Vu la procédure suivante :
Mme A...B...et M. C...B...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les deux arrêtés du 8 août 2013 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté leurs demandes de titre de séjour et assorti ces décisions d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par un jugement n° 1302828-1302829 du 11 février 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 14NC00961-14NC00962 du 11 décembre 2014 la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du tribunal administratif de Nancy.
Par un pourvoi enregistré le 11 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande des épouxB....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Iljic, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M. et Mme B...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et MmeB..., de nationalité arménienne, sont, selon leurs déclarations, entrés irrégulièrement sur le territoire français accompagnés de leur fille de quatre ans, le 11 février 2011 ; que, par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 septembre 2011, confirmées le 30 mars 2012 par la Cour nationale du droit d'asile, leur demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée ; que, par deux arrêtés du 8 août 2013, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté leurs demandes de titre de séjour, assorti ces décisions d'une obligation de quitter le territoire français et fixé le pays de destination ; que, saisi par M. et MmeB..., le tribunal administratif de Nancy a, par un jugement du 11 février 2014, rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés ; que le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 décembre 2014 par lequel la cour administrative de Nancy a annulé ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) " ;
3. Considérant que, dans le cas où un texte prévoit l'attribution d'un avantage sans avoir défini l'ensemble des conditions permettant de déterminer à qui l'attribuer parmi ceux qui sont en droit d'y prétendre, l'autorité compétente peut, alors qu'elle ne dispose pas en la matière du pouvoir réglementaire, encadrer l'action de l'administration, dans le but d'en assurer la cohérence, en déterminant, par la voie de lignes directrices, sans édicter aucune condition nouvelle, des critères permettant de mettre en oeuvre le texte en cause, sous réserve de motifs d'intérêt général conduisant à y déroger et de l'appréciation particulière de chaque situation ; que, dans ce cas, la personne en droit de prétendre à l'avantage en cause peut se prévaloir, devant le juge administratif, de telles lignes directrices si elles ont été publiées ; qu'en revanche, il en va autrement dans le cas où l'administration peut légalement accorder une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit ; que, s'il est loisible, dans ce dernier cas, à l'autorité compétente de définir des orientations générales pour l'octroi de ce type de mesures, l'intéressé ne saurait se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours formé devant le juge administratif ;
4. Considérant, s'agissant de la délivrance des titres de séjour, qu'il appartient au législateur, sous réserve des conventions internationales, de déterminer les conditions dans lesquelles les étrangers sont autorisés à séjourner sur le territoire national ; que, si les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d' asile régissant la délivrance des titres de séjour n'imposent pas au préfet, sauf disposition spéciale contraire, de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui ne remplit pas les conditions auxquelles est subordonné le droit d'obtenir ce titre, la faculté pour le préfet de prendre, à titre gracieux et exceptionnel, une mesure favorable à l'intéressé pour régulariser sa situation relève de son pouvoir d'appréciation de l'ensemble des circonstances de l'espèce ; qu'il est loisible au ministre de l'intérieur, chargé de mettre en oeuvre la politique du Gouvernement en matière d'immigration et d'asile, alors même qu'il ne dispose en la matière d'aucune compétence réglementaire, d'énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation ; que c'est toutefois au préfet qu'il revient, dans l'exercice du pouvoir dont il dispose, d'apprécier dans chaque cas particulier, compte tenu de l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de l'étranger, l'opportunité de prendre une mesure de régularisation favorable à l'intéressé ;
5. Considérant qu'en dehors des cas où il satisfait aux conditions fixées par la loi, ou par un engagement international, pour la délivrance d'un titre de séjour, un étranger ne saurait se prévaloir d'un droit à l'obtention d'un tel titre ; que, s'il peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que la décision du préfet, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ;
6. Considérant, par suite, qu'en jugeant, par l'arrêt attaqué, que les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituaient des lignes directrices dont M. et Mme B...pouvaient utilement se prévaloir devant le juge, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 11 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B...et au ministre de l'intérieur