Vu la procédure suivante :
La société Batiroc Bretagne-Pays-de-Loire a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie, au titre des années 2009 et 2010, pour les bâtiments dont elle est propriétaire dans la commune de Roussay. Par jugement n° 1204605 du 6 mars 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai et 4 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Batiroc Bretagne-Pays-de-Loire demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Maryline Saleix, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Batiroc Bretagne Pays de La Loire ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Batiroc Bretagne-Pays-de-Loire est propriétaire à Roussay (Maine-et-Loire) de bâtiments qu'elle donne en location dans le cadre d'un contrat de crédit-bail à la société Hypharm ; que celle-ci y exploite un élevage de lapins par groupes séparés en fonction de leurs destinations, les uns à des fins de reproduction pour leur semence, les autres à des fins de consommation pour leur chair, les derniers pour leur sang, lequel est vendu à des laboratoires pharmaceutiques pour la production de sérum anti-thymocytaire ; que l'administration fiscale a assujetti la société Batiroc Bretagne-Pays-de-Loire à la taxe foncière sur les propriétés bâties à raison des locaux utilisés pour l'exercice de cette dernière activité ; qu'elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 6 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations ainsi mises à sa charge au titre des années 2009 et 2010 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : "Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : (...) 6° a. Les bâtiments qui servent aux exploitations rurales, tels que granges, écuries, greniers, caves, celliers, pressoirs et autres, destinés soit à loger les bestiaux des fermes et métairies ainsi que le gardien de ces bestiaux, soit à serrer les récoltes (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'exonération qu'elles prévoient s'applique aux bâtiments affectés à un usage agricole, c'est-à-dire à la réalisation d'opérations qui s'insèrent dans le cycle biologique de la production animale ou végétale ou qui constituent le prolongement de telles opérations ;
3. Considérant que, pour juger que la société requérante ne pouvait bénéficier de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties prévue par le 6° de l'article 1382 précité du code général des impôts à raison des bâtiments utilisés pour l'activité exercée par la société Hypharm, qui consiste à élever des lapins afin de prélever leur sang, le tribunal administratif a estimé que cette société, qui procédait sur les animaux à des injections de cellules thymiques humaines pour déclencher une réaction immunitaire, en prélevait le sang et les abattait, se livrait ainsi à des opérations qui ne peuvent être regardées comme ayant pour objet la croissance de l'animal ni comme s'inscrivant dans un cycle biologique de production animale ou végétale et que l'activité en cause ne pouvait par conséquent être regardée comme agricole ; que toutefois, en statuant ainsi, alors qu'il avait constaté qu'elle élevait des lapins, ce qui, quelle que fût la finalité de l'élevage, impliquait qu'elle réalisait des opérations qui s'insèrent dans le cycle biologique de développement des animaux, et donc le caractère agricole de son activité, sans que les traitements subis par ces animaux ou les opérations accessoires de centrifugation du sang obtenu avant sa vente aux laboratoires pharmaceutiques ne modifient la nature de son exploitation, le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de qualification juridique ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, la société Batiroc Bretagne-Pays-de-Loire est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Hypharm élève des lapins dans les locaux en litige jusqu'à leur abattage après saignées ; que ces locaux servent ainsi à la réalisation d'opérations qui s'insèrent dans le cycle biologique de l'élevage et doivent être regardés comme affectés à un usage agricole sans que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les traitements subis par les animaux élevés ou les opérations accessoires de centrifugation du sang obtenu avant sa vente aux laboratoires pharmaceutiques ne modifient la nature de cette activité ; que, par suite la société Batiroc Bretagne-Pays-de-Loire est fondée à solliciter la décharge des cotisations de taxe foncière à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3000 euros à verser à la société Batiroc Bretagne-Pays-de-Loire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 6 mars 2014 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La société Batiroc Bretagne-Pays-de-Loire est déchargée des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 pour les bâtiments qu'elle donne en location à la société Hypharm dans la commune de Roussay.
Article 3 : L'Etat versera à la société Batiroc Bretagne-Pays-de-Loire la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Batiroc Bretagne-Pays-de-Loire et au ministre des finances et des comptes publics.