., de M. H...O..., de Mme P...T..., de Mme F...V..., de Mme A...Q...et de M. I...G...et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du conseil général de Seine-Saint-Denis.
1. Considérant qu'il ressort des pièces soumises au juge des référés qu'à l'audience publique du 18 décembre 2013, ouverte à 15 heures, les requérants, qui, pour la plupart, avaient reçu les avis d'audience le 16 décembre, ont remis des attestations de dépôt de demande d'aide juridictionnelle déposées la veille de l'audience auprès du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Bobigny et, au motif que l'emploi du temps de l'avocat ayant accepté d'assurer leur défense n'était pas compatible avec celle de l'audience ainsi fixée, ont demandé le report de l'audience jusqu'à ce qu'il ait été statué sur celles-ci ; que la clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience à 15 heures 15 ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés a, à l'exception de MmeN..., admis d'office les requérants au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et rejeté cette demande de report d'audience ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celle de l'urgence " ; qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice peuvent bénéficier d'une aide juridictionnelle (...) " ; qu'aux termes de l'article 20 de cette même loi : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. L'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut également être accordée lorsque la procédure met en péril les conditions essentielles de vie de l'intéressé, notamment en cas d'exécution forcée emportant saisie de biens ou expulsion " ; qu'aux termes de l'article 25 de cette même loi : " Le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat et à celle de tous officiers publics ou ministériels dont la procédure requiert le concours. Les avocats et les officiers publics ou ministériels sont choisis par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle (...) " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 portant application de cette loi : " L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué " ; que les dispositions particulières régissant l'octroi de l'aide juridictionnelle ont pour objet de rendre effectif le principe à valeur constitutionnelle du droit d'exercer un recours ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et des termes de l'ordonnance attaquée que le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a prononcé d'office l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire des requérants, à l'exception de MmeN..., tout en regardant la demande de report d'audience comme dilatoire ; qu'il n'a ni reporté l'audience à une date compatible avec son office du juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, qui leur aurait permis de présenter utilement leurs arguments en défense, ni différé la clôture de l'instruction à une telle date, et, par suite, ne leur a pas assuré le bénéfice effectif du droit qu'ils tiraient de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il a, dès lors, entaché son ordonnance d'irrégularité ; que les requérants sont fondés à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent ;
4. Considérant qu'il y a lieu de régler cette affaire en référé en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 17 avril 2014, les requérants ont quitté l'immeuble qu'ils occupaient ; qu'ainsi, la demande d'expulsion présentée par le département est devenue sans objet ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par MM. M...et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 18 décembre 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil est annulée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande du département de la Seine-Saint-Denis.
Article 3 : Les conclusions présentées par MM. L...et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. U...L..., premier requérant dénommé, et au département de la Seine-Saint-Denis.