Vu la procédure suivante :
La société Keolis a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille l'annulation, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de la procédure de passation du contrat de délégation de service public du réseau de transport urbain du syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes.
Par une ordonnance n° 1409238 du 14 janvier 2015, le tribunal administratif de Lille a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 janvier, 13 février, 23 mars et 14 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par la société Keolis ;
3°) de mettre à la charge de la société Keolis le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Montrieux, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes, et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la société Keolis ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 de ce code : " I. Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. (...) " ; que, selon l'article L. 551-10 du même code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué (...) " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Lille que le syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes a engagé une procédure de publicité et de mise en concurrence en vue de la conclusion d'une convention de délégation de service public du réseau de transport urbain du valenciennois à compter du 1er janvier 2015 ; que le syndicat intercommunal, qui a retenu neuf critères de sélection des offres et choisi de faire connaître aux candidats que ces critères " seront retenus par ordre décroissant pour apprécier les propositions des candidats ", a décidé de retenir après négociation l'offre finale de la société RATP Développement ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Lille, saisi par la société Keolis, a annulé la procédure au motif que le principe d'égalité de traitement entre les candidats avait été méconnu, le syndicat intercommunal ayant finalement attribué la même valeur aux neuf critères ;
3. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'ordonnance attaquée que le juge des référés a recherché si le manquement dont se prévalait la société Keolis et sur lequel il s'est fondé pour annuler la procédure était, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapportait, susceptible de l'avoir lésée ou risquait de la léser ; que, par suite, le syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes n'est pas fondé à soutenir que le juge du référé aurait méconnu son office et commis ainsi une erreur de droit ; que, par ailleurs, l'ordonnance attaquée est, eu égard à l'argumentation développée par les parties, qui ne portait que sur la question de savoir si l'attribution de la même valeur aux neuf critères, alors qu'une hiérarchisation de ces critères avait été annoncée aux candidats, constituait un manquement susceptible d'avoir lésé la société Keolis, est suffisamment motivée ;
4. Considérant que si le syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes soutient que le juge des référés aurait, au point 15 des motifs de son ordonnance, commis une erreur de droit en refusant d'écarter des débats le rapport d'analyse des offres alors que la divulgation de ce document aurait été de nature à porter atteinte au secret des affaires, ce point 15 est relatif à la mise en oeuvre éventuelle des dispositions précitées de l'article L. 551-2 du code de justice administrative et ne se prononce pas sur cette question ; que, par suite, ce moyen est inopérant ;
5. Considérant toutefois que, compte tenu du manquement relevé qui se rapportait à la seule phase de choix entre les offres finales, après négociation avec les candidats, le juge des référés a commis une erreur de droit en annulant l'ensemble de la procédure ; que le syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes est en conséquence fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a annulé la procédure à un stade antérieur à la phase de choix entre les offres finales des candidats ;
6. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Keolis dans la mesure de l'annulation prononcée ;
7. Considérant que la société Keolis ne se prévalant d'aucun manquement antérieur à la phase de choix entre les offres finales, ses conclusions tendant à l'annulation de l'ensemble de la procédure ne peuvent qu'être rejetées ;
8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance du 14 janvier 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Lille est annulée en tant qu'elle a annulé la procédure de passation de la convention de délégation de service public du réseau de transport urbain du valenciennois à un stade antérieur à la phase de choix entre les offres finales présentées par les candidats, ainsi que son article 3.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi du syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes est rejeté.
Article 3 : La demande de la société Keolis devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille en tant qu'elle se rapporte à la phase de procédure antérieure au choix entre les offres finales présentées par les candidats et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes et à la société Keolis.