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09/11/2018 | FRANCE | N°412799

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 09 novembre 2018, 412799


Vu la procédure suivante :

La société Assurances du Crédit mutuel (ACM) IARD a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier spécialisé Charcot de Caudan à lui verser la somme de 135 957,84 euros correspondant aux sommes versées par elle en réparation des préjudices subis par M. B... C..., victime d'un accident de la circulation causé par un véhicule assuré par elle, et en remboursement des débours de la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan. Par un jugement n° 1303415 du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a conda

mné le centre hospitalier spécialisé Charcot à lui verser la somme de...

Vu la procédure suivante :

La société Assurances du Crédit mutuel (ACM) IARD a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier spécialisé Charcot de Caudan à lui verser la somme de 135 957,84 euros correspondant aux sommes versées par elle en réparation des préjudices subis par M. B... C..., victime d'un accident de la circulation causé par un véhicule assuré par elle, et en remboursement des débours de la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan. Par un jugement n° 1303415 du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a condamné le centre hospitalier spécialisé Charcot à lui verser la somme de 109 074,84 euros, assortie des intérêts à compter du 27 mars 2013.

Par un arrêt n° 15NT02462 du 24 mai 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur l'appel du centre hospitalier spécialisé Charcot et l'appel incident de la société ACM IARD, annulé ce jugement et rejeté la demande de la société ACM IARD.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 27 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société ACM IARD demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé Charcot la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

[- le code de la santé publique ;]

- la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la société Assurances du Crédit mutuel IARD et à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de l'établissement public de santé mentale Jean-Martin Charcot.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C..., alors hospitalisé à la demande d'un tiers au sein du centre hospitalier spécialisé Charcot de Caudan en raison de l'affection mentale dont il était atteint, a, le 30 novembre 2007 vers 17 heures, quitté le centre hospitalier sans autorisation et a été heurté vers 18 heures par un véhicule automobile conduit par M. A... sur la route départementale n° 769. La société d'assurance ACM IARD, assureur du conducteur du véhicule impliqué, a, en application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985, indemnisé M. C... des dommages corporels subis par lui et remboursé à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan les débours exposés pour lui. Estimant toutefois que le centre hospitalier Charcot avait manqué à son obligation de surveillance à l'égard de M. C..., elle a ensuite demandé à être indemnisée par cet établissement. Par un arrêt du 24 mai 2017, contre lequel la société ACM IARD se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 11 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes avait condamné le centre hospitalier Charcot à verser à cette société la somme de 109 074,84 euros et rejeté sa demande indemnitaire.

2. Le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, impliqué dans un accident de la circulation dont il a indemnisé la victime en application des articles 2 et suivants de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la 'circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ou son assureur subrogé, peut exercer un recours contre un co-auteur n'ayant pas la qualité de conducteur ou de gardien d'un tel véhicule, selon les conditions du droit commun, dans la limite de la part de responsabilité encourue par ce dernier à l'égard de la victime. A ce titre, lorsque la victime était hospitalisée sans son consentement, le conducteur ou son assureur ne peut rechercher la responsabilité de l'établissement de santé que si celui-ci a commis une faute permettant à son patient de quitter l'établissement et si, de ce fait, le comportement de celui-ci a concouru à l'accident.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que la présence de M. C...sur la route départementale, sans laquelle l'accident ne se serait pas produit, était due au défaut de surveillance du centre hospitalier spécialisé Charcot, dont M. C..., hospitalisé à la demande d'un tiers, était sorti sans autorisation une heure plus tôt, et, d'autre part, que celui-ci s'est engagé sur la chaussée à la tombée de la nuit, en dehors de tout passage protégé, en dépit de la circulation des véhicules. Par suite, en jugeant que les préjudices et débours dont la société ACM IARD avait assumé la réparation avaient pour seule origine, sans que le fait de la victime y ait aucune part, la faute commise par son assuré, conducteur du véhicule qui avait renversé M.C..., et qu'il n'existait ainsi aucun lien de causalité direct entre ces préjudices et le défaut de surveillance susceptible d'être imputé au centre hospitalier spécialisé, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

4. Il résulte de ce qui précède que la société ACM IARD est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé Charcot le versement à la société ACM IARD d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société ACM IARD, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 24 mai 2017 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : Le centre hospitalier spécialisé Charcot versera à la société ACM IARD une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier spécialisé Charcot au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Assurances du Crédit mutuel IARD et au centre hospitalier spécialisé Charcot.

Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 412799
Date de la décision : 09/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITÉ - RESPONSABILITÉ RÉGIE PAR DES TEXTES SPÉCIAUX - LOI DU 5 JUILLET 1985 - POSSIBILITÉ POUR UN CONDUCTEUR IMPLIQUÉ DANS UN ACCIDENT DONT IL A INDEMNISÉ LA VICTIME (ART - 2 ET SUIVANTS DE CETTE LOI) - OU POUR SON ASSUREUR SUBROGÉ - D'EXERCER UN RECOURS CONTRE UN CO-AUTEUR - EXISTENCE - CONDITIONS ET LIMITE [RJ1] - CAS D'UNE VICTIME HOSPITALISÉE SANS SON CONSENTEMENT - POSSIBILITÉ POUR CE CONDUCTEUR OU SON ASSUREUR DE RECHERCHER LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ - EXISTENCE - CONDITIONS - FAUTE DE L'ÉTABLISSEMENT PERMETTANT AU PATIENT DE LE QUITTER [RJ2] - COMPORTEMENT DE LA VICTIME AYANT CONCOURU À L'ACCIDENT.

