Vu la procédure suivante :
La société Allis a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'inspecteur du travail de la 5ème section de l'unité territoriale du Calvados du 8 avril 2013 lui refusant l'autorisation de licencier Mme B...A...et celle du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 19 septembre 2013 rejetant son recours dirigé contre cette décision. Par un jugement n° 1301985 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15NT00101 du 29 mars 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a dit n'y avoir pas lieu de statuer sur l'appel formé par la société Allis contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 17 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Allis demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Fuchs, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Allis et à la SCP Didier, Pinet, avocat de Mme A... ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 8 avril 2013, l'inspecteur du travail de la 5ème section de l'unité territoriale du Calvados a refusé d'autoriser la société Allis à licencier MmeA..., salariée protégée ; que, par une décision du 19 septembre 2013, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté le recours formé par l'employeur contre ce refus ; que, saisie en appel du jugement du 17 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de la société Allis tendant à l'annulation de ces deux décisions, la cour administrative d'appel de Nantes a, par l'arrêt attaqué du 29 mars 2016, jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur le litige, au motif que Mme A...avait été licenciée le 28 décembre 2015, à l'expiration de la période de protection dont elle bénéficiait au titre de son mandat représentatif ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que cette autorisation est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement ;
3. Considérant que si le refus d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé se borne, vis-à-vis de l'employeur, à rejeter la demande qu'il a adressée à l'administration et n'est, par suite, pas créateur de droits à son égard, il revêt en revanche le caractère d'une décision créatrice de droits au profit du salarié intéressé, y compris, dans certains cas, après l'expiration de sa période de protection ; qu'ainsi, le litige par lequel l'employeur demande au juge administratif l'annulation de ce refus pour excès de pouvoir ne saurait être privé d'objet en raison de ce que ce refus aurait cessé, en cours d'instance, de faire obstacle au licenciement, soit parce que l'administration l'aurait abrogé pour l'avenir en accordant l'autorisation sollicitée, soit en raison de la fin de la période de protection du salarié ; qu'un tel litige n'est en effet susceptible de perdre son objet que si, en cours d'instance, le refus d'autorisation a été rétroactivement retiré par l'autorité compétente et que ce retrait a acquis un caractère définitif ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en se fondant, pour prononcer un non-lieu à statuer sur la requête de la société Allis, sur la seule circonstance que, postérieurement à l'introduction de l'appel de la société, la protection dont bénéficiait Mme A... avait expiré et que la société Allis avait pu procéder à son licenciement sans solliciter d'autorisation administrative, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Allis, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande à ce titre Mme A... ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Allis d'une somme de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 29 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera à la société Allis une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Allis, à Mme B... A...et à la ministre du travail.