Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 mars 2015 et 14 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 décembre 2014 relatif à la rémunération des personnes physiques exerçant l'activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs à titre individuel ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vivien David, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article 419 du code civil : " Si la mesure judiciaire de protection est exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, son financement est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources et selon les modalités prévues par le code de l'action sociale et des familles. / Lorsque le financement de la mesure ne peut être intégralement assuré par la personne protégée, il est pris en charge par la collectivité publique, selon des modalités de calcul communes à tous les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et tenant compte des conditions de mise en oeuvre de la mesure, quelles que soient les sources de financement. Ces modalités sont fixées par décret. " ; que le premier alinéa de l'article L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Le coût des mesures exercées par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources. Lorsqu'il n'est pas intégralement supporté par la personne protégée, il est pris en charge dans les conditions fixées par les articles L. 361-1, L. 472-3 et L. 472-9. " ; qu'aux termes de l'article R. 471-5-2 du code de l'action sociale et des familles : " Le coût des mesures exercées par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire n'est pas à la charge de la personne protégée lorsque le montant des ressources qu'elle perçoit est inférieur ou égal au montant annuel de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l'avant-dernière année civile. / Dans le cas contraire, un prélèvement est effectué à hauteur de : / 7 % pour la tranche des revenus annuels soumis à prélèvement supérieure strictement au montant annuel de l'allocation aux adultes handicapés et inférieure ou égale au montant brut annuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur au 1er janvier de l'avant-dernière année civile ; / 15 % pour la tranche des revenus annuels soumis à prélèvement supérieure strictement au montant brut annuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur au 1er janvier de l'avant-dernière année civile et inférieure ou égale au même montant majoré de 150 % ; / 2 % pour la tranche des revenus annuels soumis à prélèvement supérieure strictement au montant brut annuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur au 1er janvier de l'avant-dernière année civile majoré de 150 % et inférieure ou égale à 6 fois le montant brut annuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur au 1er janvier de l'avant-dernière année civile. / Quel que soit le montant des ressources de la personne protégée, aucun prélèvement n'est effectué sur la tranche des revenus annuels inférieure ou égale au montant annuel de l'allocation aux adultes handicapés en vigueur au 1er janvier de l'avant-dernière année civile. " ;
2. Considérant, d'autre part, que le premier alinéa du I de l'article L. 361-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Déduction faite de la participation financière du majeur protégé en application de l'article L. 471-5, les services mentionnés au 14° du I de l'article L. 312-1 qui ne relèvent pas des II et III du présent article bénéficient d'un financement sous forme d'une dotation globale dont le montant est déterminé en fonction d'indicateurs liés, en particulier, à la charge de travail résultant de l'exécution des mesures de protection. " ; qu'aux termes de l'article L. 472 3 du même code : " (...) La rémunération des personnes physiques mandataires judiciaires à la protection des majeurs est déterminée en fonction d'indicateurs liés, en particulier, à la charge de travail résultant de l'exécution des mesures de protection dont elles ont la charge " ; qu'aux termes de l'article L. 472-4 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application de la présente section " ; qu'aux termes de l'article R. 472-8 du code de l'action sociale et des familles, pris pour l'application de l'article L. 472-3 : " I. - La rémunération du mandataire judiciaire à la protection des majeurs est déterminée par un arrêté des ministres chargés de la famille, de la justice et du budget, en fonction des indicateurs suivants : / 1° La nature des missions : / a) Missions d'assistance et de conseil confiées au titre de l'article 467 du code civil dans l'exercice de la curatelle ; / b) Missions de représentation confiées au titre de l'article 473 du même code dans l'exercice de la tutelle ; / c) Missions d'assistance et de perception des revenus de la personne protégée confiées au titre de l'article 472 du même code dans l'exercice de la curatelle renforcée, missions de gestion des prestations sociales de la personne protégée et d'action éducative confiées au titre de l'article 495-7 du même code dans l'exercice de la mesure d'accompagnement judiciaire, ou missions de gestion du patrimoine confiées au titre de l'article 437 du même code dans l'exécution d'un mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ; / d) Missions de subrogé curateur dans le cadre d'une curatelle ou d'une curatelle renforcée, ou de subrogé tuteur dans le cadre d'une tutelle, confiées au titre de l'article 454 du même code ; / e) Missions mentionnées aux a à d qui porteraient uniquement sur la protection de la personne ou sur celle du patrimoine ; / 2° La période d'exercice des missions : / a) Les trois mois suivant l'ouverture de la mesure de protection ; / b) Les trois mois précédant la fin de la mesure de protection ; / c) Les autres périodes ; / 3° Le lieu de vie de la personne protégée : / a) Lorsque la personne protégée est accueillie de manière permanente dans un établissement social ou médico-social ou