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18/07/2018 | FRANCE | N°411796

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 18 juillet 2018, 411796


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 juin, 20 juillet et 22 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 370 des commentaires administratifs publiés les 14 octobre 2014, 2 juillet 2015 et 4 mars 2016 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-30-10-30-10 et, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'U

nion européenne d'une question préjudicielle ;

2°) de mettre à la charge d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 juin, 20 juillet et 22 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 370 des commentaires administratifs publiés les 14 octobre 2014, 2 juillet 2015 et 4 mars 2016 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-30-10-30-10 et, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;

- la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 ;

- la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, notamment son article 17 ;

- la décision n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du 4 du I ter de l'article 160 du code général des impôts, dans sa rédaction abrogée à compter du 1er janvier 2000 mais restée applicable, en vertu de l'article 94 de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, aux plus-values en report d'imposition à cette même date : " L'imposition de la plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une opération de fusion, scission ou d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l'article 92 B (...) ". Aux termes de l'article 92 B alors applicable : " II. 1 A compter du 1er janvier 1992 ou du 1er janvier 1991 pour les apports de titres à une société passible de l'impôt sur les sociétés, l'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de titres résultant d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, peut être reportée au moment où s'opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des titres reçus lors de l'échange. (...) / Le report est subordonné à la condition que le contribuable en fasse la demande et déclare le montant de la plus-value dans les conditions prévues à l'article 97 (...) ".

2. Il résulte de ces dispositions qu'elles ont pour seul effet de permettre, par dérogation à la règle selon laquelle le fait générateur de l'imposition d'une plus-value est constitué au cours de l'année de sa réalisation, de constater et de liquider la plus-value d'échange l'année de sa réalisation et de l'imposer l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition, qui peut notamment être la cession des titres reçus au moment de l'échange. Le montant de la plus-value est ainsi calculé en appliquant les règles d'assiette en vigueur l'année de sa réalisation, mais son imposition obéit aux règles de calcul de l'impôt en vigueur l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition.

3. L'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 a modifié l'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisées à compter du 1er janvier 2013, notamment en soumettant ces plus-values, auparavant imposées à un taux forfaitaire, au barème de l'impôt sur le revenu, tout en prévoyant un dispositif d'abattement sur le montant des gains nets de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux, selon la durée de détention de ces valeurs. L'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction issue de cet article, dispose que : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci diminué, le cas échéant, des réductions d'impôt effectivement obtenues dans les conditions prévues à l'article 199 terdecies-0 A, ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. / Les gains nets résultant de la cession à titre onéreux ou retirés du rachat d'actions, de parts de sociétés, de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, ou de titres représentatifs de ces mêmes actions, parts ou droits, mentionnés à l'article 150-0 A, ainsi que les distributions mentionnées aux 7, 7 bis et aux deux derniers alinéas du 8 du II du même article, à l'article 150-0 F et au 1 du II de l'article 163 quinquies C sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article (...) ". Ce même article définit, à son 1 ter, l'abattement pour durée de détention de droit commun et, à son 1 quater, l'abattement pour durée de détention renforcé applicable à certaines situations. L'article 150-0 D ter du même code, dans cette même rédaction, dispose que : " I.-1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions prévues au même article retirés de la cession à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement fixe de 500 000 euros et, pour le surplus éventuel, de l'abattement prévu au 1 quater dudit article 150-0 D lorsque les conditions prévues au 3 du présent I sont remplies (...) ". Le III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 prévoit que ces dispositions s'appliquent aux gains réalisés à compter du 1er janvier 2013.

4. Le paragraphe 370 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-30-10-30-10 dans ses versions successives des 14 octobre 2014, 2 juillet 2015 et 4 mars 2016 énonce que " Les plus-values placées en report d'imposition pour lesquelles le report expire à compter du 1er janvier 2013 sont donc imposables au barème progressif de l'impôt sur le revenu. S'agissant d'une règle d'assiette, les abattements prévus au 1 de l'article 150-0 D du code général des impôts et à l'article 150-0 D ter du code général des impôts ne s'appliquent pas à ces plus-values ". M. et Mme A...demandent l'annulation de ces commentaires en tant qu'ils concernent le traitement fiscal des plus-values, imposées à l'occasion de la cession, postérieurement au 1er janvier 2013, de titres de capital reçus en échange à l'occasion de fusions de sociétés et opérations assimilées ayant eu lieu avant le 1er janvier 2000 et ayant donné lieu à un report d'imposition.

