Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 22 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Me A...B...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 2 du décret n° 2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice, en tant qu'il crée l'article R. 444-9 du code de commerce, ainsi que l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des notaires, en tant qu'il crée l'article A. 444-175 et le troisième alinéa de l'article A. 444-53 du même code.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
1. Considérant que le 1° du I de l'article 50 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a inséré, dans le livre IV du code de commerce, un titre IV bis intitulé " De certains tarifs réglementés " comprenant les articles L. 444-1 à L. 444-7 ; qu'aux termes de l'article L. 444-1 de ce code : " Sont régis par le présent titre les tarifs réglementés applicables aux prestations des commissaires-priseurs judiciaires, des greffiers de tribunal de commerce, des huissiers de justice, des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires et des notaires. (...) / Sauf disposition contraire, les prestations que les professionnels mentionnés au premier alinéa du présent article accomplissent en concurrence avec celles, non soumises à un tarif, d'autres professionnels ne sont pas soumises à un tarif réglementé. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 444-2 du même code : " Les tarifs mentionnés à l'article L. 444-1 prennent en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs. / Par dérogation au premier alinéa du présent article, peut être prévue une péréquation des tarifs applicables à l'ensemble des prestations servies. Cette péréquation peut notamment prévoir que les tarifs des prestations relatives à des biens ou des droits d'une valeur supérieure à un seuil fixé par l'arrêté conjoint prévu à l'article L. 444-3 soient fixés proportionnellement à la valeur du bien ou du droit. / En outre, peut être prévue une redistribution entre professionnels, afin de favoriser la couverture de l'ensemble du territoire par les professions judiciaires et juridiques et l'accès du plus grand nombre au droit. Cette redistribution est la finalité principale d'un fonds dénommé " fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice ". / L'organisation et le fonctionnement du fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice, ainsi que la composition du conseil d'administration par lequel est administrée la personne morale de droit privé qui le gère, sont précisés par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 444-7. / Des remises peuvent être consenties lorsqu'un tarif est déterminé proportionnellement à la valeur d'un bien ou d'un droit en application du deuxième alinéa du présent article et lorsque l'assiette de ce tarif est supérieure à un seuil défini par l'arrêté conjoint prévu à l'article L. 444-3. Le taux des remises octroyées par un professionnel est fixe, identique pour tous et compris dans des limites définies par voie réglementaire. " ; qu'aux termes de son article L. 444-3 : " Le tarif de chaque prestation est arrêté conjointement par les ministres de la justice et de l'économie. / Ce tarif est révisé au moins tous les cinq ans. " ; qu'aux termes de son article L. 444-5 : " Les ministres de la justice et de l'économie, pour l'application de l'article L. 444-3, et l'Autorité de la concurrence, pour l'application des articles L. 444-7 et L. 462-2-1, peuvent recueillir : / 1° Toute donnée utile, auprès des professionnels mentionnés à l'article L. 444-1 ; / 2° Les informations statistiques définies par voie réglementaire, auprès des instances représentatives de ces professionnels. " ; qu'aux termes de son article L. 444-7 : " Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'Autorité de la concurrence, précise les modalités d'application du présent titre, notamment : 1° Les modes d'évaluation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable ; / 2° Les caractéristiques de la péréquation prévue au deuxième alinéa de l'article L. 444-2 ; / 3 La composition du conseil d'administration, l'organisation et le fonctionnement du fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice mentionné au troisième alinéa du même article L. 444-2 ; / 4° La liste des informations statistiques mentionnées au 2° de l'article L. 444-5 et les modalités de leur transmission régulière. " ; que la requérante demande au Conseil d'Etat d'annuler, d'une part, l'article 2 du décret du 26 février 2016 pris pour l'application de l'article L. 444-7 du code de commerce, en tant qu'il crée l'article R. 444-9 de ce code, et, d'autre part, l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique du 26 février 2016 pris pour l'application de l'article L. 444-3 et fixant les tarifs réglementés des notaires, en tant qu'il crée l'article A. 444-175 et le troisième alinéa de l'article A. 444-53 du même code ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 444-9 du code de commerce : " La somme des émoluments perçus au titre des prestations relatives à la mutation d'un bien ou d'un droit immobilier ne peut excéder 10 % de la valeur de ce bien ou droit, sans pouvoir être inférieure à un montant fixé par l'arrêté prévu à l'article L. 444-3, sans pouvoir être inférieure à 90 € " ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 444-2 que, par dérogation au principe de la prise en compte des coûts pertinents du service rendu et d'une rémunération raisonnable, le tarif des prestations relatives à des biens ou des droits d'une valeur supérieure à un seuil fixé par l'arrêté conjoint prévu à l'article L. 444-3 peut notamment être fixé proportionnellement à la valeur du bien ou du droit ; que l'auteur du décret pouvait, par suite, sans méconnaître ces dispositions ni l'étendue de l'habilitation consentie par le législateur, prévoir la fixation d'un plafond pour les tarifs de ce type de prestations ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré de ce que le principe de l'écrêtement des émoluments prévu par le troisième alinéa de l'article A. 444-53 et l'article A. 444-175 du code de commerce, édictés pour l'application de l'article R. 444-9 précité, méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 444-2 de ce code ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Me B...n'est pas fondée à demander l'annulation du décret et de l'arrêté qu'elle attaque ; que sa requête doit, par suite, être rejetée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Me B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Me A... B...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au Premier ministre et à la garde des sceaux, ministre de la justice.