Vu la procédure suivante :
La communauté urbaine de Bordeaux a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, avant dire droit, de désigner un expert avec la mission complémentaire de décrire les désordres affectant l'étanchéité du Pont de pierre à Bordeaux, à la suite des travaux effectués dans le cadre de la mise en place du tramway, et de condamner solidairement l'Etat, le groupement d'études du tramway (GET), composé des sociétés Systra, Sofretu, Sofrerail, Sogelerc Ingénierie et SEAMP, et la société Colas Sud Ouest à lui verser une somme de 1 128 220 euros TTC à parfaire, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des désordres affectant le pont de pierre. Par un jugement n° 1100497 du 2 juillet 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête et mis les frais d'expertise à sa charge.
Par un arrêt n° 14BX02662 du 3 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Bordeaux Métropole, venant aux droits de la communauté urbaine de Bordeaux, contre ce jugement.
Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistré les 6 mars et 6 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Bordeaux Métropole demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat, du groupement d'étude du tramway (GET) composé des sociétés Systra, Sofretu, Sofrerail, de la Sogelerc Ingénierie et SEAMP et du groupement Colas, Fayat, Sattanino la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Yves Ollier, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de Bordeaux Métropole, à Me Le Prado, avocat de la société Colas Sud-ouest, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Systra, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat des sociétés TDC - Thales Développement et Coopération, à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Ingerop Conseil et Ingénierie venant aux droits de la société SEAMP et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société Fayat TP et de la société ERSO.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 mars 2018, présentée par la société Fayat TP et par la société ERSO.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 mars 2018, présentée par la société Systra.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 mars 2018, présenté par la société Ingerop Conseil et Ingénierie venant aux droits de la société SEAMP.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en vue de la réalisation de travaux menés pour la mise en place du tramway sur le Pont de pierre, la communauté urbaine de Bordeaux a passé un marché de maîtrise d'oeuvre générale avec le groupement GET le 31 juillet 1997, un marché de maîtrise d'oeuvre particulier avec l'Etat, et un marché de travaux avec le groupement Colas, Fayat, Sattanino le 19 avril 2002 ; que la communauté urbaine de Bordeaux a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de désigner un expert avec la mission de décrire les désordres affectant l'étanchéité du pont de pierre à Bordeaux, dans le cadre de la mise en place du tramway, et de condamner solidairement l'Etat, le Groupement d'études du tramway (GET), composé des sociétés Systra, Sofretu, Sofrerail, Sogelerc ingénierie et SEAMP, et la société Colas Sud-ouest à lui verser une somme de 1 128 220 euros TTC à parfaire, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des désordres affectant le pont de pierre ; que par un jugement du 2 juillet 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande et mis les frais d'expertise à sa charge ; que par un arrêt du 3 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de Bordeaux Métropole venant aux droits de la communauté urbaine de Bordeaux ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser (...) La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) " ; que selon l'article R. 611-1 du même code, la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties dans les conditions prévues à l'article R. 611-3 ; qu'aux termes de cet article : " Les décisions prises pour l'instruction des affaires sont notifiées aux parties (...). La notification peut être effectuée au moyen de lettres simples. / Toutefois, il est procédé aux notifications de la requête, des demandes de régularisation, des mises en demeure, des ordonnances de clôture, des décisions de recourir à l'une des mesures d'instruction prévues aux articles R. 621-1 à R. 626-3 ainsi qu'à l'information prévue à l'article R. 611-7 au moyen de lettres remises contre signature ou de tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif d'inviter l'auteur d'une requête entachée d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte en cours d'instance à la régulariser et qu'il doit être procédé à cette invitation par lettre remise contre signature ou par tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception ; que la communication au requérant par lettre simple d'un mémoire en défense soulevant une fin de non-recevoir ne saurait, en principe, dispenser le juge administratif de respecter l'obligation ainsi prévue, à moins qu'il ne soit établi par ailleurs que le mémoire en défense a bien été reçu par l'intéressé ;
4. Considérant que dans leurs mémoires en défense produits les 15 juillet et 2 décembre 2011 devant le tribunal administratif de Bordeaux, les sociétés Colas et TDC ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de ce que le président de la communauté urbaine de Bordeaux ne justifiait pas avoir été habilité à agir en justice ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté urbaine de Bordeaux n'a pas été invitée à régulariser sa requête dans les conditions rappelées au point précédent ; que la cour administrative d'appel s'est bornée à constater que cette fin de non-recevoir avait été soulevée dans des mémoires en défense, sans rechercher, comme elle aurait dû le faire, s'il était établi que la communauté avait bien reçu lesdits mémoires en défense, seule circonstance à même de dispenser le juge de l'obligation d'inviter l'auteur de la requête à la régulariser ; que, dès lors, en opposant à la communauté urbaine la fin de non-recevoir soulevée en première instance et tirée du défaut d'habilitation de son président à ester en justice, sans s'assurer, alors que le tribunal administratif n'avait pas invité la communauté urbaine à régulariser sa requête, que les mémoires en défense soulevant cette fin de non-recevoir avaient été reçus par la communauté, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ;
5. Considérant par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que Bordeaux Métropole est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge de l'Etat, du groupement d'études du tramway (GET) composé des sociétés Systra, Sofretu, Sofrerail, Sogelerc Ingénierie et SEAMP et du groupement Colas, Fayat, Sattanino, la somme de 3 000 euros à verser à Bordeaux Métropole au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que les conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Bordeaux Métropole, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soient accueillies ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 3 janvier 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'Etat, le groupement d'études du tramway (GET) composé des sociétés Systra, Sofretu, Sofrerail, Sogelerc Ingénierie et SEAMP et le groupement Colas, Fayat, Sattanino, sont condamnés à verser solidairement la somme de 3 000 euros à Bordeaux Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Bordeaux Métropole, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, au groupement solidaire Colas, Fayat, Sattanino, à la société Systra, à la société TDC, Ingerop conseil et ingénierie venant aux droits de la société SEAMP, au groupement d'études du tramway (GET), à la société Fayat TP, à la société ERSO venant aux droits de la société Sattanino et à la société Colas Sud-ouest.