Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 26 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 16 juillet 1980 en tant qu'il l'a libéré de ses liens d'allégeance à l'égard de la France ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de la nationalité française ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 91 du code de la nationalité française, en vigueur à la date du décret contesté : " Perd la nationalité française, le Français même mineur, qui, ayant une nationalité étrangère, est autorisé, sur sa demande, par le Gouvernement français, à perdre la qualité de Français. / Cette autorisation est accordée par décret. / Le mineur doit, le cas échéant, être autorisé ou représenté dans les conditions prévues aux articles 53 et 54 " ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 53 et 54 du même code que, pour un mineur jusqu'à seize ans, la demande est présentée, au nom de ce dernier, par la ou les personnes exerçant à son égard l'autorité parentale ; que, selon l'article 372 du code civil, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué : " Pendant le mariage, les père et mère exercent en commun leur autorité " ; qu'aux termes de l'article 373 du même code : " Perd l'exercice de l'autorité parentale ou en est provisoirement privé celui des père et mère qui se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° S'il est hors d'état de manifester sa volonté, en raison de son incapacité, de son absence, de son éloignement ou de toute autre cause (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, à la date du décret contesté, la faculté ouverte à un mineur jusqu'à seize ans d'être autorisé par décret à perdre la qualité de Français ne peut résulter que de la demande de ses deux parents s'ils sont mariés et titulaires de l'autorité parentale ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...B...a demandé en 1980 au ministre chargé des naturalisations de le libérer de ses liens d'allégeance avec la France, de même que sa fille Mme A...B..., née le 27 février 1972, en application de l'article 91 du code de la nationalité française ; qu'il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier que la mère de l'intéressée aurait signé la demande et donné son accord avant que n'intervienne le décret libérant Mme A...B...de ses liens d'allégeance avec la France ; qu'aucun élément versé au dossier ne permet par ailleurs d'établir que la mère de l'intéressée aurait été privée à la date du décret attaqué, de l'autorité parentale dont elle était également investie en vertu de l'article 372 du code civil ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...B...est fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 16 juillet 1980 en tant qu'il l'a libérée de ses liens d'allégeance envers la France ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le décret du 16 juillet 1980 est annulé en tant qu'il porte libération des liens d'allégeance de Mme A...B...envers la France.
Article 2 : L'Etat versera à Mme B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.