dans un établissement de santé au-delà d'une première période de trente jours de séjour continu et pendant le mois où a pris fin cet accueil permanent ; / b) Lorsque la personne protégée est accueillie de manière permanente dans un établissement social ou médico-social ou dans un établissement de santé au-delà d'une première période de trente jours de séjour continu et qu'elle conserve la disposition de son logement ; / c) Lorsque la personne vit à son domicile ou dans toute autre situation ; / 4° Les ressources de la personne protégée calculées conformément aux dispositions de l'article R. 471-5, dans une mesure qui ne saurait leur conférer un caractère prépondérant. / II. - Lorsque le prélèvement sur les ressources de la personne protégée, calculé conformément aux dispositions de l'article R. 471-5-2, est inférieur à la rémunération du mandataire, le mandataire perçoit un financement public égal à la différence entre la rémunération et le prélèvement. Ce financement est versé par chaque financeur concerné conformément aux dispositions des 1°, 2° et 3° du I de l'article L. 361-1, dans le cadre d'une convention entre ce financeur et le mandataire judiciaire à la protection des majeurs. / III. - En aucun cas le prélèvement sur les ressources de la personne protégée ne peut excéder la rémunération fixée conformément au I. " ;
3. Considérant, en premier lieu, d'une part, que, si les articles 419 du code civil et L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles cités ci-dessus prévoient que le bénéficiaire d'une mesure de protection des majeurs participe à son financement, il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que le montant de la participation mise à la charge du bénéficiaire ne saurait excéder le coût de la mesure ; que, par suite, l'article R. 471-5-2 du code de l'action sociale et des familles fixant le barème, en fonction des revenus de l'intéressé, du prélèvement destiné à financer tout ou partie du coût de la mesure de protection, ne peut être regardé que comme limitant à ce coût le montant effectif du prélèvement ; que, pris sur le fondement des articles L. 472-3 et L. 473-4 du même code, l'article R. 472-8 de ce code, qui fixe les conditions relatives à la rémunération des mandataire exerçant à titre individuel, s'est borné, en précisant que le prélèvement sur les ressources de la personne protégée ne peut pas excéder la rémunération du mandataire telle qu'il la précise, à rappeler la portée des articles 419 et L. 471-5 précités, applicables à l'ensemble des mandataires à la protection des majeurs ; que, dès lors, la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs ne saurait, en tout état de cause, soutenir que cette disposition méconnaîtrait le principe d'égalité faute d'avoir prévu un plafonnement similaire lorsque la protection est assurée par une association tutélaire ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 471-5 et L. 361-1 du code de l'action sociale et des familles que la rémunération des mandataires judiciaires peut, lorsque le prélèvement sur les ressources des personnes protégées est insuffisant pour supporter intégralement le coût des missions que ces mandataires exercent, être assurée de manière complémentaire par un financement public ; que ces dispositions n'imposent pas que la participation financière de la personne protégée soit fixée en fonction du coût de la mesure de protection ; que les dispositions du II de l'article R. 472-8 du même code se bornent à mettre en oeuvre les dispositions des articles L. 471-5 et L. 361-1 précités et n'en méconnaissent pas la portée ;
5. Considérant qu'il suit de là que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des dispositions de cet article R. 472-8 doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs ne saurait utilement soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité des dispositions de l'article R. 471-5-2 du code de l'action sociale et des familles pour l'application desquelles n'est pas pris l'arrêté attaqué, ni celles de l'arrêté du 6 janvier 2012 qui ne sont pas modifiées par l'arrêté attaqué ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la suppression de l'indexation sur le salaire minimum interprofessionnel de croissance de la rémunération des personnes physiques exerçant l'activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs à titre individuel serait de nature à remettre en cause la viabilité financière de cette activité ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que, en procédant à la suppression de cette indexation, l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, doit être écarté ;
8. Considérant, enfin, que, si la requérante invoque une méconnaissance du principe de sécurité juridique au motif que le mode de calcul et le montant de la rémunération des mandataires judiciaires à la protection des majeurs sont modifiés pour la cinquième fois depuis l'intervention de la loi du 5 mars 2007, cette circonstance, pour regrettable qu'elle puisse être, n'est pas de nature à entacher d'illégalité l'arrêté attaqué ; que les dispositions critiquées, qui se bornent à substituer un tarif de référence fixe à un tarif déterminé en fonction du montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance, ont d'ailleurs retenu un montant très proche de celui qui serait résulté de l'application des dispositions antérieures ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'application immédiate des dispositions nouvelles aurait fait peser sur les activités des mandataires judiciaires à la protection des majeurs une contrainte de nature à porter une atteinte excessive à leurs intérêts ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait le principe de sécurité juridique ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque ; qu'il suit de là que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, à la ministre des solidarités et de la santé et à la garde des sceaux, ministre de la justice.