Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 1702429, 1702468 du 17 mars 2017, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, les requêtes que l'office public de l'habitat de l'Isère (OPAC 38) avait présentées au greffe de ce tribunal.
Par ces requêtes, enregistrées au greffe du tribunal administratif de Paris le 9 février 2017, l'OPAC 38 demande :
1°) d'annuler la décision du 19 septembre 2016 par laquelle le ministre du logement et de l'habitat durable, le ministre de l'intérieur et le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales ont prononcé à son encontre une sanction pécuniaire d'un montant de 20 940 euros ainsi que les décisions implicite des ministres rejetant son recours gracieux formé le 11 octobre 2016 ;
2°) d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 11 octobre 2016 par l'Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) en vue du recouvrement de la somme correspondant à la sanction prononcée le 19 septembre 2016 ainsi que la décision de l'Agence du 17 janvier 2017 rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme totale de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cédric Zolezzi, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de l'office public de l'habitat de l'Isère.
1. Considérant que, sur proposition de l'Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS), à la suite d'un rapport ayant constaté treize attributions de logements effectuées en méconnaissance des plafonds de ressources autorisés, le ministre du logement et de l'habitat durable, le ministre de l'intérieur et le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales ont infligé à l'OPAC de l'Isère, le 19 septembre 2016, une sanction pécuniaire d'un montant de 20 940 euros ; qu'un titre exécutoire a été émis par l'ANCOLS à l'encontre de l'établissement le 11 octobre 2016 en vue du recouvrement de la somme correspondant à la sanction prononcée ; que, ce même jour, l'OPAC a saisi les ministres signataires de la décision de sanction d'un recours gracieux ; que l'office a introduit devant le tribunal administratif de Paris, le 9 février 2017, une requête tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2016 ainsi que des décisions implicites de rejet opposées par les ministres à son recours gracieux et une requête tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 11 octobre 2016 ainsi que de la décision de l'ANCOLS du 17 janvier 2017 rejetant son recours gracieux contre ce titre exécutoire ; que, par une ordonnance du 17 mars 2017, le président du tribunal administratif a transmis au Conseil d'Etat, en application des articles R. 351-2 du code de justice administrative et L. 342-16 du code de la construction et de l'habitation, les deux requêtes dont l'office l'avait saisi ; que ces requêtes de l'OPAC de l'Isère présentent à juger des questions connexes; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 342-12 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable: " En cas de manquements aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables, d'irrégularité dans l'emploi des fonds de la participation à l'effort de construction ou des subventions, prêts ou avantages consentis par l'Etat ou par ses établissements publics et par les collectivités territoriales ou leurs établissements publics, de faute grave de gestion, de carence dans la réalisation de l'objet social ou de non-respect des conditions d'agrément constatés, l'agence demande à l'organisme ou la personne contrôlée de présenter ses observations et, le cas échéant, le met en demeure de procéder à la rectification des irrégularités dans un délai déterminé. " ; qu'aux termes de l'article L. 342-14 de ce code : " I- Après que la personne ou l'organisme a été mis en mesure de présenter ses observations en application de l'article L. 342-12 ou, en cas de mise en demeure, à l'issue du délai mentionné à ce même article, l'agence peut proposer au ministre chargé du logement de prononcer les sanctions suivantes : 1° Une sanction pécuniaire, qui ne peut excéder deux millions d'euros. / Toutefois : a) En cas de non-respect, pour un ou plusieurs logements, des règles d'attribution et d'affectation de logements prévues au présent code, sans préjudice de la restitution, le cas échéant, de l'aide publique, elle ne peut excéder dix-huit mois du loyer en principal du ou des logements concernés ; (...) / II- Par dérogation au I, lorsque la sanction concerne un office public de l'habitat ou une société d'économie mixte, elle est prise conjointement par les ministres chargés du logement et des collectivités territoriales, dans les mêmes conditions " ; qu'aux termes de l'article R. 342-14 : " Le rapport définitif de contrôle est établi après examen des observations écrites apportées au rapport provisoire par le président ou le dirigeant de l'organisme contrôlé ainsi que par toute personne mise en cause, complétées par leurs observations orales lorsqu'ils ont été entendus. " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 441-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les organismes d'habitations à loyer modéré attribuent les logements visés à l'article L. 441-1 aux bénéficiaires suivants: / 1° Les personnes physiques (...) dont les ressources n'excèdent pas des limites fixées pour l'ensemble des personnes vivant au foyer, compte tenu des personnes à charge, par arrêté