Vu la procédure suivante :
Madame B...A...a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à ce que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) répare les préjudices résultant de sa vaccination contre l'hépatite B. Par un jugement n° 0702274 du 30 août 2011, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Par un arrêt avant dire droit n° 11NT02844 du 21 février 2013, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement, accordé à Mme A...une provision de 15 000 euros et désigné un expert pour évaluer les préjudices.
Par un arrêt du 4 décembre 2014, également rendu sous le n° 11NT02844, la cour administrative d'appel de Nantes a condamné l'ONIAM au paiement d'une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices subis et rejeté le surplus des conclusions de l'appel de MmeA....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 février et 28 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 4 décembre 2014 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit aux conclusions qu'elle a présentées devant la cour administrative d'appel de Nantes ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dominique Chelle, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme A...et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'ONIAM ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeA..., qui a été soumise en raison de son activité professionnelle à une vaccination obligatoire contre l'hépatite B en mai 1994 avec des rappels les 13 juin et 18 juillet 1994 et le 3 février 1995, a présenté à partir du mois de juillet 1994 des troubles caractérisés notamment par des douleurs musculaires et une fatigue généralisée ; que, imputant ces troubles à la vaccination contre l'hépatite B, elle a saisi l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une demande d'indemnisation dans le cadre de la procédure amiable prévue à l'article L. 3111-9 du code de la santé publique ; que l'ONIAM a rejeté cette demande par une décision du 5 avril 2007 ; que, par un jugement du 30 août 2011, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le recours indemnitaire présenté contre l'ONIAM par l'intéressée ; que, par un arrêt avant dire droit du 21 février 2013, la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur l'appel formé par Mme A..., a annulé ce jugement, condamné l'ONIAM à lui verser une provision de 15 000 euros et désigné un expert pour procéder à une évaluation complémentaire des préjudices subis ; que, la cour a, par un nouvel arrêt du 4 décembre 2014 contre lequel Mme A... se pourvoit en cassation, fixé à 15 000 euros la somme mise définitivement à la charge de l'ONIAM et en a déduit, compte tenu de la provision déjà versée, que l'office n'était redevable envers l'intéressée d'aucun supplément d'indemnité ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est supportée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale. / (...) " ;
3. Considérant qu'au point 6 de son arrêt avant-dire droit du 21 février 2013, devenu définitif, la cour administrative d'appel a regardé comme établi que Mme A... présentait, " outre des lésions musculaires de myofasciite à macrophages à l'emplacement des injections vaccinales, l'ensemble des symptômes associés à l'affection du même nom ", à savoir une combinaison " de douleurs musculaires et articulaires, d'asthénie avec retentissement neuropsychique et de syndrome dépressif sévère " ; que la cour a constaté que ces symptômes avaient commencé à apparaître de façon modérée immédiatement après la vaccination contre l'hépatite B, alors que l'intéressée ne présentait pas d'antécédents de cette pathologie, puis s'étaient développés dans un délai normal eu égard au délai d'apparition des premiers signes de la maladie ; que, relevant qu'il n'était pas soutenu que les lésions et les symptômes qui y sont associés pourraient résulter d'une autre cause que la vaccination, la cour en a déduit que " le lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B subie par Mme A... dans le cadre de l'obligation vaccinale liée à son activité professionnelle et la myofasciite à macrophages dont elle souffre doit être regardé comme établi et de nature à ouvrir droit à réparation à son profit au titre de la solidarité nationale " ; qu'au point 7 du même arrêt, la cour a relevé que, " selon les termes du rapport d'expertise du 21 décembre 2006, non contestés sur ces points, Mme A...reste atteinte, du fait de la myofasciite à macrophages dont elle souffre, d'un déficit fonctionnel permanent global évalué à 33 %, qu'elle a subi une incapacité de travail totale entre le 1er février 2001 et le 1er mars 2003 et que les souffrances endurées peuvent être évaluées à 4 sur une échelle de 1 à 7 " ; qu'elle a, en conséquence, condamné l'ONIAM à verser à Mme A... une provision de 15 000 euros ; que, relevant que Mme A... faisait également état de frais futurs de santé et d'appareillage, d'un préjudice professionnel, d'un préjudice esthétique, d'un préjudice d'agrément et d'un préjudice sexuel, tous préjudices sur lesquels l'expert de l'ONIAM ne s'était pas prononcé, la cour a ordonné une expertise afin d'évaluer l'étendue et la nature des préjudices subis par Mme A...du fait de la myofasciite à macrophages, en lien avec la vaccination ;
4. Considérant qu'ayant ainsi reconnu dans son arrêt du 21 février 2013 l'existence d'un lien direct et certain entre la vaccination et un ensemble de troubles ayant entraîné un déficit fonctionnel permanent global évalué à 33 %, une incapacité de travail totale entre le 1er février 2001 et le 1er mars 2003 ainsi que des souffrances évaluées à 4 sur une échelle de 7, la cour ne pouvait, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, retenir dans l'arrêt attaqué du 4 décembre 2014, au vu de rapports d'expertise mettant en doute l'existence d'un lien entre les troubles présentés par l'intéressée et la vaccination, que celle-ci avait eu pour seules conséquences, outre des souffrances évaluées à 5 000 euros, des " troubles dans les conditions d'existence liés notamment aux interrogations de la requérante sur les causes de ses pathologies " évaluées à 10 000 euros ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A...est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 4 décembre 2014 ;
5. Considérant qu'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à Mme A...de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par l'ONIAM ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 4 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'ONIAM versera à Mme A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'ONIAM tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan.
Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.