Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du maire de la commune de Lorgues prononçant son licenciement et de condamner la commune à lui verser les sommes de 117 000 euros au titre des rémunérations qu'il aurait dû percevoir jusqu'au terme de son contrat, 900 euros au titre de l'indemnité de licenciement et 5 000 euros au titre du préjudice moral. Par un jugement n° 0900634 du 1er juillet 2010, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision de licenciement et condamné la commune de Lorgues à verser à M. B...la somme de 32 297 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de revenus.
Par un arrêt n° 10MA03374 du 7 mai 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la commune de Lorgues, réduit le montant des dommages et intérêts accordés à M. B...à la somme de 3 000 euros et rejeté le surplus des conclusions de la commune.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juillet et 7 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt, en tant qu'il a réduit le montant des dommages et intérêts qui lui sont alloués ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Lorgues la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la cour administrative d'appel a :
- omis d'indiquer les raisons pour lesquelles elle a fixé l'indemnité à la somme de 3 000 euros ;
- commis une erreur de droit en lui allouant la somme forfaitaire de 3 000 euros pour l'ensemble de la période au titre de laquelle la responsabilité de la commune était engagée, alors qu'elle a relevé qu'il avait produit des documents établissant le montant des indemnités qu'il avait perçues au titre de l'assurance chômage pour sept des dix-neuf mois concernés et qu'elle était donc en mesure de chiffrer précisément la perte de revenus qu'il avait subie au titre de cette période ;
- commis une erreur de droit en jugeant qu'il ne pouvait apporter la preuve de ses revenus de remplacement sans produire ses avis d'imposition.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2015, la commune de Lorgues conclut au rejet du pourvoi et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Esther de Moustier, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. B...et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Lorgues ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...a été recruté en qualité de collaborateur du cabinet du maire de la commune de Lorgues par un arrêté du 28 avril 2008 ; que, par un courrier du 20 octobre 2008, le maire de la commune a informé M. B... que son contrat de travail prendrait fin le 30 novembre 2008 ; que M. B...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler cette décision de licenciement et de condamner la commune de Lorgues à lui verser une indemnité au titre de différents préjudices qu'il alléguait ; que, par un jugement du 1er juillet 2010, le tribunal administratif a annulé la décision de licenciement de M. B...et condamné la commune de Lorgues à lui verser la somme de 32 297 euros, correspondant au préjudice lié à la perte de rémunération pendant une période de dix-neuf mois allant de la date d'effet du licenciement, le 1er décembre 2008, à la date du jugement ; que, sur appel de la commune de Lorgues, la cour administrative d'appel de Marseille, par un arrêt du 7 mai 2013 contre lequel M. B...se pourvoit en cassation, a ramené le montant de l'indemnité à la somme de 3 000 euros et rejeté le surplus des conclusions de la requête ;
2. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ;
3. Considérant que la cour a jugé que les premiers juges avaient retenu à bon droit le principe de l'indemnisation de l'intégralité de la perte de revenus subie par M.B... ; qu'en ce qui concerne l'évaluation des revenus que M. B...avait pu se procurer pendant les dix-neuf mois au titre desquels la responsabilité de la commune de Lorgues était engagée, la cour a relevé qu'alors que la commune contestait l'étendue du préjudice en litige et avait invité M. B... à produire ses avis d'imposition, il se bornait à produire à nouveau devant elle les justificatifs de son indemnisation au titre du chômage sans même soutenir ne pas avoir retrouvé un emploi au cours de la période concernée ;
4. Considérant que la cour, contrairement à ce que soutient M. B..., n'a pas jugé qu'il ne pouvait rapporter la preuve du niveau de ses revenus qu'en produisant ses avis d'imposition ; qu'elle a toutefois estimé qu'il n'apportait pas, en réponse à la contestation de la commune, les éléments permettant d'établir qu'il n'avait perçu, au cours de la période en cause, que les indemnités de chômage dont il faisait état ; que, dès lors, c'est sans erreur de droit qu'elle a, par un arrêt suffisamment motivé, limité le montant de l'indemnité accordée à M. B...à la somme de 3 000 euros acceptée par la commune ;
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Lorgues qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...le versement à la commune de Lorgues au même titre de la somme que celle-ci réclame au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Lorgues présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la commune de Lorgues.