Vu la procédure suivante :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 juin 2015 du préfet de police refusant d'échanger son permis de conduire gambien contre un permis de conduire français. Par un jugement n° 1516016 du 27 juillet 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 2 novembre 2017 et 2 février 2018, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Matuchanski, Poupot, Valdelièvre au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- le code de la route ;
- l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;
- la loi n° 91-647 du 10 du juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Lambron, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M.A....
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., de nationalité gambienne, qui a quitté la Gambie le 27 novembre 2011 pour se rendre au Sénégal puis en France, où il a obtenu le 24 novembre 2013 le statut de réfugié, a déposé le 1er avril 2014 une demande d'échange de son permis de conduire délivré par la Gambie contre un permis français ; que, par une décision du 29 juin 2015, le préfet de police a rejeté sa demande au motif que la validité de son permis était expirée depuis le 31 décembre 2011 et qu'il n'établissait pas que le renouvellement de ce titre était soumis au paiement d'une taxe ou à un examen médical ; que M. A...se pourvoit en cassation contre le jugement du 27 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté son recours pour excès de pouvoir dirigé contre cette décision ;
2. Considérant, d'une part, que l'article 25 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés stipule que : " 1. Lorsque l'exercice d'un droit par un réfugié nécessiterait normalement le concours d'autorités étrangères auxquelles il ne peut recourir, les Etats contractants sur le territoire desquels il réside veilleront à ce que ce concours lui soit fourni, soit par leurs propres autorités, soit par une autorité internationale. / 2. La ou les autorités visées au paragraphe 1er délivreront ou feront délivrer sous leur contrôle, aux réfugiés, les documents ou les certificats qui normalement seraient délivrés à un étranger par ses autorités nationales ou par leur intermédiaire. / 3. Les documents ou certificats ainsi délivrés remplaceront les actes officiels délivrés à des étrangers par leurs autorités nationales ou par leur intermédiaire, et feront foi jusqu'à preuve du contraire (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 222-3 du code de la route : " Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de l'Union européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article D. 221-3. Les conditions de cette reconnaissance et de cet échange sont définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière, après avis du ministre de la justice et du ministre chargé des affaires étrangères. (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 12 janvier 2012 visé ci-dessus : " I.- Pour être échangé contre un titre français, tout permis de conduire délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen doit répondre aux conditions suivantes : / A. - Avoir été délivré au nom de l'Etat dans le ressort duquel le conducteur avait alors sa résidence normale, sous réserve qu'il existe un accord de réciprocité entre la France et cet Etat conformément à l'article R. 222-1 du code de la route. / B. - Etre en cours de validité au moment du dépôt de la demande, à l'exception des titres dont la validité est subordonnée par l'Etat qui l'a délivré aux droits au séjour sur leur territoire du titulaire du titre. / Dans ce cas, le préfet s'assure de la concordance des dates de validité du titre de conduite et du titre de séjour délivrés par le même Etat... " ; qu'aux termes de l'article 11 du même arrêté : " I. - Les dispositions du A du I de l'article 5 ne sont pas applicables au titulaire d'un permis de conduire délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen possédant un titre visé au I de l'article 4 comportant la mention " réfugié ". / (...) / III. - Les dispositions du B du I de l'article 5 relatives à la validité du titre ne sont pas applicables aux conducteurs visés ci-dessus dès lors que la validité du permis liée au paiement d'une taxe ou au résultat d'un examen médical est arrivée à expiration à la date où le délai d'un an, défini selon les modalités prévues au deuxième alinéa, commence à courir. / (...) " ;
4. Considérant qu'eu égard aux stipulations de l'article 25 de la convention de Genève citées au point 2, et quels que soient les termes des articles 5 et 11 de l'arrêté du 12 janvier 2012 cités au point 3, les autorités françaises ne sauraient légalement refuser d'échanger contre un permis français le permis de conduire étranger présenté par un réfugié au motif que ce titre n'est pas en cours de validité, si l'intéressé s'est trouvé empêché d'en obtenir le renouvellement par le risque de persécutions auquel il est exposé dans son pays ; qu'il suit de là qu'en jugeant que M. A...ne pouvait, à l'appui de son recours contre le refus d'échange qui lui avait été opposé, se prévaloir de son permis de conduire gambien, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que la période de validité du permis gambien de l'intéressé avait expiré postérieurement à la date à laquelle il avait dû quitter son pays, le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit ; que son jugement doit, dès lors, être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
5. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M.A..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 juillet 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. A...une somme de 3 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.