Vu la procédure suivante :
Mme A... C...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance Publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) à réparer les préjudices résultant de la mastectomie droite qu'elle a subis le 13 juillet 2006 au groupe hospitalier de La Pitié-Salpêtrière. Par un jugement n° 0807554 du 16 décembre 2010, le tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 11PA01012 du 1er juillet 2014, la cour administrative d'appel de Paris a, sur la requête de MmeB..., annulé ce jugement, condamné l'AP-HP à verser une somme de 51 763,40 euros à Mme B...et une somme de 10 670,33 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et rejeté les conclusions de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF) tendant au remboursement de ses débours.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 septembre 2014, 3 décembre 2014 et 12 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CRAMIF demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à ce que les sommes qu'elle a versées à Mme B...au titre d'une pension d'invalidité, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion prévue au neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, soient mises à la charge de l'AP-HP ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ces conclusions ;
3°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Bobo, auditeur,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la CRAMIF, à la SCP Didier, Pinet, avocat de l'AP-HP de Paris et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'ONIAM.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeB..., qui a subi le 12 juillet 2006 à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière une intervention chirurgicale au cours de laquelle il a été procédé à l'ablation de son sein droit en raison d'une suspicion de cancer, a recherché la responsabilité de l'Assistance Publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) en soutenant que cette mastectomie n'était pas médicalement justifiée ; que par un arrêt du 1er juillet 2014, la cour administrative d'appel de Paris a retenu l'existence d'une faute des médecins, condamné l'AP-HP à verser une somme de 51 763,40 euros à Mme B...et une somme de 10 670,33 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris mais rejeté les conclusions de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF) tendant au remboursement de sommes versées à Mme B...au titre d'une pension d'invalidité et au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue au neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; que la CRAMIF demande que cet arrêt soit annulé en tant qu'il rejette ses conclusions ;
2. Considérant, d'une part, qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale : " L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme " ; qu'eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité ; que, dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...a continué jusqu'en juin 2011 d'exercer la profession de nourrice agréée qui était la sienne avant l'intervention chirurgicale pratiquée le 12 juillet 2006 ; qu'elle a ensuite cessé toute activité professionnelle et a perçu une pension d'invalidité à compter du 31 octobre 2011 ; que, pour juger que cette cessation d'activité n'était pas en lien direct avec la mastectomie pratiquée cinq années auparavant, la cour administrative d'appel a relevé que, selon les experts, l'état de santé de Mme B...ne faisait pas obstacle à l'exercice d'une activité professionnelle à condition qu'elle n'impose pas d'effort du bras ni de port de charges et que l'intéressée n'établissait ni même n'alléguait être dans l'incapacité de trouver une activité professionnelle compatible avec son handicap ; qu'elle en a déduit que la faute commise par les médecins n'avait pas entraîné de pertes de revenus professionnels ; que, dès lors que la cour estimait que l'incapacité professionnelle alléguée n'était pas établie, elle n'avait pas à rechercher si, comme le soutenait la CRAMIF qui demandait le remboursement du quart du montant de la pension versée, cette incapacité était pour partie imputable aux séquelles de la mastectomie ; que c'est par une motivation suffisante, sans dénaturer les pièces du dossier et sans commettre d'erreur de droit qu'elle a nié l'existence de pertes de revenus sur lesquelles les sommes versées au titre de la pension d'invalidité auraient pu s'imputer ;
5. Considérant, en second lieu, que la cour, estimant que l'impossibilité de porter des charges avait empêché Mme B...de développer son activité professionnelle de nourrice agréée et de bénéficier d'un agrément pour accueillir un ou deux enfants supplémentaires, a, en revanche, admis l'existence d'une incidence professionnelle qu'elle a évaluée à 10 000 euros ; que la CRAMIF soutient qu'elle a commis une erreur de droit en accordant cette somme à l'intéressée, alors qu'en l'absence de pertes de revenus les sommes versées au titre d'une pension d'invalidité s'imputent sur l'incidence professionnelle du dommage corporel ; que, toutefois, en l'espèce, la pension d'invalidité, servie à l'intéressée à compter du 31 octobre 2011, avait pour objet de réparer les conséquences d'une invalidité apparue à cette date, alors que l'incidence professionnelle reconnue par la cour avait été subie pendant la période comprise entre juillet 2006 et juin 2011 au cours de laquelle Mme B...avait continué d'exercer comme nourrice agréée ; qu'en s'abstenant d'imputer les sommes versées au titre de la pension d'invalidité sur un poste de préjudice que cette prestation, eu égard à sa période de versement, n'avait pas pour objet de réparer, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
6. Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la pension d'invalidité a pour objet de réparer les conséquences professionnelles de l'invalidité, et non les préjudices personnels qu'elle entraîne ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en n'imputant pas la pension d'invalidité sur l'indemnité de 25 000 euros qu'elle a mise à la charge de l'AP-HP au titre du déficit fonctionnel permanent résultant de la mastectomie ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CRAMIF n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 1er juillet 2014 en tant qu'il rejette sa demande tendant à ce qu'une partie des sommes qu'elle a versées à Mme B...au titre d'une pension d'invalidité soit mise à la charge de l'AP-HP et, par voie de conséquence, sa demande de versement de l'indemnité forfaitaire de gestion ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ne peuvent, par suite, être accueillies ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à sa charge le versement à l'AP-HP d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la CRAMIF est rejeté.
Article 2 : La CRAMIF versera à l'AP-HP une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France et à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.
Copie en sera adressée pour information à Mme A...C...épouseB....