60-01-05 Le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, impliqué dans un accident de la circulation dont il a indemnisé la victime en application des articles 2 et suivants de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ou son assureur subrogé, peut exercer un recours contre un co-auteur n'ayant pas la qualité de conducteur ou de gardien d'un tel véhicule, selon les conditions du droit commun, dans la limite de la part de responsabilité encourue par ce dernier à l'égard de la victime.... ...A ce titre, lorsque la victime était hospitalisée sans son consentement, le conducteur ou son assureur ne peut rechercher la responsabilité de l'établissement de santé que si celui-ci a commis une faute permettant à son patient de quitter l'établissement et si, de ce fait, le comportement de celui-ci a concouru à l'accident.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTÉ - ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITÉ POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE - DÉFAUTS DE SURVEILLANCE - POSSIBILITÉ POUR UN CONDUCTEUR IMPLIQUÉ DANS UN ACCIDENT DONT IL A INDEMNISÉ LA VICTIME (ART - 2 ET SUIVANTS DE LA LOI DU 5 JUILLET 1985) - OU POUR SON ASSUREUR SUBROGÉ - D'EXERCER UN RECOURS CONTRE UN CO-AUTEUR - EXISTENCE - CONDITIONS ET LIMITE [RJ1] - CAS D'UNE VICTIME HOSPITALISÉE SANS SON CONSENTEMENT - POSSIBILITÉ POUR CE CONDUCTEUR OU SON ASSUREUR DE RECHERCHER LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ - EXISTENCE - CONDITIONS - FAUTE DE L'ÉTABLISSEMENT PERMETTANT AU PATIENT DE LE QUITTER [RJ2] - COMPORTEMENT DE LA VICTIME AYANT CONCOURU À L'ACCIDENT.

60-02-01-01-01-01-06 Le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, impliqué dans un accident de la circulation dont il a indemnisé la victime en application des articles 2 et suivants de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ou son assureur subrogé, peut exercer un recours contre un co-auteur n'ayant pas la qualité de conducteur ou de gardien d'un tel véhicule, selon les conditions du droit commun, dans la limite de la part de responsabilité encourue par ce dernier à l'égard de la victime.... ...A ce titre, lorsque la victime était hospitalisée sans son consentement, le conducteur ou son assureur ne peut rechercher la responsabilité de l'établissement de santé que si celui-ci a commis une faute permettant à son patient de quitter l'établissement et si, de ce fait, le comportement de celui-ci a concouru à l'accident.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RECOURS OUVERTS AUX DÉBITEURS DE L'INDEMNITÉ - AUX ASSUREURS DE LA VICTIME ET AUX CAISSES DE SÉCURITÉ SOCIALE - SUBROGATION - POSSIBILITÉ POUR UN ASSUREUR SUBROGÉ DANS LES DROITS D'UN CONDUCTEUR IMPLIQUÉ DANS UN ACCIDENT - DONT IL A INDEMNISÉ LA VICTIME (ART - 2 ET SUIVANTS DE LA LOI DU 5 JUILLET 1985) - D'EXERCER UN RECOURS CONTRE UN CO-AUTEUR - EXISTENCE - CONDITIONS ET LIMITE [RJ1] - CAS D'UNE VICTIME HOSPITALISÉE SANS SON CONSENTEMENT - POSSIBILITÉ POUR CET ASSUREUR DE RECHERCHER LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ - EXISTENCE - CONDITIONS - FAUTE DE L'ÉTABLISSEMENT PERMETTANT AU PATIENT DE LE QUITTER [RJ2] - COMPORTEMENT DE LA VICTIME AYANT CONCOURU À L'ACCIDENT.

60-05-03 Le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, impliqué dans un accident de la circulation dont il a indemnisé la victime en application des articles 2 et suivants de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ou son assureur subrogé, peut exercer un recours contre un co-auteur n'ayant pas la qualité de conducteur ou de gardien d'un tel véhicule, selon les conditions du droit commun, dans la limite de la part de responsabilité encourue par ce dernier à l'égard de la victime.... ...A ce titre, lorsque la victime était hospitalisée sans son consentement, le conducteur ou son assureur ne peut rechercher la responsabilité de l'établissement de santé que si celui-ci a commis une faute permettant à son patient de quitter l'établissement et si, de ce fait, le comportement de celui-ci a concouru à l'accident.


Références :

[RJ1]

Rappr. Cass. Civ. 2e, 10 mars 2004, Mutuelle nationale des sports et autre c/ Groupama Bretagne et autres, n° 02-13.518, Bull. civ. II, n° 95 ;

Cass. Civ. 2e, 22 septembre 2005, Compagnie Groupama Sud et autre c/ Mme,et autres, n° 04-14.856, inédit au Bulletin ;

Cass. Civ. 2e, 18 avril 2013, Société Maaf assurances c/ M.,et autres, n° 12-13.579, inédit au Bulletin.,,

[RJ2]

Rappr. CE, 12 décembre 1979, Centre hospitalier de Sevrey, n° 10706, p. 464 ;

CE, 23 décembre 1981, Centre hospitalier de Bayonne, n° 18345, T. p. 903.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 2018, n° 412799
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arnaud Skzryerbak
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP BOUTET-HOURDEAUX ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:412799.20181109
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