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10/03/2017 | FRANCE | N°399946

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 10 mars 2017, 399946


Vu la procédure suivante :

Mme B...C...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'ordonner une expertise et, à titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (APHM) solidairement ou l'un à défaut de l'autre à lui payer une provision de 80 000 euros. Par un jugement n° 1104091 du 26 mai 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°14MA0336

3 du 17 mars 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appe...

Vu la procédure suivante :

Mme B...C...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'ordonner une expertise et, à titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (APHM) solidairement ou l'un à défaut de l'autre à lui payer une provision de 80 000 euros. Par un jugement n° 1104091 du 26 mai 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°14MA03363 du 17 mars 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de Mme C..., annulé ce jugement, condamné l'APHM et l'ONIAM à lui verser chacun la somme de 6 500 euros à titre provisionnel et décidé qu'il serait procédé à une expertise médicale sur les séquelles de l'intervention qu'elle a subie le 4 février 2009.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 mai et 22 août 2016 et 24 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ONIAM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme C... ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'ONIAM, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme C... et à Me Le Prado, avocat de l'APHM et de la SHAM.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C..., souffrant de troubles visuels à l'oeil droit depuis l'année 2007, a subi le 4 février 2009 une opération chirurgicale au sein du service de neurochirurgie de l'hôpital de la Timone à Marseille, en raison d'un hémangiome du sommet de l'orbite droite ; qu'elle a présenté dans les suites immédiates de l'opération une cécité complète de l'oeil droit, un ptosis, une immobilité oculaire ainsi qu'une paralysie complète du muscle des nerfs occulomoteurs ; que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 mars 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 26 mai 2014 du tribunal administratif de Marseille rejetant la demande d'expertise et d'indemnisation de Mme C..., a condamné d'une part l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (APHM) au titre d'un manquement à son devoir d'information et d'autre part l'ONIAM au titre de la prise en charge par la solidarité nationale des accidents médicaux non fautifs à lui verser chacun la somme de 6 500 euros à titre provisionnel et a décidé qu'il serait procédé à une expertise médicale pour déterminer l'étendue des préjudices de MmeC... ; que l'APHM et la SHAM demandent, par la voie du pourvoi incident, l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a condamné l'APHM ;

Sur le pourvoi principal :

2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I (...) n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret (... ) " ; que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage ;

3. Considérant que pour regarder le critère tenant à l'anormalité du dommage comme rempli dans le cas de MmeC..., la cour, après avoir relevé que les séquelles en lien avec l'intervention étaient notablement plus graves que les troubles liés à son état initial, s'est fondée sur ce qu'il ne résultait pas de l'instruction qu'en l'absence de traitement, la tumeur aurait " inévitablement et de manière certaine " entraîné une cécité ni que son évolution se serait accompagnée d'une paralysie oculomotrice et d'une déformation du creux temporal ; qu'en s'attachant ainsi à comparer les conséquences de l'acte médical avec l'évolution inévitable et certaine de la pathologie de l'intéressée en l'absence de traitement, alors qu'il lui incombait de comparer ces conséquences avec celles qui étaient suffisamment probables en l'absence de traitement, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, son arrêt doit être annulé en tant qu'il a statué sur la prise en charge au titre de la solidarité nationale des conséquences de l'intervention subie par MmeC... ;

Sur le pourvoi incident :

4. Considérant que les condamnations que l'arrêt attaqué prononce à l'encontre de l'APHM et de la SHAM d'une part, de l'ONIAM d'autre part, reposent sur des fondements juridiques différents et concernent des préjudices distincts ; que le pourvoi formé par l'ONIAM contre l'arrêt attaqué n'est susceptible d'exercer aucune influence sur le principe ou le montant de l'indemnisation mise à la charge de l'APHM et de la SHAM ; que le pourvoi incident soulève ainsi un litige distinct de celui qui fait l'objet du pourvoi principal ; que ces conclusions, qui ont été présentées après expiration du délai dans lequel l'APHM et la SHAM pouvaient se pourvoir en cassation contre l'arrêt attaqué sont, par suite, irrecevables et doivent être rejetées ;

5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C...la somme que l'ONIAM demande en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu de mettre à la charge solidairement de l'APHM et de la SHAM une somme de 2 000 euros à verser à MmeC..., au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 17 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il a statué sur la prise en charge par l'ONIAM des conséquences de l'intervention Mme C... au titre de la solidarité nationale.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Les conclusions de l'APHM et de la SHAM sont rejetées.

Article 4 : L'APHM et la SHAM verseront solidairement à Mme C...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de l'ONIAM et les conclusions de Mme C...tendant à ce que l'ONIAM lui verse une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme B... C...épouseA..., à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, à la SHAM et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 399946
Date de la décision : 10/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 mar. 2017, n° 399946
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain Seban
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET ; LE PRADO ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 21/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:399946.20170310
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