Vu la procédure suivante :
La SA Nortel Networks a demandé au tribunal administratif de Montreuil de suspendre, en application de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales, le cours du délai d'établissement de l'imposition correspondant à la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle mise à sa charge au titre de l'année 2002. Par un jugement n° 0912456 du 21 juin 2011, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 11VE03124 du 4 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la SA Nortel Network contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 février et 5 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SA Nortel Networks demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention du 2 mai 1975 entre la République française et le Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la SA Nortel Networks ;
Considérant ce qui suit :
1. Avant de constater l'irrecevabilité, pour absence de réclamation préalable, des conclusions subsidiaires présentées devant elle par la SA Nortel Networks et tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002, la cour a examiné, pour les rejeter au fond, les moyens relatifs au plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée calculé en application de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, alors que ces moyens ne pouvaient être regardés comme présentés au soutien des conclusions principales de la SA Nortel Networks, qui demandait l'application de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales. La cour a ainsi entaché son arrêt d'une contradiction de motifs. La SA Nortel Networks est dès lors fondée à en demander l'annulation.
2. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales, dans sa version alors applicable : " Lorsqu'à la suite d'une proposition de rectification, une procédure amiable en vue d'éliminer la double imposition est ouverte sur le fondement d'une convention fiscale bilatérale ou de la convention européenne 90/436/CEE relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées du 23 juillet 1990, le cours du délai d'établissement de l'imposition correspondante est suspendu de la date d'ouverture de la procédure amiable au terme du troisième mois qui suit la date de la notification au contribuable de l'accord ou du constat de désaccord intervenu entre les autorités compétentes ". Sur le fondement de ces dispositions, la SA Nortel Networks a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la suspension du cours du délai d'établissement de l'imposition correspondant à la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle mise à sa charge au titre de l'année 2002.
4. Toutefois, le 3 de l'article 2 de la convention fiscale franco-canadienne du 2 mai 1975 stipule que " les impôts auxquels s'applique la convention sont : / (...) / b) En ce qui concerne la France, l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le revenu, la taxe sur les salaires (...), l'impôt de solidarité sur la fortune, et toute retenue à la source, tout précompte ou avance décomptés sur ces impôts ". Il résulte de ces stipulations que la taxe professionnelle n'entre pas dans le champ d'application de la convention fiscale franco-canadienne du 2 mai 1975. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, la SA Nortel Networks n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la suspension, sur le fondement de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales, du cours du délai d'établissement de l'imposition correspondant à la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle mise à sa charge au titre de l'année 2002.
5. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition ". Il résulte de l'instruction que la SA Nortel Networks n'a pas formé de réclamation préalable aux fins de décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002 et qu'elle n'établit pas que l'avis de mise en recouvrement de cette cotisation ne comportait pas la mention du caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, de la réclamation préalable. En outre, si l'administration fiscale a défendu au fond devant le tribunal administratif, cette défense n'a pas eu pour effet de remédier à l'irrecevabilité dont les conclusions de la SA Nortel Networks était entachées.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni de statuer sur la demande d'expertise, que la SA Nortel Networks n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge de cette cotisation supplémentaire de taxe professionnelle.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 4 décembre 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la SA Nortel Networks devant la cour administrative d'appel de Versailles ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SA Nortel Networks et au ministre des finances et des comptes publics.