Vu la procédure suivante :
Les sociétés Sodifram, Multi autos location et Bahedja ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la commune de Mamoudzou et au département de Mayotte de réaliser des travaux d'entretien, de curage et de réfection du réseau d'eaux pluviales et de la voirie sur la route de l'Archipel ZI Kaweni à Mamoudzou.
Par une ordonnance n° 1701263 du 19 décembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 15 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sodifram demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Mamoudzou et du département de Mayotte la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Weil, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Benabent, avocat de la société Sodifram, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la commune de Mamoudzou et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat du conseil départemental de Mayotte ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative " ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence " ; qu'aux termes de l'article L. 522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le juge saisi sur le fondement de l'article L. 521-3, s'il n'est pas tenu de compléter l'instruction écrite par la tenue d'une audience, doit s'assurer du caractère contradictoire de la procédure, selon des modalités adaptées à l'urgence ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure de référé que les sociétés Sodifram, Multi autos location et Bahedja ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre, sous astreinte, à la commune de Mamoudzou et au département de Mayotte d'entreprendre des travaux d'entretien, de curage et de réfection du réseau d'eaux pluviales et de la voirie sur la route de l'Archipel à Kaweni sur le territoire de la commune de Mamoudzou ; que les mémoires en défense produits devant le juge des référés par le département de Mayotte et la commune de Mamoudzou ont été communiqués à la société Sodifram les 11 et 15 décembre 2017 respectivement, cette dernière étant invitée à y répondre " dans les meilleurs délais " ; que, sans tenir d'audience, le juge des référés a rejeté la demande par ordonnance rendue le 19 décembre 2017 ;
4. Considérant que les exigences du caractère contradictoire de la procédure ont été méconnues dès lors que, d'une part, l'indication portée dans la notification du mémoire en défense ne permettait pas à la société Sodifram, en l'absence de date déterminée, de connaître le délai dans lequel elle pouvait produire des observations en réplique, et que, d'autre part, en l'absence d'audience, elle n'a pas été mise en mesure d'exposer éventuellement celles-ci avant que le juge ne statue ; qu'il suit de là que la société Sodifram est fondée à soutenir que l'ordonnance qu'elle attaque a été rendue au terme d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif et en ce qui la concerne, l'annulation ;
5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Mamoudzou et du département de Mayotte la somme demandée par la société Sodifram au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par la commune de Mamoudzou et le département de Mayotte ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 19 décembre 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte est annulée en tant qu'elle a statué sur la demande de la société Sodifram.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Sodifram ainsi que les conclusions présentées par la commune de Mamoudzou et le département de Mayotte au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Sodifram, au département de Mayotte et à la commune de Mamoudzou.