Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 30 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des paralysés de France (APF) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 2 du décret n° 2017-431 du 28 mars 2017 relatif au registre public d'accessibilité et modifiant diverses dispositions relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale des droits des personnes handicapées ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de la famille ;
- la loi n° 2015 -988 du 5 août 2015 ;
- le décret n° 2017-431 du 28 mars 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vivien David, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation : " Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d'habitation, qu'ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique, dans les cas et selon les conditions déterminés aux articles L. 111-7-1 à L. 111-7-11. (...) ". En vertu de l'article L. 111-7-1 de ce code : " Des décrets en Conseil d'Etat fixent les modalités relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées prévue à l'article L. 111-7 que doivent respecter les bâtiments ou parties de bâtiments nouveaux. Ils précisent les modalités particulières applicables à la construction de maisons individuelles et aux logements vendus en l'état futur d'achèvement et faisant l'objet de travaux modificatifs de l'acquéreur ainsi qu'aux logements locatifs sociaux construits et gérés par les organismes et les sociétés définis aux articles L. 365-2, L. 411-2 et L. 481-1. Ils précisent également les modalités selon lesquelles ces organismes et sociétés garantissent la mise en accessibilité de ces logements pour leur occupation par des personnes handicapées, notamment les modalités techniques de réalisation des travaux de réversibilité qui sont à la charge financière des bailleurs et leur délai d'exécution qui doit être raisonnable. (...). " Sur le fondement de ces dispositions a été pris le décret du 28 mars 2017 dont l'association des paralysés de France demande l'annulation pour excès de pouvoir.
2. L'article L. 111-7-1 du code de la construction et de l'habitation prévoit que les exigences relatives à l'accessibilité et aux prestations à fournir pour les logements destinés à l'occupation temporaire ou saisonnière sont fixées par un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Il ressort des pièces du dossier que ce dernier a été consulté sur le projet de décret attaqué et a rendu son avis lors de sa séance du 11 juillet 2016. La circonstance que le décret attaqué ne vise pas cet avis est sans influence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il serait entaché d'un vice de procédure doit être écarté.
3. L'article R. 111-19-2 du code de l'habitation et de la construction confie au ministre chargé de la construction et, le cas échéant, aux autres ministres intéressés le soin de fixer, par arrêté, " les obligations particulières auxquelles doivent satisfaire les constructions et les aménagements propres à assurer l'accessibilité de ces établissements et de leurs abords, en ce qui concerne les cheminements extérieurs, le stationnement des véhicules, les conditions d'accès et d'accueil dans les bâtiments, les circulations intérieures horizontales et verticales à l'intérieur des bâtiments, les locaux intérieurs et les sanitaires ouverts au publics, les portes et les sas intérieurs et les sorties, les revêtements des sols et des parois, ainsi que les équipements et mobiliers intérieurs et extérieurs susceptibles d'y être installés, notamment les dispositifs d'éclairage et d'information des usagers ". L'article R. 111-19-3 du même code renvoie à un arrêté du ministre chargé de la construction, du ministre chargé des personnes handicapées et, le cas échéant, des ministres intéressés la fixation " des obligations particulières auxquelles doivent satisfaire, dans le but d'assurer leur accessibilité, les établissements et installations recevant du public assis, les établissements disposant de locaux d'hébergement ouverts au public, les établissements et installations comportant des douches, des cabines d'essayage, d'habillage ou de déshabillage et les établissements et installations comportant des caisses de paiement disposées en batterie ". L'article R. 111-19-7 du même code renvoie au ministre chargé de la construction et, le cas échéant, des ministres intéressés la fixation des " obligations particulières auxquelles doivent satisfaire, dans le but d'assurer leur accessibilité, les établissements et installations recevant du public assis, les établissements disposant de locaux d'hébergement ouverts au public, les établissements et installations comportant des douches, des cabines d'essayage, d'habillage ou de déshabillage ou des espaces à usage individuel et les établissements et installations comportant des caisses de paiement disposées en batterie ". L'article 2 du décret attaqué complète ces trois articles de dispositions permettant à ces arrêtés de prévoir " la possibilité pour le maître d'ouvrage de satisfaire à ces obligations par des solutions d'effet équivalent aux dispositions techniques de l'arrêté dès lors que ces solutions répondent aux objectifs poursuivis ".
4. La faculté ainsi ouverte a notamment pour objet de permettre d'utiliser des innovations technologiques, pour atteindre les mêmes objectifs, sans qu'il soit porté atteinte au principe d'accessibilité. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait les articles L. 111-7 et L. 111-7-1 du code de la construction et de l'habitation en prévoyant la possibilité de mettre en oeuvre des dispositions d'effet équivalent doit dès lors être écarté, ainsi que, en tout état de cause, celui tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 4 et 9 de la convention relative aux droits des personnes handicapées, ce dernier engageant les Etats signataires à prendre " des mesures appropriées pour leur assurer, sur la base de l'égalité avec les autres, l'accès à l'environnement physique, aux transports, à l'information et à la communication, y compris aux systèmes et technologies de l'information et de la communication, et aux autres équipements et services ouverts ou fournis au public, tant dans les zones urbaines que rurales (...) ".
5. Les solutions permises par les dispositions attaquées sont suffisamment définies par l'obligation que leur effet soit, s'agissant de l'accessibilité des personnes handicapées, équivalent aux dispositifs techniques fixés par les arrêtés ministériels. Par suite, le pouvoir réglementaire n'a méconnu ni l'étendue de sa compétence ni l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité des normes.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'Association des paralysés de France est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association des paralysés de France, au Premier ministre et au ministre de la cohésion des territoires.