Vu la procédure suivante :
La SCEA La Lucate a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge de la taxe exceptionnelle sur le montant de la réserve spéciale des plus-values à long terme, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007. Par un jugement n° 1003250 du 13 novembre 2012, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 13BX00100 du 16 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et accordé à la SCEA La Lucate la décharge qu'elle sollicitait.
Par un pourvoi, enregistré le 16 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par la SCEA La Lucate.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Anfruns, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la SCEA La Lucate ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCEA La Lucate a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er décembre 2004 au 30 novembre 2005. A l'issue de ce contrôle, elle a été assujettie à la taxe exceptionnelle sur la réserve spéciale des plus-values à long terme instituée par le IV de l'article 39 de la loi de finances rectificative pour 2004, mise en recouvrement le 28 novembre 2009 pour un montant total, en droits et pénalités, de 40 224 euros. Le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 décembre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la SCEA La Lucate, annulé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande de décharge des impositions en litige et accordé la décharge sollicitée.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes de l'article L. 189 du même code : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ".
3. Eu égard à l'objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise, la date d'interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable. Il en va de même lorsque le pli n'a pu lui être remis lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il l'a retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la proposition de rectification en date du 17 décembre 2008 a été adressée, par pli recommandé avec demande d'avis de réception, au siège social de la SCEA La Lucate, le 20 décembre 2008. En l'absence du représentant de la société, un avis de mise en instance du pli au bureau de poste dont elle relevait a été déposé à son adresse qui indiquait que le pli pouvait être retiré à compter du 23 décembre. Les services postaux ont toutefois retourné le pli à l'administration fiscale dès le 5 janvier 2009, en méconnaissance du délai de quinze jours prévu par la réglementation en vigueur du service des postes, si bien que le gérant de la SCEA La Lucate, qui s'est présenté le 6 janvier 2009 au bureau de poste, n'a pas été mis à même de procéder au retrait de ce pli. A la suite d'un nouvel envoi recommandé, la société en a accusé réception le 16 janvier 2009.
5. Il résulte de ce qui est dit au point 3 ci-dessus que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que, compte tenu du caractère substantiel que revêtait la méconnaissance de la réglementation postale, la proposition de rectification devait être regardée comme ayant été notifiée à la société, non à la date de présentation du pli, mais à la date à laquelle la société en a accusé réception. Le ministre est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la prescription a été interrompue par la présentation du pli contenant la proposition de rectification au siège social de la SCEA La Lucate le 20 décembre 2008, soit avant le 31 décembre 2008, terme du délai prévu par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Dès lors la SCEA La Lucate n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe exceptionnelle sur le montant de la réserve spéciale des plus-values à long terme, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la SCEA La Lucate devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action des comptes publics et à la SCEA La Lucate.