Vu la procédure suivante :
1° Sous le n° 400682, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 juin 2016 et 3 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association France nature environnement demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2016-488 du 21 avril 2016 relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 400703, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 et 22 juin 2016 et le 3 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association pour une taxation des transactions financières et l'action citoyenne, la Confédération paysanne et l'Union syndicale Solidaires demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2016-488 du 21 avril 2016 relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code de l'environnement ;
- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;
- la loi n° 2002-285 du 28 février 2002 autorisant l'approbation de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement faite à Aarhus le 25 juin 1998, ensemble le décret n° 2002-1187 du 12 septembre 2002 ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, notamment son article 106 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
1. Considérant que les requêtes de l'association France nature environnement, d'une part, et l'Association pour une taxation des transactions financières et l'action citoyenne, la Confédération paysanne et l'Union syndicale Solidaires, d'autre part, sont dirigées contre la même ordonnance ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-20 du code de l'environnement, issu, comme les autres dispositions citées au présent point, de l'ordonnance attaquée : " L'Etat peut consulter les électeurs d'une aire territoriale déterminée afin de recueillir leur avis sur un projet d'infrastructure ou d'équipement susceptible d'avoir une incidence sur l'environnement dont la réalisation est subordonnée à la délivrance d'une autorisation relevant de sa compétence, y compris après une déclaration d'utilité publique " ; qu'aux termes de l'article L. 123-23 du même code : " La consultation est décidée par un décret qui en indique l'objet, la date ainsi que le périmètre, qui définit la question posée et qui convoque les électeurs. Il est publié au plus tard deux mois avant la date de la consultation. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 123-26: " Un dossier d'information sur le projet qui fait l'objet de la consultation est élaboré par la Commission nationale du débat public. (...) / Le dossier est mis en ligne sur le site de la Commission nationale du débat public au moins quinze jours avant la date fixée pour la consultation. Les maires mettent à la disposition des électeurs un point d'accès à internet qui permet d'en prendre connaissance " ; qu'aux termes de l'article L. 123-27 : " Une lettre d'information relative à l'organisation de la consultation accompagnée de deux bulletins de vote est adressée par l'Etat à chaque électeur au plus tard le troisième jeudi précédant la consultation " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention pour l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 : " 2. Lorsqu'un processus décisionnel touchant l'environnement est engagé, le public concerné est informé comme il convient, de manière efficace et en temps voulu, par un avis au public ou individuellement, selon le cas, au début du processus. (...) / 3. Pour les différentes étapes de la procédure de participation du public, il est prévu des délais raisonnables laissant assez de temps pour informer le public conformément au paragraphe 2 ci-dessus et pour que le public se prépare et participe effectivement aux travaux tout au long du processus décisionnel en matière d'environnement " ; qu'aux termes de l'article 6 de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et prives sur l'environnement, dans sa version applicable à la date de l'ordonnance attaquée : " 3. Les États membres veillent à ce que soient mis, dans des délais raisonnables, à la disposition du public concerné : / a) toute information recueillie en vertu de l'article 5 ; / b) conformément à la législation nationale, les principaux rapports et avis adressés à l'autorité ou aux autorités compétentes au moment où le public concerné est informé conformément au paragraphe 2 du présent article ; / c) conformément à la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, les informations autres que celles visées au paragraphe 2 du présent article qui sont pertinentes pour la décision en vertu de l'article 8 de la présente directive et qui ne deviennent disponibles qu'après que le public concerné a été informé conformément au paragraphe 2 du présent article. / 4. À un stade précoce de la procédure, le public concerné se voit donner des possibilités effectives de participer au processus décisionnel en matière d'environnement visé à l'article 2, paragraphe 2, et, à cet effet, il est habilité à adresser des observations et des avis, lorsque toutes les options sont envisageables, à l'autorité ou aux autorités compétentes avant que la décision concernant la demande d'autorisation ne soit prise. / (...) 6. Des délais raisonnables sont prévus à chacune des différentes étapes afin de laisser suffisamment de temps pour informer le public et permettre au public concerné de se préparer et de participer effectivement à la prise de décision en matière d'environnement en vertu des dispositions du présent article " ;
4. Considérant qu'il est soutenu que les dispositions citées au point 2 méconnaissent les stipulations et dispositions citées au point précédent, en ce qu'elles prévoient des délais insuffisants pour permettre au public d'être informé de façon satisfaisante sur les projets sur lesquels une consultation est organisée sur le fondement de l'article L. 123-20 du code de l'environnement ; que, toutefois, les délais prévus par les articles L. 123-26 et L. 123-27 du même code sont raisonnables, au sens de ces stipulations et dispositions, et suffisants pour assurer une information satisfaisante des électeurs appelés à participer à la consultation ; qu'eu égard à la circonstance que la consultation peut être organisée, y compris après la déclaration d'utilité publique du projet d'infrastructure ou d'équipement, pour permettre à l'Etat de confirmer son choix et de décider de mettre en oeuvre son projet ou d'y renoncer, ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences posées par le 2 de l'article 6 de la convention citée ci-dessus, relatif à l'information du public en temps voulu au début du processus et par le 4 de l'article 6 de la directive également citée ci-dessus, relatif à la possibilité effective de participation du public au processus décisionnel à un stade précoce de la procédure ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que l'ordonnance attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 6 de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 et les dispositions de l'article 6 de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ne peuvent, sans qu'il soit besoin d'adresser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne sur la portée des articles 2 et 6 de cette directive, qu'être écartés ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association France nature environnement, d'une part, l'Association pour une taxation des transactions financières et l'action citoyenne, la Confédération paysanne et l'Union syndicale Solidaires, d'autre part, ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de l'association France nature environnement et de l'Association pour une taxation des transactions financières et l'action citoyenne et autres sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association France nature environnement, à l'Association pour une taxation des transactions financières et l'action citoyenne, au Premier ministre, à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.