Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 juillet 2017 et 13 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération française de l'assurance demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 mai 2017 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'économie et des finances fixant le document relatif à l'information des candidats à l'assurance emprunteur lorsqu'ils présentent, du fait de leur état de santé ou de leur handicap, un risque aggravé, en tant qu'il porte sur les conditions d'application du droit à l'oubli ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2017-173 du 13 février 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Viton, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, aux termes de l'article L. 1141-5 du code de la santé publique : " La convention nationale mentionnée à l'article L. 1141-2 détermine les modalités et les délais au-delà desquels les personnes ayant souffert d'une pathologie cancéreuse ne peuvent, de ce fait, se voir appliquer une majoration de tarifs ou une exclusion de garanties pour leurs contrats d'assurance ayant pour objet de garantir le remboursement d'un crédit relevant de ladite convention. La convention prévoit également les délais au-delà desquels aucune information médicale relative aux pathologies cancéreuses ne peut être recueillie par les organismes assureurs dans ce cadre. (...) / Les candidats à l'assurance sont informés, dans des conditions prévues, par décret de l'interdiction prévue au présent article. " Il résulte de ces dispositions que la convention nationale mentionnée à l'article L. 1141-2 du code de la santé publique fixe le champ des demandes d'assurance pour lesquelles les candidats ne sont pas tenus de déclarer leurs antécédents de pathologies cancéreuses.
2. D'autre part, aux termes de l'article D. 1141-2 du même code : " I. L'instance de suivi et de propositions mentionnée au 10° de l'article L. 1141-2-1 établit un document d'information relatif aux dispositions de l'article L. 1141-5 qui précise : / 1° Les conditions et les délais dans lesquels les candidats à l'assurance ne sont pas tenus de déclarer leurs antécédents médicaux ; ". Aux termes du III de l'article 1er du décret du 13 février 2017, sur le fondement duquel a été pris l'arrêté attaqué : " A défaut de mise en oeuvre de l'article D. 1141-2 du code de la santé publique par l'instance de suivi et de propositions mentionnée au 10° de l'article L. 1141-2-1 du même code avant le 15 mars 2017, le document d'information prévu par le même article D. 1141-2 est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de l'économie ".
3. Il résulte de la combinaison des titres IV et VI de la convention " S'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé " (AERAS), dans sa rédaction issue de l'avenant du 2 septembre 2015, que le droit pour un candidat à l'assurance de ne pas déclarer une ancienne pathologie cancéreuse dès lors que le protocole thérapeutique relatif à cette pathologie est achevé depuis plus de 15 ans, délai ramené à 5 ans pour les cancers diagnostiqués jusqu'à l'âge de 15 ans révolus, s'applique, sous réserve que l'âge de l'emprunteur n'excède pas soixante-dix ans en fin de prêt, aux demandes d'assurance emprunteur portant, d'une part, sur les prêts d'au plus 320 000 euros, sans tenir compte des crédits relais, souscrits pour l'acquisition d'une résidence principale, d'autre part, sur les autres prêts immobiliers et sur les prêts professionnels pour l'acquisition de locaux et de matériels pour un encours cumulé d'au plus 320 000 euros. Ce droit s'applique également, sous réserve que le candidat ait cinquante ans au plus, aux demandes d'assurance décès portant sur les prêts à la consommation affectés ou dédiés d'un montant au plus égal à 17 000 euros, apprécié en tenant compte d'éventuels autres prêts de même nature en cours, et d'une durée de remboursement inférieure ou égale à quatre ans, pour lesquels la convention prévoit d'ailleurs la suppression des questionnaires de santé. Par suite, en prévoyant au point 1.1 du document d'information mentionné à l'article D. 1141-2 du code de la santé publique que les personnes ayant été atteintes d'un cancer ne sont pas tenues de le déclarer lors de la souscription d'un contrat d'assurance ayant pour objet le remboursement d'un prêt à la consommation affecté ou dédié, d'un prêt professionnel pour l'acquisition de locaux et de matériels ou d'un prêt immobilier, sans reprendre les conditions relatives au montant maximal du prêt, à l'âge de l'emprunteur ainsi que, s'agissant des prêts à la consommation affectés ou dédiés, à la durée de remboursement, l'arrêté attaqué a méconnu les stipulations de la convention AREAS à laquelle renvoie l'article L. 1141-5 du code de la santé publique. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, cet arrêté doit être annulé en tant qu'il ne reprend pas ces conditions.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la Fédération française de l'assurance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêté du 10 mai 2017 fixant le document relatif à l'information des candidats à l'assurance emprunteur lorsqu'ils présentent du fait de leur état de santé ou de leur handicap un risque aggravé est annulé en tant qu'il ne reprend pas, au point 1.1 de ce document précisant les prêts pour lesquels le candidat à l'assurance peut ne pas déclarer une ancienne pathologie cancéreuse, les conditions prévues par la convention AERAS relatives au montant maximal du prêt, à l'âge de l'emprunteur ainsi que, s'agissant des prêts à la consommation affectés ou dédiés, à la durée de remboursement.
Article 2 : L'Etat versera à la Fédération française de l'assurance une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération française de l'assurance, à la ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'économie et des finances.