Vu la procédure suivante :
La commune d'Orléans, à l'appui de sa requête d'appel tendant à l'annulation du jugement n°s 1302887, 1302905 du 10 février 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a, à la demande des sociétés Gaz réseau distribution France (GRDF) et Electricité réseau distribution France (ERDF), annulé l'article 42 et le troisième alinéa de l'article 86 du règlement de voirie de la commune d'Orléans, la délibération du 12 avril 2013 du conseil municipal de la commune d'Orléans en tant qu'elle approuve ces dispositions, a produit un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 30 mars 2016 et le 17 mai 2016 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lesquels elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance n° 15NT01184 du 24 juin 2016, enregistrée le 28 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes, avant qu'il soit statué sur la requête d'appel de la commune d'Orléans, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des alinéas 2, 4 et 7 de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière.
Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise, la commune d'Orléans soutient que les alinéas 2, 4 et 7 de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière, applicables au litige, méconnaissent le droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et le principe de libre administration des collectivités territoriales posé par l'article 72 de la Constitution.
Par un mémoire, enregistré le 25 juillet 2016, la société Gaz réseau distribution France (GRDF) soutient, d'une part, que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux et conclut, d'autre part, à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Orléans au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Par deux mémoires, enregistrés les 9 et 11 août 2016, la société Electricité réseau distribution France (ERDF), devenue Enedis, soutient, d'une part, que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux et conclut, d'autre part, à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Orléans au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Par un mémoire, enregistré le 13 juillet 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.
La question prioritaire de constitutionnalité a été communiquée au Premier ministre, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- l'article L. 115-1 du code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Grégory Rzepski, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune d'Orléans, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la société GRDF et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la société ERDF ;
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant que par une ordonnance du 24 juin 2016, le président de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a décidé, avant qu'il soit statué sur l'appel que la commune d'Orléans a formé contre le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 10 février 2015 annulant les articles 42 et le troisième alinéa de l'article 86 du règlement municipal de voirie de cette commune, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des alinéas 2, 4 et 7 de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière posée par la commune d'Orléans ; qu'il y a donc lieu, pour le Conseil d'Etat, de se prononcer sur le renvoi de cette question au Conseil constitutionnel ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière : " A l'intérieur des agglomérations, le maire assure la coordination des travaux affectant le sol et le sous-sol des voies publiques et de leurs dépendances, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat sur les routes à grande circulation. / Les propriétaires, affectataires ou utilisateurs de ces voies, les permissionnaires, concessionnaires et occupants de droit communiquent périodiquement au maire le programme des travaux qu'ils envisagent de réaliser ainsi que le calendrier de leur exécution. Le maire porte à leur connaissance les projets de réfection des voies communales. Il établit, à sa diligence, le calendrier des travaux dans l'ensemble de l'agglomération et le notifie aux services concernés. Le refus d'inscription fait l'objet d'une décision motivée, sauf lorsque le revêtement de la voie, de la chaussée et des trottoirs n'a pas atteint trois ans d'âge. / Lorsque les travaux sont inscrits à ce calendrier, ils sont entrepris à la date ou au cours de la période à laquelle ils sont prévus sous réserve des autorisations légalement requises. / Pour les travaux en agglomération qui n'ont pas fait l'objet de la procédure de coordination prévue ci-dessus, soit parce qu'ils n'étaient pas prévisibles au moment de l'élaboration du calendrier, soit parce que celui-ci n'a pas été établi, le maire, saisi d'une demande, indique au service demandeur la période pendant laquelle les travaux peuvent être exécutés. Le report par rapport à la date demandée doit être motivé. A défaut de décision expresse dans le délai de deux mois qui suit le dépôt de la demande, les travaux peuvent être exécutés à la date indiquée dans cette demande. / Le maire peut ordonner la suspension des travaux qui n'auraient pas fait l'objet des procédures de coordination définies aux alinéas précédents. / En cas d'urgence avérée, les travaux mentionnés ci-dessus peuvent être entrepris sans délai. Le maire est tenu informé dans les vingt-quatre heures des motifs de cette intervention. / Le représentant de l'Etat peut, lorsque l'intérêt général le justifie ou en cas d'urgence ou de nécessité publique, permettre l'exécution, à une date déterminée, des travaux sur les voies publiques en agglomération qui auraient fait l'objet d'un refus d'inscription au calendrier visé au deuxième alinéa, d'un report visé au quatrième alinéa ou d'une suspension visée au cinquième alinéa du présent article. / Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat " ;
4. Considérant que les dispositions contestées de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière, en premier lieu, imposent ainsi aux maires de motiver le refus d'inscription au calendrier des travaux, sauf lorsque le revêtement de la voie n'a pas atteint trois ans d'âge, ou, en l'absence d'une procédure de coordination préalable, de motiver le report par rapport à la date demandée, en deuxième lieu, autorisent l'exécution à la date demandée à défaut de décision expresse dans le délai de deux mois qui suit le dépôt de la demande et, en troisième lieu, prévoient que le représentant de l'Etat peut passer outre la décision du maire de refuser ou de reporter la tenue de travaux, pour un motif d'intérêt général ou en cas d'urgence ; que ces dispositions ne sauraient être regardées comme privant les communes du droit de propriété que l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 garantit à l'ensemble des personnes publiques ; que si elles apportent des limitations au droit que les collectivités territoriales ont de disposer de leurs biens, elles répondent à la nécessité de concilier ce droit avec l'objectif d'intérêt général tenant à ce que les propriétaires, affectataires ou utilisateurs des voies en cause, et notamment les concessionnaires des réseaux de transport et de distribution d'électricité et de gaz, ne subissent pas des contraintes excessives dans l'exercice de leur activité ; que de telles atteintes, qui n'ont pas un caractère disproportionné, satisfont aux exigences constitutionnelles qui découlent de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
5. Considérant qu'eu égard à l'objectif d'intérêt général, précédemment rappelé, qu'elles visent à satisfaire ainsi qu'à leur portée limitée, les dispositions contestées ne peuvent pas davantage être regardées comme portant une atteinte disproportionnée à la libre administration des collectivités territoriales ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la question de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
7. Considérant que si, aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ", la présente décision se borne à statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; qu'en conséquence, les conclusions présentées par les sociétés GRDF et Enedis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être portées que devant le juge saisi du litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée ; que, par suite, elles sont irrecevables au stade de la décision statuant sur la seule demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 2 : Les conclusions des sociétés GRDF et Enedis présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Orléans ainsi qu'aux sociétés Enedis et Gaz réseau distribution France.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, au ministre de l'intérieur, au ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales ainsi qu'à la cour administrative d'appel de Nantes.