5. L'intérêt dont se prévalent les requérants au soutien de leur demande tient à l'application qui leur a été faite des dispositions législatives précitées à l'occasion d'une opération d'échange de titres entre des sociétés toutes deux établies en France. Cet intérêt ne leur donne qualité pour demander l'annulation des énonciations en litige qu'en tant qu'elles concernent les situations internes. En revanche, il ne leur donne pas qualité pour demander l'annulation de ces énonciations en tant qu'elles s'appliquent à des plus-values résultant d'opérations intéressant des sociétés d'Etats membres différents. Il en résulte que la requête n'est pas recevable dans la mesure où elle est dirigée contre les commentaires attaqués, en tant qu'ils donnent une interprétation de la loi fiscale dans son application aux situations entrant dans le champ de la directive 90/434/CE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions des sociétés d'Etats membres différents.

6. Il résulte de ce qui a été rappelé au point 2 ci-dessus que les dispositions relatives aux abattements pour durée de détention qui, ainsi que l'a d'ailleurs également jugé le Conseil constitutionnel dans la décision n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016, constituent une règle de détermination de l'assiette des plus-values mobilières, ne peuvent s'appliquer aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition, la circonstance que la cession mettant fin à ce report intervient après le 1er janvier 2013 étant sans incidence à cet égard. En revanche, ainsi que l'a également jugé le Conseil constitutionnel dans la même décision, et sans préjudice des modalités particulières d'imposition découlant des deux réserves d'interprétation formulées aux points 11 et 15 de la décision, l'imposition au barème de l'impôt sur le revenu, qui constitue une règle de calcul de l'impôt, s'applique, conformément au III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013, aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013, placées en report d'imposition et dont le report expire postérieurement à cette date. Compte tenu de la lettre claire de la loi, M. et Mme A...ne peuvent utilement soutenir que celle-ci devrait recevoir une interprétation différente, en vue d'assurer sa compatibilité avec les objectifs de l'article 8, paragraphe 2, de la directive 90/434/CE du Conseil, du 23 juillet 1990, dont les dispositions ont été reprises à l'article 8 de la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009.

7. Par suite, M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir qu'en indiquant que " les plus-values placées en report d'imposition pour lesquelles le report expire à compter du 1er janvier 2013 sont imposables au barème progressif de l'impôt sur le revenu " et que " s'agissant d'une règle d'assiette, les abattements prévus au 1 de l'article 150-0 D du code général des impôts et à l'article 150-0 D ter du code général des impôts ne s'appliquent pas à ces plus-values ", les commentaires attaqués méconnaîtraient, pour ce qui concerne les plus-values placées en report d'imposition en application de l'article 92 B du code général des impôts, les dispositions qu'elles ont pour objet d'interpréter.

8. M. et Mme A...soutiennent, à titre subsidiaire, qu'à les supposer conformes à la loi, les commentaires attaqués sont entachés d'illégalité pour réitérer une règle qui, d'une part, est incompatible, pour ce qui concerne les opérations entrant dans le champ de ces dispositions, avec les objectifs de l'article 8, paragraphe 2, de la directive 90/434/CE du Conseil du 23 juillet 1990, dont les dispositions ont été reprises à l'article 8 de la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009 et, d'autre part et par voie de conséquence, porte atteinte au principe constitutionnel d'égalité en traitant de manière différente les plus-values qui résultent d'opérations entrant dans le champ de ces directives et celles qui résultent d'opérations ne mettant en cause que des sociétés françaises.

9. En premier lieu, M. et Mme A...ne peuvent utilement se prévaloir, à l'appui des conclusions pour lesquelles ils sont recevables à agir telles que définies au point 5, de ce que les dispositions de la loi, telles que réitérées par les énonciations attaquées, seraient incompatibles avec les objectifs de l'article 8, paragraphe 2, de la directive 90/434/CE du Conseil du 23 juillet 1990.

10. En second lieu, le moyen tiré de ce que les dispositions législatives commentées par les énonciations attaquées seraient contraires à la Constitution ne peut être utilement soulevé qu'à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée dans les formes prescrites par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et l'article R.* 771-13 du code de justice administrative. Faute d'être soulevé à l'appui d'une telle question présentée par mémoire distinct, ce moyen est irrecevable.

11. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, la requête de M. et Mme A...doit être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 411796
Date de la décision : 18/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2018, n° 411796
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Karin Ciavaldini
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:411796.20180718
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