Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 34 500 euros en réparation des préjudices résultant de son absence de relogement. Par un jugement n° 1619502/6-1 du 23 juin 2017, le tribunal administratif a condamné l'Etat à lui verser la somme de 200 euros.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 29 septembre et 29 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois, son avocat, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cédric Zolezzi, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. B...;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B...a été reconnu prioritaire et devant être relogé en urgence, sur le fondement de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, par une décision du 23 janvier 2015 de la commission de médiation du département de Paris, au motif qu'il était dépourvu de logement et en situation d'hébergement. M. B...a demandé au tribunal administratif de condamner l'Etat à réparer les préjudices subis du fait de l'absence de relogement. Il se pourvoit en cassation contre le jugement du 23 juin 2017 par lequel le tribunal a condamné l'Etat à lui verser la somme de 200 euros qu'il estime insuffisante.
2. Aux termes de l'article R. 772-5 du code de justice administrative : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emplois, sans préjudice des dispositions du chapitre VIII s'agissant du contentieux du droit au logement défini à l'article R. 778-1 ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 772-9 du même code : " La procédure contradictoire peut être poursuivie à l'audience sur les éléments de fait qui conditionnent l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou la reconnaissance du droit, objet de la requête. / L'instruction est close soit après que les parties ou leurs mandataires ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience ".
3. Les demandes indemnitaires tendant à la réparation des préjudices ayant résulté de la carence de l'Etat à exécuter une décision de la commission de médiation déclarant un demandeur prioritaire et devant être logé en urgence sont relatives à des droits attribués au titre du logement, sans relever du contentieux défini à l'article R. 778-1 du code de justice administrative. Les dispositions citées au point 2 leur sont, par suite, applicables. Dès lors, conformément au deuxième alinéa de l'article R. 772-9, l'instruction d'une telle demande est close soit après que les parties ou leurs mandataires ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de l'affaire à l'audience.
4. Il ressort des pièces du dossier transmis par le tribunal administratif de Paris qu'une ordonnance du 24 novembre 2016 a clos l'instruction à une date antérieure à celle de l'audience publique du 23 juin 2017 au cours de laquelle l'affaire a été examinée. M. B...est, par suite, fondé à soutenir que le jugement a été rendu au terme d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Lorsqu'une personne a été reconnue comme prioritaire et comme devant être logée ou relogée d'urgence par une commission de médiation, en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, la carence fautive de l'Etat à exécuter ces décisions dans le délai imparti engage sa responsabilité à l'égard du seul demandeur, au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission, que l'intéressé ait ou non fait usage du recours en injonction contre l'Etat prévu par l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation. Ces troubles doivent être appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l'Etat, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l'Etat, qui court à l'expiration du délai de trois ou six mois à compter de la décision de la commission de médiation que l'article R. 441-16-1 du code de la construction et de l'habitation impartit au préfet pour provoquer une offre de logement.
7. Il résulte de l'instruction que la situation d'hébergement dans un appartement de pension de famille, qui avait motivé la décision de la commission, a perduré jusqu'au 4 septembre 2018, date à laquelle M. B...et la personne vivant avec lui, qui avait été prise en compte par la commission, ont obtenu un logement social. Cette situation a entraîné des troubles dans les conditions d'existence des intéressés, ouvrant droit à réparation dans les conditions indiquées ci-dessus. Compte tenu des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l'Etat, de la durée de cette carence, qui durait depuis le 23 juillet 2015, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence dont la réparation incombe à l'Etat en condamnant celui-ci à verser à M.B..., sur une base de 250 euros par personne et par an et dans les circonstances de l'espèce, une somme de 1 600 euros tous intérêts compris au jour de la présente décision.
8. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 23 juin 2017 est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 600 euros tous intérêts compris au jour de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de M. B...est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.