Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 septembre et 2 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 18 juillet 2017 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins l'a suspendu du droit d'exercer la chirurgie pour une durée de 6 mois ;
2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision contestée, qui constitue le fondement d'une décision de mise en disponibilité d'office, le prive du droit d'exercer son activité de chirurgien pour une durée de six mois, alors même qu'il lui est reproché de ne pas pratiquer suffisamment cette activité ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- elle est entachée d'incompétence car il est inscrit au tableau du conseil départemental de l'ordre des médecins de l'Aube, situé dans le ressort territorial du conseil régional de l'ordre des médecins de Champagne-Ardenne, de sorte que le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche Comté ne pouvait régulièrement initier la procédure en insuffisance professionnelle ;
- elle est entachée d'une dénaturation des pièces du dossier et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que le rapport d'expertise, sur le fondement duquel la suspension est prononcée, ne mentionne aucune insuffisance ni ne préconise le suivi d'une formation théorique ou pratique, et alors que le conseil national avait la possibilité de diligenter une expertise complémentaire afin de dissiper le moindre doute sur ses compétences.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2017, le Conseil national de l'ordre des médecins conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A..., d'autre part, les représentants du Conseil national de l'ordre des médecins ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 3 octobre 2017 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Lyon-Caen, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, avocat de M.A... ;
- M.A... ;
- Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Aux termes de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique : " I. - En cas d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire, totale ou partielle, du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. Le conseil régional ou interrégional est saisi à cet effet soit par le directeur général de l'agence régionale de santé, soit par une délibération du conseil départemental ou du conseil national. Ces saisines ne sont pas susceptibles de recours./ II. - La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional dans les conditions suivantes : 1° Pour les médecins, le rapport est établi par trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts (...) / IV. - Les experts procèdent ensemble, sauf impossibilité manifeste, à l'examen des connaissances théoriques et pratiques du praticien (...) Le rapport d'expertise (...) indique les insuffisances relevées au cours de l'expertise, leur dangerosité et préconise les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique (...) / V. - Avant de se prononcer, le conseil régional ou interrégional peut, par une décision non susceptible de recours, décider de faire procéder à une expertise complémentaire dans les conditions prévues aux II, III et IV du présent article. VI. - Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre. VII. - La décision de suspension temporaire du droit d'exercer pour insuffisance professionnelle définit les obligations de formation du praticien. La notification de la décision mentionne que la reprise de l'exercice professionnel par le praticien ne pourra avoir lieu sans qu'il ait au préalable justifié (...) avoir rempli les obligations de formation fixées par la décision (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que sur saisine du directeur de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche Comté, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins, à laquelle l'affaire avait été renvoyée en application des dispositions du VI de l'article R. 4123-3-5 du code de la santé publique citées ci-dessus, a, par la décision contestée du 18 juillet 2017, suspendu M. A..., praticien hospitalier à temps partiel au centre hospitalier de Sens, du droit d'exercer toute activité chirurgicale pendant une durée de six mois et lui a fixé l'obligation de suivre pendant la durée de cette suspension une formation au sein de services qualifiants en chirurgie vasculaire. Par la présente requête, M. A...demande la suspension de cette décision.
4. S'agissant de la légalité externe de la décision attaquée, M. A...soutient que le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté n'était pas compétent pour saisir le conseil régional de Champagne-Ardenne de l'ordre des médecins, dès lors qu'il est inscrit au tableau tenu par le conseil de l'ordre de l'Aube, et que seul le directeur régional de l'agence régionale de santé dans le ressort duquel il a été inscrit au tableau était compétent pour procéder à cette saisine. Compte tenu toutefois, en premier lieu, de l'imprécision des termes de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique sur ce point, en deuxième lieu, des termes de l'article L. 4113-14 du même code qui permettent au directeur général de l'agence dont relève le lieu d'exercice professionnel de saisir le conseil régional de l'ordre compétent en cas d'insuffisance professionnelle d'un médecin créant une situation d'urgence et, en troisième lieu, de l'absence d'influence que la saisine par le directeur général de l'agence de Bourgogne-France-Comté parait avoir exercé, en tout état de cause, sur le sens de la décision attaquée, le moyen d'illégalité externe soulevé n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.
5. S'agissant de la légalité interne de la décision attaquée, M. A...soutient que le rapport d'expertise remis en application de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique ne mentionne aucune insuffisance professionnelle de sa part et ne préconise aucune formation, de sorte que la décision attaquée serait entachée d'erreur d'appréciation. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise, que si M. A...a eu une pratique chirurgicale vasculaire jusqu'en 2013, impliquant en moyenne 200 interventions annuelles de chirurgie des varices et 120 interventions annuelles de chirurgie artérielle, il n'a effectué qu'un faible nombre d'actes chirurgicaux depuis 2015. Il a lui-même confirmé à l'audience avoir effectué moins de dix interventions chirurgicales et une vingtaine d'opérations de phlébectomie au cours de chacune des deux dernières années. Par ailleurs, si le rapport d'expertise a conclu que M. A... avait " une formation et une expérience en chirurgie vasculaire qui lui permettent de reprendre (...) à temps partiel à l'hôpital de Sens " une activité " de chirurgie veineuse et de chirurgie artérielle périphérique par abord chirurgical classique ou endo-vasculaire ", les trois experts ont également souligné qu'il était " impossible au cours d'une telle expertise de juger d'une éventuelle insuffisance pratique chez le DocteurA... ". Eu égard à l'ensemble de ces éléments, qui caractérisent une absence de pratique significative de la chirurgie vasculaire durant les deux dernières années, non remise en cause par le rapport d'expertise, et alors que la saisine du Conseil de l'ordre des médecins est motivée par la volonté du centre hospitalier de Sens d'affecter M. A...au service de chirurgie viscérale et vasculaire de cet établissement, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entachée la décision attaquée n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'urgence, la requête de M. A...doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B...A...et au Conseil national de l'ordre des médecins.