conjoint du ministre chargé du logement, du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre chargé de la santé ; ces plafonds de ressources sont révisés chaque année au 1er janvier en tenant compte de la variation de l'indice de référence des loyers appréciée par comparaison entre le troisième trimestre de l'antépénultième année et le troisième trimestre de l'année précédente ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 441-1-1 de ce code : " Pour résoudre des problèmes graves de vacance de logements, faciliter les échanges de logements dans l'intérêt des familles, permettre l'installation d'activités nécessaires à la vie économique et sociale des ensembles d'habitations, ainsi que pour favoriser la mixité sociale dans les grands ensembles et les quartiers mentionnés au I de l'article 1466 A du code général des impôts, le préfet peut fixer par arrêté des règles dérogeant localement et temporairement aux conditions de ressources mentionnées au 1° de l'article R. 441-1. Cet arrêté détermine les plafonds de ressources dérogatoires applicables. Il désigne les immeubles ou les secteurs qui font l'objet de la dérogation ainsi que la durée de celle-ci. Dans les mêmes conditions, les dérogations aux plafonds de ressources peuvent également être accordées, en dehors des grands ensembles et des quartiers mentionnés au I de l'article 1466 A du code général des impôts, pour les logements d'un même immeuble ou ensemble immobilier lorsque ceux-ci sont occupés à plus de 65 % par des ménages bénéficiant de l'aide personnalisée au logement prévue aux articles L. 351-1 et suivants. " ;
4. Considérant, d'une part, que le rapport définitif de l'ANCOLS faisant apparaître treize cas d'irrégularité liés au non respect des plafonds de ressources lors de l'attribution de logements sociaux par l'OPAC de l'Isère a été communiqué à l'office par un courrier du 20 avril 2016 par lequel l'ANCOLS rappelait à l'OPAC qu'il disposait d'un délai de quatre mois, en application de l'article R. 342-14 du code de la construction et de l'habitation, pour adresser ses observations écrites sur ce rapport définitif ; que, par ailleurs, ce rapport était accompagné d'une lettre, dite lettre de suites, arrêtée par le comité du contrôle et des suites créé par l'article R. 342-6 du code de la construction et de l'habitation, qui rappelait à l'office son obligation d'appliquer la réglementation, lui signalait que les irrégularités étaient passibles de sanctions pécuniaires, précisait le montant maximum de ces dernières, en se référant à l'article L. 342-14-I du code de la construction et de l'habitation et indiquait enfin que le conseil d'administration de l'ANCOLS était susceptible de proposer aux ministres de prononcer une sanction en l'espèce ; que dans ces conditions, l'OPAC de l'Isère, qui a d'ailleurs répondu aux griefs formulés par l'ANCOLS dans un courrier du 23 août 2016, n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été mis en mesure de présenter ses observations préalablement à la sanction prononcée le 19 septembre 2016 ;
5. Considérant, d'autre part, qu'alors que le rapport définitif de l'ANCOLS avait relevé que l'OPAC de l'Isère avait procédé à treize attributions irrégulières de logements entre 2011 et 2013, le ministre du logement et de l'habitat durable, le ministre de l'intérieur et le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales ont finalement décidé de ne le sanctionner qu'à raison des seuls dépassements supérieurs à 10 % des plafonds de ressources, soit sept des treize logements concernés ; qu'ils ont en outre choisi de ne pas appliquer, pour ces sept logements, la sanction financière maximale prévue par le I de l'article L. 342-14 du code de la construction et de l'habitation, correspondant à dix-huit mois de loyers en principal des logements concernés, en limitant le montant de la sanction infligée à l'office à la somme de 20 940 euros, correspondant à neuf mois de loyers en principal de ces logements ; qu'en modulant ainsi le montant de la sanction infligée à l'office, les ministres ont pris en compte, d'une part, l'importance des dépassements des plafonds de ressources intervenus en l'absence de dérogation préfectorale préalable, ceux-ci représentant pour les sept logements concernés 12 à 88 % des seuils réglementaires, et, d'autre part, les circonstances, invoquées par l'office, que ces logements étaient soit situés dans des territoires en déprise économique soit dans des zones où l'offre de logements sociaux est importante et que certains d'entre eux étaient en outre demeurés vacants plusieurs mois avant l'attribution litigieuse ; que, dans ces conditions, au regard du pouvoir d'appréciation dont disposaient les ministres, le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction infligée à l'OPAC de l'Isère doit être écarté ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de la cohésion des territoires, que l'OPAC de l'Isère n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions et du titre exécutoire qu'il attaque ; que ses requête doivent, par suite, être rejetées, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de l'OPAC de l'Isère sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'office public de l'habitat de l'Isère, à l'Agence national de contrôle du logement social, au ministre de l'intérieur et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.